Six points à retenir du Conseil européen de l’énergie et de l’environnement

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Publié le 17/12/2024

10 min

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Le 16 et 17 décembre, les ministres européens de l’Énergie et de l’environnement se sont retrouvés à Bruxelles pour assister au Conseil européen de l’énergie et de l’environnement. Sécurité énergétique, géothermie, prix de l’électricité, développement des énergies renouvelables, stockage de l’énergie, réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2040, règlement sur les voitures thermiques ont été abordés alors que l’exécutif bruxellois dévoilé récemment les priorités des 100 premiers jours de sa nouvelle mandature. Autre réunion en parallèle, celle de l’Alliance nucléaire qui demande une nouvelle fois à Bruxelles de ne pas exclure l’atome des discussions. Par Laura Icart   Le dernier Conseil de l’énergie de l’année 2024 est aussi le premier pour le nouveau Commissaire européen danois Dan Jørgensen, pas connu pour être un grand défenseur de l’atome. Et pourtant la reconnaissance du nucléaire, c’est ce que veut obtenir coûte que coûte la ministre française démissionnaire de l'Écologie et de l'énergie, Agnès Pannier-Runacher qui à Bruxelles a une nouvelle fois plaidé pour une directive bas carbone et des objectifs 2040 qui prennent en compte le caractère décarboné des mix énergétiques nationaux. Paris, surprise par la lettre de mission révisée de Dan Jørgensen La semaine dernière, la France a fait part de sa surprise après avoir découvert qu’un changement de dernière minute avait été effectué dans la lettre de mission du nouveau commissaire chargé de l’énergie. Une nouvelle version par rapport à celle présentée le 17 septembre et sur la base de laquelle Dan Jørgensen avait été auditionné par le Parlement. Un changement loin d’être anodin pour Paris puisqu’il ajoute que le commissaire sera chargé de « proposer une initiative pour booster le déploiement du stockage de l’énergie et des énergies renouvelables, y compris en proposant un objectif pour les renouvelables en 2040 ». Une annonce qui contredit le « principe de subsidiarité » estime le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher qui a déjà dit à plusieurs reprises que la France n’entendait pas se laisser imposer un objectif précis d’incorporation des renouvelables pour 2040, et de fait s’exposer à des amendes, alors qu’elle dispose d’un des mix électriques les plus décarbonés d’Europe. En 2023, la part des énergies renouvelables dans notre consommation nationale atteignait 22,2 %, soit toujours moins que notre objectif de 23 % en 2020. « Ne pas opposer les énergies » prône l’alliance du nucléaire La ministre française a réuni le 16 décembre l’Alliance du nucléaire composé d’une quinzaine de pays. Tout comme l’Hexagone, les autres États, parmi lesquels la Suède ou la Hongrie encore présidente du Conseil de l’UE pour quelques jours, se sont dit surpris par cette annonce qui reviendrait à inscrire un nouvel objectif d’énergies renouvelables en 2040, à l’instar de ce qui a déjà été fait en 2030 (42,5 %) dans le cadre de la directive RED3. Si la France est favorable « à une cible ambitieuse » en 2040, cette cible doit être bas carbone selon la France et laisser à chaque État les moyens et la liberté de la mise en œuvre de cette cible. Dans leur communiqué, l’Alliance indique que la proposition d'une cible renouvelable pour 2040 est bien « trop prématurée » et que les ministres « n’ont jamais donné leur accord » pour une telle révision. « Nous sommes tous pour les énergies renouvelables » a déclaré la ministre française en préambule de la réunion, soulignant la complémentarité des énergies entre elles et que la décarbonation de notre économie ne « pourra  se passer de l’une ou de l’autre ». La réunion à laquelle a assisté Dan Jørgensen s’est déroulée « dans un climat très cordial » nous indique l’entourage de la ministre, le commissaire reconnaissant lui-même « le caractère indispensable de l'énergie nucléaire pour atteindre les objectifs climatiques européens ». La cible renouvelable en 2040 n’est pas « une priorité » de l’alliance ont rappelé les 15 pays qui militent pour faire que l'énergie nucléaire soit considérée comme « un bien commun » , laissant entendre que les pays membres de l'alliance pourraient constituer "une minorité de blocage"  si nécessaire.  « Ne pas mélanger les énergies » estime Dan Jørgensen Pour tenir les objectifs de réduction des émissions de 90 % en 2040, « les énergies renouvelables seront la pierre angulaire de notre politique énergétique d’ici à 2040 » estime le nouveau commissaire européen qui cite aussi le nucléaire devant la presse. Peu connu pour ses positions particulièrement favorables à l’atome, Dan Jørgensen sait à quel point ce sujet est sensible parmi les États membres sur fond de dissonances, voire de profondes divergences entre le couple franco-allemand. Pour autant, Dan Jørgensen n’a pas forcément changé d’avis puisqu’à l’issue du Conseil il a estimé devant la presse que « fusionner l’ensemble des énergies dans le cadre d’un seul objectif ne [lui] apparaissait pas judicieux », faisant référence à la volonté d’une directive bas carbone demandée par la France et l’ensemble des pays de l’Alliance pour le nucléaire. « Nous allons garder les définitions qui se trouvent déjà dans nos objectifs en matière de renouvelables, mais en formulant un nouvel objectif » a-t-il déclaré, tout en reconnaissance qu’il faudra « formuler cet objectif de manière à ce que l’ensemble des politiques et des technologies pouvant contribuer à l’atteindre soient prises en compte ». Une porte qui ne semble pas complètement fermée du coté de la Commission donc mais dont la mise en œuvre s’annonce complexe. Pour l’entourage de la ministre française, il s’agit avant tout de « trouver le bon instrument législatif ». Les prix de l’énergie parmi les plus élevés au monde Le potentiel de l'énergie géothermique reste « inexploité » estime l’Agence internationale de l’énergie qui estime que celle-ci pourrait représenter 15 % de la croissance de la demande d’électricité en 2050, sous réserve de politique de soutien plus importante, en facilitant l'accès au financement pour faire face aux coûts d'investissement initiaux élevés et en renforçant la main-d'œuvre et la recherche dans le domaine de l'énergie géothermique. Le Conseil a notamment invité la Commission à élaborer une stratégie globale sur la décarbonation du chauffage et du refroidissement ainsi qu'un plan d'action européen spécifique pour la géothermie comportant des mesures visant à faciliter les projets géothermiques et à accélérer le déploiement de l'énergie géothermique. Autre sujet abordé par les ministres : les priorités du prochain cycle législatif européen, alors que se pose le défi majeur de la compétitivité de l’industrie européenne dans un contexte où les prix de l’énergie demeurent particulièrement élevés en Europe. « Nous payons deux à trois fois plus cher notre énergie qu'en Chine ou aux États-Unis. Nos citoyens ont du mal à payer leurs factures. L'année passée, en hiver, 47 millions d'Européens n'ont pas pu se chauffer correctement » a rappelé en conférence de presse le nouveau commissaire européen. « Les efforts que nous devons déployer pour faire baisser les prix sont les mêmes efforts qui vont contribuer à la décarbonation de l'Union européenne et puis ça va renforcer, et c'est le troisième défi auquel nous avons confronté, la sécurité de l'approvisionnement énergétique ».  La France pas prête à s’engager sur un chiffre de 90 % « sans discussion sur les moyens » Pour atteindre la neutralité climatique en 2050, la Commission européenne a annoncé en février sa volonté de réduire de 90 % les émissions de gaz à effet de serre de l’Union en 2040 par rapport aux niveaux de 1990. L’exécutif européen avait annoncé qu’il présenterait une proposition législative après les élections européennes, ce premier conseil environnement a été l’occasion d’aborder le chemin pour y parvenir et le calendrier, avec en toile de fond la prochaine COP30 à Belém après une décevante COP 29 à Bakou et la réactualisation de l’ensemble des contribution nationales, y compris celle de l’Union européenne. La ministre française a exprimé son souhait que cette contribution soit prête pour novembre prochain, « ce qui implique que cet accord sur l’objectif de décarbonation d’ici 2040 soit adopté d’ici la fin de la présidence polonaise ou au tout début de la présidence danoise » indique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, évoquant une présentation au plus tard au début du deuxième semestre 2025. Un point majeur selon l’entourage de la ministre si « l’Europe veut conserver son statut de leader climatique ». Autre sujet et pas des moindres : le chiffre qui sera finalement retenu. « Il n’y a pas de chiffre magique » selon Agnès Pannier-Runacher. « À ce stade et sans discussion préalable des actions et des moyens, la France n’est pas prête à s’engager sur ce chiffre » indique son entourage. L’Hexagone attend un plan d’actions de la Commission, « quelque chose qui crédibiliserait cette trajectoire ». Il y aura bien sûr le Clean Industrial Act mais pour Paris « il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs ». Des amendes "absurdes" qui pourraient financer la concurrence  Les constructeurs automobiles doivent respecter une moyenne annuelle d’émissions par voiture vendue en Europe. Cette norme dite « Cafe » (« Corporate Average Fuel Economy ») les oblige à vendre progressivement des véhicules de moins en moins polluants. Elle a été globalement respectée jusqu’ici, mais doit franchir un nouveau palier à partir de janvier, avec un durcissement des règles et des sanctions. La France, avec d’autres États membres, demande de décaler la mise en œuvre de ces potentielles amendes. La question des amendes qui pénaliseraient de nombreux constructeurs dans une période très compliquée pour l’industrie automobile, serait « en décalage avec les réalités du terrain et notamment une demande  de véhicule électrique qui peine à décoller » estime Paris qui assure pour autant ne pas vouloir remettre en cause l’objectif final, à savoir la fin des moteurs thermiques (neufs) en 2035. Pire, selon la France, les constructeurs pourraient se voir contraints pour éviter de payer des amendes de verser des compensations à des constructeurs chinois ou américains installés sur le sol européen qui eux tiennent parfaitement leurs objectifs. « Absurde, pour Paris, nous n’allons pas annihiler la capacité d’investissement dans la décarbonation de nos constructeurs et financer la concurrence ». La Commission prépare une proposition sur le sujet alors que plusieurs lobbies dont l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA), mais aussi le Parlement, sont déjà montés au créneau pour demander des assouplissements.

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