Transition écologique : malgré la dette, « le statu quo n’est pas une option » pour la Cour des comptes

Transition écologique
16/09/2025
6 min
Les besoins s’élèvent à plus de 200 Md€ par an, dont environ 100 Md€ supplémentaires pour l’atténuation du changement climatique, auxquels s’ajoutent les dépenses liées à l’adaptation, à la préservation de la biodiversité, à l’économie circulaire et à la lutte contre les pollutions estime la Cour des comptes le 16 septembre dans un rapport. ©Shutterstock

La Cour des comptes, dans son premier rapport annuel sur la transition écologique, a tiré la sonnette d’alarme le 16 septembre, soulignant que malgré un contexte financier déjà fragile, l’action contre le changement climatique doit impérativement rester une priorité nationale. Dans un pays où la dette publique atteint des niveaux préoccupants, l’institution rappelle qu’« il n’y a pas d’opposition entre une meilleure gestion des finances publiques et les politiques de transition écologique ». Au contraire, ces politiques doivent être considérées comme des investissements à long terme, non comme une variable d’ajustement.

Par la rédaction, avec AFP

« Le statu quo n’est pas une option », a insisté Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, soulignant que l’action rapide, ordonnée et planifiée est non seulement une nécessité environnementale, mais également une décision économiquement rationnelle. Face à la dette et aux défis économiques, il est impératif que la transition écologique devienne la priorité des priorités.

La situation environnementale : un bilan insuffisant mais des progrès réels

La France, qui s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55 % d’ici 2030 et à atteindre la neutralité carbone en 2050, peine à atteindre ses objectifs. Bien que les efforts déployés depuis 1990 aient permis une diminution significative des GES et de plusieurs polluants, les résultats restent « fragiles » et « insuffisants », selon la Cour des comptes. Le rythme de réduction des émissions s’est ralenti ces dernières années, et l’atteinte de la neutralité carbone semble de plus en plus incertaine. En parallèle, la biodiversité continue de se dégrader, avec une diminution de 31 % des populations d’oiseaux spécialistes depuis 1989. La Cour recommande de renforcer la stratégie nationale bas carbone (SNBC) en y intégrant des objectifs chiffrés et sectoriels de réduction de l’empreinte carbone, notamment en prenant en compte les émissions liées à la consommation de biens importés. Un axe essentiel, car la prise en compte de l’empreinte carbone totale (y compris les émissions importées) pourrait changer la donne dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Une coordination insuffisante entre les leviers d’action

Pour réussir la transition, la Cour des comptes insiste sur la nécessité d’une coordination renforcée des actions publiques. Les leviers d’action sont multiples : réglementation, fiscalité, sobriété, investissement dans les infrastructures écologiques. Si des efforts ont été réalisés, notamment avec la création du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) en 2022, il est estimé que celui-ci reste « fragilisé » et que son rôle doit être consolidé pour impulser et coordonner plus efficacement les politiques écologiques à travers les différents ministères.

Le rapport critique également l’absence de véritable synergie entre les objectifs nationaux et les initiatives locales. Les collectivités territoriales, bien que jouant un rôle clé dans la transition écologique, doivent voir leur action mieux soutenue par l’État. Cela passe par une articulation plus fluide des politiques publiques et des financements et un renforcement du dialogue entre l’État et les autorités locales.

L’urgence d’un investissement massif et ciblé

La Cour des comptes estime qu’il est nécessaire de doubler les investissements actuels pour atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050. Cela représente plus de 200 milliards d’euros par an, un montant bien supérieur à celui qui est actuellement alloué, tant par le secteur public que privé. La Cour appelle ainsi à un meilleur ciblage de ces financements et à un renforcement de la stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique (Spafte), qui doit être présentée au Parlement avant chaque débat budgétaire, pour une meilleure transparence et une utilisation plus efficiente des fonds. L’investissement privé joue un rôle majeur, mais la Cour insiste sur la nécessité de renforcer l’accompagnement public pour inciter les acteurs privés à investir davantage. Pour Pierre Moscovici, « chaque euro investi en prévention permet d’économiser jusqu’à 3 euros de dommages évités », ce qui démontre que l’investissement dans la transition écologique est « économiquement rentable à long terme ».

Le coût de l’inaction : une facture salée

Les conséquences de l’inaction face au changement climatique, déjà visibles, vont se multiplier dans les années à venir. Le réchauffement climatique génère déjà des coûts significatifs, notamment pour le système de santé (canicules, crises agricoles, inondations) et pourrait multiplier ces dépenses par deux d’ici 2050. Le coût de la transition écologique est « bien inférieur à celui de l’inaction » et va s’accentuer, projettent les sages. Citant un rapport en juin de la Banque de France, la Cour rappelle qu’un statu quo des politiques menées face au dérèglement climatique conduira à une perte de 11,4 points de croissance du PIB pour la France d’ici à 2050. Dans le même temps, une transition ordonnée, en investissant de manière proactive dans des solutions écologiques, permettrait de limiter ce recul économique.

À l’échelle mondiale, le coût de la transition est estimé à 1,2 point de PIB, contre 15 points pour l’inaction. Ce constat, bien que préoccupant, met en évidence l’urgence de repenser les priorités budgétaires du pays. Pour les sages de la rue Cambon, la transition écologique n’est pas une politique parmi d’autres, mais une politique transversale, devant irriguer l’ensemble des actions publiques, à tous les niveaux. Si la France souhaite rester fidèle à ses engagements climatiques, une approche intégrée, cohérente et ambitieuse est nécessaire.

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