Souveraineté industrielle et transition écologique  : quatre infos à retenir

En Bref...
30/11/2025
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Alors que la demande mondiale s’accélère sous l’effet de la décarbonation, les industriels français et européens doivent sécuriser leurs approvisionnements en métaux critiques face à une dépendance aux pays tiers et à des coûts élevés, relève la Fabrique de l’industrie. La reconnaissance des biogaz et de ses coproduits est enfin soulignée dans la stratégie pour la bioéconomie de l’Union européenne, un « signal fort » selon l’Association européenne du biogaz (EBA). Deux ans après le lancement de la COP « Grand Est région verte », l’État et la région dressent un bilan positif, marqué par plus de 4 000 projets engagés et des indicateurs énergétiques «en nette amélioration ». La Commission de régulation de l’énergie (CRE) franchit une nouvelle étape dans la sécurisation des marchés de détail en présentant les règles transitoires de sa future régulation prudentielle et en annonçant l’ouverture d’un premier « guichet à blanc ». 

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

Stratégie pour la bioéconomie : l’écosystème du biogaz, un pilier enfin reconnu selon l’EBA

La Commission européenne a dévoilé le 27 novembre sa nouvelle stratégie pour la bioéconomie visant à renforcer la circularité, la neutralité carbone et la compétitivité à l’échelle de l’Union. Pour l’Association européenne du biogaz (EBA), la reconnaissance des biogaz et de leurs coproduits comme piliers de la bioéconomie européenne constitue « un signal fort en faveur d’une transition énergétique et industrielle durable ». Le texte européen met en avant le rôle des bioénergies et des biocarburants, tout en soulignant la nécessité d’une approche flexible dans l’évaluation des filières de biomasse. Les installations de biogaz y sont désormais considérées comme de véritables bioraffineries, produisant non seulement de l’énergie renouvelable, mais aussi du digestat et 1,17 million de tonnes de CO₂ biogénique, déjà valorisées par 127 installations et couvrant environ 14 % de la demande européenne en CO₂ liquide et solide commercial. Ces coproduits servent également de matière première pour des dérivés innovants, tels que e‑carburants, hydrogène vert, plastiques et produits chimiques biosourcés, offrant des retombées industrielles et agricoles multiples. La stratégie valorise le potentiel des biodéchets pour la production de biogaz, tout en appelant à une meilleure reconnaissance d’autres flux de biomasse, comme le fumier ou les cultures intermédiaires, afin de renforcer la circularité et la souveraineté européenne. La production actuelle de biogaz dans l’UE, estimée à 22 milliards de m³ (22 BCM), génère 3 millions de tonnes de fertilisants organiques azotés, couvrant environ 17  % des besoins européens en azote. Ces fertilisants biosourcés peuvent réduire la dépendance à l’importation, qui s’élevait à 24,2 millions de tonnes en 2024, dont 11,2 millions de tonnes d’azote, soutenir la santé des sols et renforcer les filières circulaires. « La reconnaissance des biogaz et de leurs coproduits montre une voie concrète pour une bioéconomie circulaire, compétitive et bas-carbone » souligne Harmen Dekker, directeur général de l’EBA. Alors que la Commission poursuit la révision de la méthodologie « Product Environmental Footprint » (PEF), le CO₂ biogénique pourra désormais être correctement comptabilisé, renforçant l’attractivité des biogaz comme solution stratégique pour une Europe à la fois circulaire et souveraine.

COP régionale : des avancées « concrètes » selon la région Grand Est

Deux ans après le lancement de la COP « Grand Est région verte », l’État et la région dressent un bilan positif, marqué par plus de 4 000 projets engagés et des indicateurs énergétiques en nette amélioration. Fait marquant : la région a atteint dès 2024 son objectif 2030 de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour la branche énergie, une performance rare à l’échelle nationale. Le territoire affiche également 430 MW de nouveaux projets d’énergies renouvelables, la mise en service de 3 200 bornes de recharge couvrant 100 % de la région et l’accompagnement de 850 entreprises, dont près de la moitié engagées dans une trajectoire environnementale. À ces avancées s’ajoutent 1 487 000 m² désimperméabilisés, 1 000 hectares de friches recyclées et 1 315 km de haies plantées, autant de signaux tangibles d’un virage écologique qui s’enracine.
En 2025, l’effort se concentre désormais sur l’adaptation climatique, après 16 COP départementales et 40 ateliers territoriaux ayant réuni plus de 1 500 participants autour des risques de chaleur, d’eau, de forêt et de continuité économique. Avec le programme européen « Life Adapt’Est » (2026-2034), qui mobilisera 30 partenaires pour renforcer la résilience de 6 000 km² de forêts et réduire de 10 % les prélèvements d’eau, le Grand Est entend consolider son statut de région pionnière. Dans un contexte de transition où compétitivité économique et exigences climatiques doivent converger, la région et l’État appellent désormais à « changer d’échelle » pour tenir les caps 2030 et 2050 et faire du Grand Est un territoire plus robuste, attractif et durable.

Métaux critiques : les industriels face à une sécurisation des approvisionnements aussi urgente que coûteuse

Alors que la demande mondiale en métaux critiques s’accélère sous l’effet de la décarbonation, les industriels français et européens se retrouvent en première ligne d’une dépendance devenue stratégique. Faute de capacités suffisantes d’extraction et de raffinage sur le continent, les chaînes d’approvisionnement restent exposées aux aléas géopolitiques et commerciaux, comme l’ont rappelé la guerre en Ukraine ou les récentes restrictions chinoises sur les terres rares. Une étude publiée par la fabrique de l’industrie et conduite auprès de trente acteurs révèle certes une montée en puissance des stratégies de sécurisation, allant de la diversification du sourcing à l’intégration verticale, mais souligne aussi un coût élevé et une efficacité inégale de ces leviers. Tandis qu’Airbus ou Safran ont réagi en réduisant leur exposition au titane russe, la relocalisation des filières – soutenue par plus d’un milliard d’euros depuis 2022 dans le cadre de France 2030 – avance lentement, freinée par la concurrence asiatique, la faible acceptabilité des projets miniers et la fuite des déchets métalliques recyclables vers l’étranger. Pour les entreprises, la sécurisation des approvisionnements reste ainsi possible… mais au prix d’une stratégie hybride, longue et souvent coûteuse, encore largement tributaire d’un soutien public renforcé.

Régulation prudentielle : la CRE dévoile ses règles transitoires et lance un premier « guichet à blanc »

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) franchit une nouvelle étape dans la sécurisation des marchés de détail en présentant les règles transitoires de sa future régulation prudentielle et en annonçant l’ouverture d’un premier « guichet à blanc ». Face aux comportements à risque observés chez certains fournisseurs durant la crise énergétique de 2021-2023, l’autorité souhaite désormais encadrer plus strictement les stratégies de couverture et de gestion des risques. En attendant la transposition en droit français de la directive européenne EMD, la CRE met ainsi en place un dispositif provisoire ciblant les fournisseurs d’électricité et de gaz naturel comptant plus de 100 000 clients. Ce mécanisme repose sur trois piliers : un critère de conformité en matière de couverture des engagements, un test financier pour les acteurs jugés non conformes et la formalisation renforcée des stratégies internes de gestion des risques. Les fournisseurs concernés devront participer au « guichet à blanc » entre décembre 2025 et fin janvier 2026, sans risque de sanction puisque cette phase constitue un test grandeur nature. À partir de 2026, des guichets annuels seront instaurés en attendant l’entrée en vigueur du cadre législatif définitif. Par cette initiative, la CRE entend consolider la protection des consommateurs et renforcer la stabilité des marchés de détail, tout en préparant les acteurs à une régulation plus exigeante.

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