Un plein à la ferme

Publié le 02/12/2020

4 min

Publié le 02/12/2020

Temps de lecture : 4 min 4 min

À Colombey-lès-Choiseul en Haute-Marne a été inaugurée début octobre une station-service pas tout à fait comme les autres : celle de Philippe Collin, agriculteur depuis 30 ans, dont le carburant est directement issu de son unité de méthanisation.

Par Laura Icart

 

C’est une première en France : une station à la ferme de biométhane non injecté dans les réseaux gaziers ! Et c’est un pas de plus vers la tendance « produire et consommer local ». Pour cet éleveur, installé en bio depuis 15 ans, distribuer du bioGNV issu directement de la méthanisation de ses déchets agricoles et de ceux de ses voisins répond à « une véritable démarche environnementale ». Une suite logique à donner à une énergie « en adéquation avec les besoins des territoires ruraux ».

Un esprit pionnier

Philippe Collin s’intéresse depuis longtemps à la méthanisation. Lui qui fait déjà depuis des années le bilan carbone de son exploitation a installé en 2010 une unité de méthanisation en cogénération sur son exploitation. En 2016, il souhaite aller plus loin dans la valorisation du biogaz produit et concrétiser cette idée qui lui trotte dans la tête : rouler avec du biométhane issu directement de son exploitation. Grâce à une subvention de l’Ademe, son exploitation devient un site pilote, ce qui permet à l’iséroise Prodéval, spécialisée dans le traitement et la valorisation du biogaz, de mener une expérimentation avec une unité dimensionnée pour 2 Nm3 de biogaz par heure. L’idée était aussi pour Philippe Collin de pouvoir tester différents scénarios pour arriver à un équilibre financier et un modèle qui puisse être facilement duplicable sur d’autres territoires ruraux. « Une réalité impossible à atteindre avec quelques véhicules légers » : in fine, la collectivité s’engage avec un autocar de transport scolaire, quelques utilitaires (boulanger, pompiers…) mais c’est surtout la laiterie locale, propriété du groupe Savencia qui, en acceptant de tester le ramassage avec un semi-GNV Scania durant une année, assurera la viabilité de la station. À l’issue de cette expérimentation, Savencia, qui exploite 40 laiteries en France, décidera ou non d’intégrer le biogaz pour la collecte laitière. « Aujourd’hui, la collecte laitière au biogaz n’existe pas mais cette expérimentation sera peut-être le début de l’histoire. »

Faire vivre une bioéconomie locale

La station de Philippe Collin Eurek’Alias est dimensionnée pour distribuer jusqu’à 60 tonnes de bioGNV à l’année et diffère des autres dans son modèle, puisqu’elle distribue du bioGNV local sans émission de garantie d’origine. Un bioGNV vendu 1,10 euro TTC le kilo quand d’autres stations produisant du biométhane agricole affichent des prix autour de 80 cents TTC le kilo. Un prix que ne peut se permettre Philippe Collin au vu des volumes distribués et du coût de l’investissement. Mais pour l’éleveur, l’essentiel est ailleurs : il a le sentiment qu’un pas a été franchi dans la volonté des Français de consommer différemment et s’imagine volontiers comme « une Amap de la mobilité gaz ». Récemment, c’est le service de soins infirmiers à domicile local qui a réservé des emplacements pour ses véhicules. « C’est le dernier maillon de la chaîne que nous souhaitions mettre en place. » Si actuellement 6 véhicules, un bus et un camion s’avitaillent chez lui régulièrement, l’intérêt grandissant du bioGNV et la nécessité de verdir les flottes rendent Philippe Collin confiant pour l’avenir.

Un tarif spécifique attendu début 2021

Le biométhane non injecté est actuellement le seul biogaz qui n’est pas couvert par le tarif d’achat. Mais c’est une donnée qui changera dès le début de l’année prochaine, conséquence de la loi d’orientation des mobilités. Le biométhane non injecté bénéficiera alors d’un soutien, avec un tarif en appel d’offre et complément de rémunération. « Un tarif plus ou moins expérimental  » selon l’éleveur qui est associé  aux discussions avec le ministère de la Transition écologique dans le cadre d’un groupe de travail piloté par l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) mais dont les conditions devraient être précisées dans le cahier des charges qui sera publié par la suite.

Crédit : Shutterstock.