Taxe carbone : les États membres s’accordent sur le principe

Publié le 15/03/2022

4 min

Publié le 15/03/2022

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Grand enjeu de la présidence française du Conseil de l’Union européenne qui en a fait une priorité, le mécanisme d’ajustement carbone au frontière (MACF) a fait l’objet d’un accord politique des 27 États membres réunis mardi 15 mars à Bruxelles. Cependant, si les États ont entériné leur feuille de route sur le projet, certaines modalités divisent encore les 27 et seront débattues ultérieurement. En ligne de mire notamment : les quotas gratuits.

Par la rédaction, avec AFP

 

La Commission européenne avait proposé en juillet d’établir un « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » de l’UE. Paris, qui milite depuis longtemps pour ce mécanisme, espérait un accord politique d’ici la fin juin, c’est donc une première réussite à mettre à l’actif de sa présidence. Réunis à Bruxelles, les ministres européens des finances ont approuvé mardi à « une très large majorité » un compromis sur ce texte. Cette « orientation générale » des États intervient alors que le Parlement européen doit se prononcer d’ici l’été sur le projet de la Commission. Ensuite, les Vingt-Sept arrêteront leur position finale et engageront des pourparlers avec les eurodéputés pour trouver un accord définitif.

CBAM, de quoi parle-t-on ?

Le 10 mars dernier, le Parlement européen approuvait une résolution sur un mécanisme européen d’ajustement aux frontières pour le carbone. L’objectif est de taxer dès 2023 certaines importations (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité) au prix du marché carbone européen, selon les émissions liées à leur production. En permettant de réduire l’écart de compétitivité entre les industriels européens et étrangers, le CBAM placerait toutes les industries sur un pied d’égalité, ce qui constitue un vrai tournant dans la politique industrielle de l’Europe. Si l’UE s’expose à des mesures de rétorsion de la part de ses partenaires commerciaux, la Commission estime que le mécanisme pourrait lui rapporter entre 5 et 14 milliards d’euros par an et permettra de corréler concrètement stratégie industrielle et environnementale, au bénéfice d’une concurrence plus juste.

Une entrée progressive entre 2023 et 2025

« C’est une décision majeure pour l’UE« , a salué le ministre français Bruno Le Maire. « Nos efforts pour décarboner nos industries, notre métallurgie, nos cimenteries, nous ne voulons pas les perdre en réimportant des produits largement carbonés et moins chers qui nous livrent une compétition inéquitable« , a-t-il plaidé. Le texte approuvé reprend les propositions de la Commission sur les secteurs concernés par le mécanisme (les États n’ont pas voulu y ajouter l’hydrogène) et sur le calendrier (mise en place progressive entre 2023 et 2025).

Les quotas gratuits traités dans un texte distinct

En revanche, les Vingt-Sept n’ont pas tranché sur le projet de supprimer parallèlement les quotas d’émissions gratuits alloués aux industriels européens pour leur permettre d’affronter la concurrence de pays tiers – seule façon selon Bruxelles d’assurer la compatibilité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Les États sont extrêmement divisés. À l’unisson de plusieurs pays, la Pologne, dont l’industrie est très émettrice de CO2, a réclamé mardi le maintien des quotas gratuits « jusqu’à ce qu’il soit suffisamment prouvé que le mécanisme protège effectivement (l’UE) des fuites de carbone » hors d’Europe, et pour ne pas affaiblir le secteur énergétique face à l’impact du conflit ukrainien. Dans une note publiée en mars 2021, la direction générale du Trésor estimait le taux de fuites de carbone entre 5 et 30 %. « Pour 10 tonnes d’émissions évitées, les émissions dans le reste du monde augmentent de 0,5 à 3 tonnes » indiquait-t-elle. « Les éléments relatifs à la fin des quotas gratuits seront traités » dans un texte distinct visant à réformer le marché du carbone européen, actuellement en discussion au Parlement comme parmi les États, a précisé Bruno Le Maire. Les négociations avec le Parlement pour finaliser la taxe carbone aux frontières ne pourront pas démarrer sans des « progrès suffisants » sur la question des quotas gratuits, a-t-il averti.