TER au bioGNV : un gain social et environnemental ?

Selon SNCF TER, 1,1 million de voitures sont laissées au garage chaque jour grâce aux trains régionaux.

Publié le 24/03/2021

8 min

Publié le 24/03/2021

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Le cabinet Sia Partners a publié le 23 mars une étude qui évalue les impacts économiques et environnementaux de la mise en place d’une filière TER bioGNV française. Une solution à court terme qui apparaît comme « pertinente et à moindre coût » selon l’étude et qui met en avant la maturité de la technologie et la disponibilité du bioGNV grâce à l’essor de la production de biométhane en France. En 2030, le matériel roulant au bioGNV pourrait atteindre 70 % du parc diesel existant suivant les usages et permettre de réduire significativement les émissions CO2 et de polluants de proximité. Le développement de cette filière pourrait également générer de manière directe ou indirecte jusqu’à 19 000 emplois sur nos territoires. Décryptage.

Par Laura Icart

 

Aujourd’hui inexistante dans le ferroviaire français, la technologie bioGNV pourrait « s’intégrer facilement dans les structures de trains existantes et créer ainsi une nouvelle filière pourvoyeuse d’emplois » indique l’étude du cabinet Sia Partners. Pour Charlotte de Lorgeril, co-auteur de l’étude, le rétrofit des trains au bioGNV présente l’avantage de « l’adéquation de la solution pour les TER, la rapidité et la facilité de la mise en place de la filière, l’impact environnemental conséquent et les retombées sur les activités économiques en France ».

26 % des TER roulent toujours au diesel

Le ferroviaire est le mode de transport le plus vertueux en France. Il émet seulement 0,5 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur des transports (concentrant 30 % des émissions de GES nationales) alors qu’il transporte selon la SNCF « 11 % des personnes et 9 % des marchandises au niveau national ». En moyenne, un TER émet 24,8 g de CO2 par voyageur par kilomètre, soit 13 fois plus qu’un TGV. Une moyenne qui diffère selon le taux de remplissage mais aussi selon le matériel utilisé : TER électrique, bi-mode ou diesel. En France, le parc de TER comprend 2 255 rames, dont plus de la moitié (1 164) est électrique et 495 sont bi-mode, soit 22 % du parc actuel, comprenez qu’elles peuvent circuler sous caténaire lorsque la ligne est électrifiée et également sur des lignes non électrifiées grâce à leur moteur diesel. 596 rames (26 %) roulent au diesel. « Les TER thermiques ou bi-modes sont utilisés dans près de 40 % des circulations TER et représentent toujours 25 % de la consommation d’énergie de TER SNCF et 75 % des émissions de CO2 liées à la circulation des trains » indique TER SNCF qui s’est engagé via son programme « Planeter » à une conversion de son parc roulant vers des technologies et des carburations alternatives telles que l’hydrogène, l’hybride, la batterie, les biocarburants et le biogaz. « Toutes les solutions sont sur la table » nous indique TER SNCF qui se réserve le droit, en concertation avec les régions et selon les caractéristiques techniques des lignes, de choisir « la solution la plus en adéquation » avec les potentialités d’un territoire, afin d’exclure « le plus rapidement possible l’usage du diesel dans ses TER ».

Entre 33 et 70 % du parc roulant en 2030

Pour dessiner les impacts de la filière TER bioGNV en France et établir la projection du parc en termes de transformation au bioGNV, le cabinet Sia Partner est parti d’un parc de 930 TER composé de six modèles : quatre 100 % diesel et deux bi-mode. Sia Partners a étudié trois scénarios de transformation des TER en fonction des usages et des besoins identifiés par les régions. Un scénario dit « bas », où le TER bioGNV serait en concurrence directe avec les TER à batterie et les TER roulant au B100 (gasoil d’origine 100 % huile de colza), qui amènerait à un taux de transformation du parc TER diesel en bioGNV de 33 % en 2030, soit 307 rames, en prenant en compte « la préférence de certaines régions productrices de colza et d’agro-gasoil de déployer le TER B100 » et à un usage limité (25 %) « dû à l’électrification frugale » sur les modèles des TER BCG, avec un déploiement de recharge en bout de ligne. Un scénario « intermédiaire », avec une conversion de 100 % des TER diesel au bioGNV et 25 % du parc BCG existant également converti au bioGNV, permettrait d’amener à un taux de transformation du parc de 61 %. Enfin, le scénario « haut » part également sur une conversion à 100 % des TER diesel en bioGNV mais aussi du principe que l’électrification frugale ne se fait pas et qu’il est donc possible d’envisager 50 % de TER BCG circulant au bioGNV, ce qui permettrait d’atteindre un taux de transformation de 70 % du parc existant de TER. Sur l’ensemble de ces scénarios, 56 % des emplois sont générés par l’activité directe, 36 % par l’activité indirecte des fournisseurs et 8 % par l’activité induite par les rémunérations.

Un écosystème bioGNV créateur de plus de 16 000 emplois

En partant du scénario intermédiaire qui vise un parc de 563 TER bioGNV en 2030, représentant une consommation annuelle de 560 GWh et environ 1,5 % de la production de biométhane, Sia Partners estime que la mise en place d’une filière TER bioGNV d’ici à 2030 pourrait créer 16 750 emplois, dont 14 600 de manière pérenne dans l’exploitation et la maintenance des TER (plus de 87 % des emplois générés). « Cette filière offre une création nette d’emplois liés à la consommation d’une énergie produite en France pour des moteurs très proches du diesel ne nécessitant que peu de formation pour les techniciens » précise Charlotte de Lorgeril. En dehors de l’exploitation et de la maintenance des TER, les emplois toucheraient l’ensemble des catégories professionnelles : agriculteurs (9 %) grâce à la production de biométhane, artisans et entrepreneurs (7 %), cadres et professions intellectuelles (17 %), professions intermédiaires (22 %), employés (11 %) et ouvriers (34 %). Les emplois non pérennes sont quant à eux générés par les activités de construction et en particulier la construction des unités biométhane représentant 50 % de ces emplois et la transformation des TER (46 %). Environ 10 % du total des emplois générés seraient « spécifiques à la filière bioGNV ». La construction des unités de biométhane (770 ETP) et la transformation des TER au bioGNV (700 ETP) sont les deux activités les plus pourvoyeuses d’emplois en 2030. À noter que ce potentiel d’emplois directs et indirects lié au bioGNV ferroviaire est bien différent d’une région à l’autre. Les emplois directs sont répartis sur les territoires présentant un fort potentiel de conversion de leur TER diesel au bioGNV mais également là où les techni-centres industriels réalisent la transformation des TER, comme en Auvergne-Rhône-Alpes ou dans la région Grand Est avec un parc roulant à convertir important, respectivement 192 et 113 rames. Le besoin en équipements, biens et services de ces activités permettra également une diffusion de l’activité, avec des impacts plus également répartis entre les régions sur les activités indirectes, notamment en Nouvelle-Aquitaine et en Île-de-France.

Une filière basée sur un savoir-faire national

En termes d’impact économique, la filière TER bioGNV générerait un revenu de 1,5 milliard d’euros dont 82 % (soit 1,2 milliard) serait portés par l’exploitation et la maintenance des TER au bioGNV généré à 100 % sur le sol français. « 73 % [du revenu total] seraient diffusés dans l’économie française sous forme de rémunérations, d’excédents bruts d’exploitation et d’impôts et taxes et 27 % serviraient à importer les équipements et produits non fabriqués en France » indique Sia Partners, comme l’équipement des stations d’avitaillement, des unités de méthanisation ou les moteurs bioGNV intégrables dans les TER exclusivement produits par le constructeur Man en Allemagne ou pour les compresseurs (stations d’avitaillement) qui « présenteraient une forte part d’importations » auprès des acteurs allemands (Bauer) ou italiens (Fornovo Gas ou Safe). Un recours à l’importation cependant moins important que la moyenne nationale puisqu’en France, selon l’Insee, le secteur industriel a recours à 35 % d’importations pour répondre aux besoins de production de ce secteur.

Une dynamique territoriale

L’étude démontre également la pertinence et l’efficacité économique de l’usage du bioGNV en tant que carburant. Avec une consommation et un coût inférieur au diesel, Sia Partners estime que « 55 % des coûts liés à la consommation de carburant peuvent être évités, ce qui représente 65 000 euros par an pour un TER roulant 100 000 km par an ». Une solution qui, outre le fait qu’elle permettrait d’éviter jusqu’à 175 000 tonnes équivalent CO2, soit les émissions de 69 000 voitures particulières, de réduire de 66 % les émissions de NOx et de 95 % les particules de matière (PM2,5) d’ici 2030, pourrait permettre de préserver des emplois – l’étude évoque le nombre de 113 000 sur certaines lignes de TER dans les communes rurales de France – en affichant une meilleure rentabilité et en offrant aux habitants de ces zones isolées une alternative à la voiture.

Crédit : Shutterstock.