Un Nénufar pour valoriser le biogaz des éleveurs

Publié le 11/03/2020

4 min

Publié le 11/03/2020

Temps de lecture : 4 min 4 min

Couvrir les fosses à lisier ou de digestat par des bâches flottantes pour éviter les pertes de biogaz et d’azote : c’est la solution innovante proposée depuis 2015 par Jeoffrey Moncorger et Rémy Engel, deux ingénieurs diplômés d’AgroParisTech et cofondateurs de Nénufar, une start-up qui s’adresse aux éleveurs. Rencontre.

Par Laura Icart

 

Notre pays compte près de 70 000 fosses à lisier. Équipements obligatoires sur les exploitations laitières depuis le plan nitrates (1992), elles émettent 13,4 millions équivalents CO2 de gaz à effet de serre (GES) par an dans l’atmosphère, soit 1 % de nos émissions nationales. Elles sont aussi une ressource de biogaz inexploitée puisqu’elles produisent naturellement du biogaz au fond de la fosse. « Développer une méthanisation agricole cohérente, c’est l’ADN de Nénufar », souligne Rémy Engel qui, après quelques expériences dans le domaine de la méthanisation, a convaincu son acolyte Jeoffrey Moncorger de se lancer dans l’aventure en septembre 2012, en se spécialisant dans la méthanisation en autonomie sur les exploitations d’élevage. « Il y a un énorme potentiel de production d’énergie à l’échelle du territoire ! Notre solution permet de valoriser les lisiers sans avoir à les transporter », s’enthousiasme Rémy Engel.

Du biogaz valorisable à moindre coût

Afin de permettre aux éleveurs de produire à moindre coût du biogaz sur leur exploitation, Nénufar a développé une couverture innovante adaptable à toute géométrie de fosse existante, transformant de fait toute fosse de stockage de lisiers ou de digestats en digesteur de production de biogaz au service de l’exploitation.

« Nénufar est en mesure de répondre à toute demande de production, de transport, de traitement et de valorisation du biogaz », déclare Rémy Engel, pour un investissement compris entre « 50 000 et 100 000 euros, suivant la taille de la fosse à lisier », précise-t-il. Un coût qui comprend la couverture, le réseau de transport, l’analyse, la mise en pression, le traitement et la combustion du biogaz (chaudière) ou l’injection directement dans le réseau ou dans le moteur de cogénération, très loin de l’investissement nécessaire pour des unités de méthanisation « classiques » (entre 300 000 et 3 millions d’euros selon leur taille). Et un système qui pourrait conduire à une autonomie énergétique pour certains élevages. Pour les unités de méthanisation déjà existantes, Nénufar permet une optimisation de la fosse à digestat avec du biogaz supplémentaire pour alimenter une cogénération ou dans sa version épurée directement injectable dans les réseaux gaziers.

Un système breveté rustique et innovant

Point d’orgue du système Nénufar : la couverture, qui fait d’ailleurs l’objet de deux brevets d’invention. Assimilée à une bâche, cette couverture est un système flottant pneumatique, qui peut s’installer sur n’importe quelle fosse existante et qui permet de récupérer le méthane. Maintenue à la surface du lisier grâce à des flotteurs qui lui assurent l’étanchéité nécessaire au stockage du méthane, le biogaz remonte à la surface de la bâche d’où il est acheminé pour alimenter une chaudière dédiée à des bâtiments d’élevage, des serres, ou encore pour du séchage de fourrages. « Outre la valorisation énergétique, notre couverture limite la propagation des mauvaises odeurs et réduit les émissions de gaz à effet de serre de la fosse, tout en récupérant l’eau de pluie qui pourra être réutilisée par l’exploitation. Elle permet également une meilleure conservation de l’azote et donc la préservation de la valeur fertilisante des lisiers », souligne le co-fondateur de Nénufar.

Le biogaz capté est ensuite envoyé sur le moteur de cogénération ou en injection sur le réseau, « améliorant ainsi la rentabilité de l’unité de méthanisation » selon la jeune PME française qui souligne que le dispositif « ne modifie aucunement le mode de gestion des lisiers avec un pompage direct et sécurisé pendant les périodes d’épandage ».

Un potentiel de croissance important

C’est la ferme de Grignon (ferme d’AgroParisTech), véritable laboratoire des anciens élèves de l’école, qui a expérimenté en 2012 le procédé de Nénufar, tire parti de sa fosse de stockage de lisier de bovins et valorise le biogaz sous forme de chaleur pour le chauffage, la production d’eau chaude ou encore la pasteurisation du lait. Aujourd’hui, près d’une quarantaine de fermes sont équipées de ce système. « Une douzaine d’installations ont été mise en place en 2019, représentant un tiers de notre parc global », souligne Rémy Endel, qui précise que le chiffre d’affaires de la start-up a doublé en 2019.

Crédit : Nénufar.