Une centaine d’entreprises et associations demandent la prise en compte du gaz vert dans le GHG Protocol

Le secteur européen du biométhane devrait bénéficier de près 27 milliards d’euros d’investissements privés d’ici 2030, selon une analyse de l’Association européenne du biogaz (EBA) publiée en juin 2024. ©Shutterstock

Publié le 11/02/2025

7 min

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Plus de 140 entreprises et associations internationales ont adressé une lettre ouverte aux organes de gouvernance du Greenhouse Gas Protocol (GHG) pour demander la prise en compte « dès maintenant » des instruments de marché pour développer les gaz renouvelables et plus généralement la reconnaissance du gaz vert dans la décarbonation de l’économie et pour tenir les objectifs climatiques.

 Par Laura Icart 

 

Le protocole dit « Green House Gas » est une référence et la norme la plus utilisée au monde pour mesurer et gérer les émissions de gaz à effet de serre. « Ses règles influencent directement la manière dont les entreprises rendent compte de leur impact sur le climat » estime l’Association des digestions anaérobies et des bioressources (ADBA) à l’origine, avec l’association européenne du biogaz (EBA) et l’association mondiale du biogaz (WBA), Eurogas et la coalition pour le gaz naturel renouvelable (RNG Coalition), de cette lettre ouverte demandant que le « rôle clé des certificats verts »,  nos garanties d’origine à l’échelle européenne, soit reconnu. L’ensemble des signataires, parmi lesquels de nombreuses entreprises et associations françaises telles que ArcelorMittal, Arkema, Engie, France gaz, la FNTR ou Dunkerque LNG, demandent notamment au World Resources Institute (WRI), gestionnaire du GHG, de s’engager « d’ici le milieu de l’année 2025 » à publier une déclaration provisoire, initialement prévue en 2028 fin 2025 (adoption définitive des normes prévue pour 2028), confirmant que les instruments de marché robustes seront reconnus dans les inventaires de GES. « Nous avons besoin de visibilité dès aujourd’hui » indique la WBA.

Le GHG Protocol, késako ?

Le GHG Protocol fournit les normes de comptabilisation des gaz à effet de serre et les orientations les plus largement utilisées dans le monde. La norme couvre la comptabilisation et la déclaration de sept gaz à effet de serre visés par le protocole de Kyoto : le dioxyde de carbone (CO₂), le méthane (CH₄), l’oxyde nitreux (N2O), les hydrofluorocarbures (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC), l’hexafluorure de soufre (SF6) et le trifluorure d’azote (NF3). Il est composé d’une série de normes structurées en plusieurs parties : une « Corporate Standard Guidance » qui explique comment faire son bilan carbone, un « Scope 2 et 3 Guidance » qui définit comment faire son reporting des émissions du scope 2 et 3 et un « Land Sector and Removals » consacré aux absorptions et puits de carbone. Toutes les normes, à l’exception de celles contenues dans le guide 4, sont en cours de révision. Plusieurs groupes de travail sont également en cours dont un consacré au rôle des instruments de marché qui doit amener à un guide dédié en 2028.

Le va-et-vient du biométhane 

Ces dernières années, les publications du GHGP ont soufflé le chaud et le froid, en indiquant à la fois un soutien et une opposition à l’utilisation de certificats verts pour ajuster les émissions d’un acheteur. En 2015, la mise à jour du guide Scope 2, qui permet aux entreprises de mesurer et de déclarer de manière crédible les émissions provenant de l’électricité, de la vapeur, de la chaleur et du refroidissement achetés ou acquis, comprenait une annexe indiquant que les entreprises peuvent tirer parti du cadre de comptabilité basé sur le marché pour les achats contractuels de biométhane, comme c’est le cas pour l’électricité renouvelable. Cette annexe a été supprimée en 2020. En 2022, un projet d’orientation sur le foncier et les puits de carbone en lien avec l’usage de la biomasse indiquait que les instruments de marché liés au biométhane ne pouvaient être comptabilisés « pour ajuster les émissions ». En 2023, le World Resources Institute (WRI) reconnaît que des clarifications devront être apportées dans le final standard and guidance qui doit être publié en 2028 sans pour autant fournir des orientations claires aux acteurs du marché. Concrètement, aujourd’hui, il n’y a aucune norme sur la comptabilisation du biométhane. Néanmoins, une consultation est prévue en 2027 et les premières orientations sont attendues cette année. « Trop tard » pour les nombreux signataires de cette lettre ouverte qui réclament de « la visibilité dès aujourd’hui ».

« Des règles et des certitudes »

En Europe, le marché des certificats verts ou garantie d’origine (GO) peine à s’harmoniser. Les soutiens aux mécanismes de GO sont très variés au niveau européen avec un mélange de registres volontaires et réglementés. Et cela même si l’harmonisation européenne du système des GO dans le cadre de la transposition de la directive européenne RED II (renewable energy directive) devait « garantir la concurrence loyale et juste entre les différentes GO européennes » à l’ouverture du marché en juin 2021. Moins d’une dizaine de pays font aujourd’hui du commerce transfrontalier de GO. Dans cette lettre ouverte, les signataires représentants d’opérateurs économiques responsables de la production, du commerce et de la consommation de combustibles gazeux renouvelables et de leurs dérivés soulignent « le besoin urgent » d’un cadre d’information sur le climat qui fournisse « des règles et des certitudes pour les investissements dans leurs secteurs », réclamant une approche basée sur le marché pour « surmonter les barrières économiques, techniques et environnementales et des zones non connectées aux réseaux ».

Un appel mondial à soutenir la décarbonation

« Le biométhane permet de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre – 24 millions de tonnes d’équivalent CO₂ dans l’UE en 2023. Les entreprises le savent et demandent maintenant des directives claires du GHG Protocol sur les certificats de biométhane afin de reconnaître la performance climatique du biométhane » souligne Anthony Lorin, analyste politique à l’EBA. « Tous les moyens de décarbonation doivent être mobilisés pour permettre une transition énergétique à un coût maîtrisé » ajoute Madeleine Lafon, déléguée générale de France gaz. « Il est impératif que le gaz vert soit reconnu comme combustible et comme carburant. » « Le GHG Protocol a retiré des directives qui offraient auparavant une certitude d’investissement nécessaire sur le marché du gaz renouvelable » indique la lettre publiée le 10 février, qui demande, outre une approche basée sur le marché pour les gaz renouvelables dans l’inventaire du champ d’application 1, la publication  d’une déclaration provisoire « au cours du premier semestre 2025 » venant confirmer « que des instruments de marché solides seront reconnus dans les inventaires de GES ».

Objectif des signataires : donner « dès maintenant » de la visibilité aux investisseurs sans attendre les premières annones attendues pour la fin de l’année, alors même que la production de biogaz pourrait « quadrupler d’ici 2030 » selon l’Agence internationale de l’énergie qui prévoyait dans un rapport publié en janvier 2024 une accélération de la croissance de la production dans le monde de près de 32 % entre 2023 et 2028.