Quatre infos à retenir cette semaine

En bref
16/11/2025
9 min

Berlin ouvre la voie avec un plan électrique massif destiné à relancer sa compétitivité industrielle. À Bruxelles, l’adoption officielle de l’acte délégué sur l’hydrogène bas carbone crée un nouveau cadre stratégique pour la filière européenne. En France, l’EPR de Flamanville franchit une étape décisive vers sa pleine puissance, symbole du retour du nucléaire dans le mix national. Et à l’échelle mondiale, 32 géants industriels appellent à une révision urgente du protocole GES, estimant que les gaz renouvelables ne sont toujours pas suffisamment reconnus dans les normes internationales.

Par la rédaction, avec AFP

Berlin mise sur un choc électrique pour relancer son industrie

Berlin accélère sur l’électricité pour relancer son économie, en misant sur un soutien massif à son industrie et sur un nouveau cap en matière de production énergétique. Le chancelier Friedrich Merz a annoncé une réduction d’environ cinq centimes par kilowattheure pour les entreprises fortement consommatrices d’énergie entre 2026 et 2028, un geste estimé entre 3 et 5 milliards d’euros, financé par le fonds spécial « climat et transformation ». « Nous devons redonner de l’oxygène à notre industrie. Sans électricité abordable et fiable, il n’y a pas de prospérité durable pour l’Allemagne », a justifié le chancelier lors de la présentation du plan. Berlin prévoit également la construction de centrales au gaz convertibles à l’hydrogène, compatibles avec ses engagements de décarbonation d’ici 2045, afin de sécuriser l’approvisionnement quand éolien et solaire font défaut. Ces infrastructures, d’une capacité de 8 à 10 GW, feront l’objet d’un appel d’offres en 2026 pour une mise en service autour de 2031. Tandis que le gouvernement attend le feu vert de Bruxelles, les données récentes d’Ember rappellent l’ampleur du potentiel européen : seuls 22 % de la demande énergétique du continent sont aujourd’hui électrifiés, alors que 67 % supplémentaires pourraient l’être avec des technologies déjà matures. Pour tenir son cap 2040, l’Union devra conjuguer électrification des usages, compétitivité industrielle et répartition équitable des efforts entre États et secteurs.

L’Europe adopte officiellement l’acte délégué bas carbone : un tournant pour la filière hydrogène

La Commission européenne a validé lundi 10 novembre l’acte délégué sur l’hydrogène bas carbone, en l’absence d’opposition du Parlement et du Conseil. Ce texte complète le cadre réglementaire européen défini en 2023 pour l’hydrogène renouvelable (RFNBO) et établit une méthodologie commune pour évaluer les émissions liées à la production d’hydrogène bas carbone. L’hydrogène est désormais considéré comme bas carbone s’il réduit d’au moins 70 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’hydrogène fossile. Plusieurs technologies pourront en bénéficier : électrolyse alimentée par un mix décarboné, vaporeformage avec captage de CO₂ (CCS), ou encore pyrolyse et plasmalyse du méthane. Pour Philippe Boucly, président de France Hydrogène, cette adoption est « à marquer d’une pierre blanche pour l’Europe ». Elle confirme la complémentarité entre nucléaire et renouvelables et ouvre la voie à l’extension de la Banque européenne de l’hydrogène aux projets électrolytiques bas carbone, dont une nouvelle enchère est attendue début décembre. Avec un mix électrique largement décarboné et une filière déjà structurée, la France espère tirer profit de ce nouveau cadre. Les projets lauréats de Verso Energy et Hynamics, dans le cadre de l’Innovation Fund, représentant 3,5 milliards d’euros d’investissements, illustrent ce dynamisme. France Hydrogène appelle désormais l’Union européenne à prolonger cet élan via le futur Industrial Accelerator Act, afin de stimuler la demande d’hydrogène dans les secteurs stratégiques comme l’acier ou les engrais, et renforcer la souveraineté énergétique et industrielle du continent.

Nucléaire : dernière ligne droite pour l’EPR de Flamanville avant la pleine puissance

Nouvelle avancée majeure pour le réacteur EPR de Flamanville. EDF a annoncé le 12 novembre que l’unité normande avait atteint 80 % de sa puissance, soit environ 1 200 MW, une étape décisive avant d’atteindre la pleine capacité « d’ici la fin de l’automne ». « C’était un palier attendu et pour autant important et stratégique », souligne sur LinkedIn Cédric Lewandowski, directeur du programme EPR chez EDF. « Depuis trois semaines et le recouplage au réseau de la mi-octobre, plusieurs essais dits “grands transitoires” ont été menés avec succès : ilotage, déclenchement turbine… C’est le fruit d’une organisation millimétrée et du professionnalisme de nos salariés et partenaires industriels. » Le réacteur, dirigé sur site par Grégory Heinfling, poursuit ainsi sa montée en puissance après une série d’essais à 60 % jugés « pleinement satisfaisants ». Ces résultats ont permis à l’électricien d’obtenir le feu vert pour atteindre ce nouveau palier. EDF prépare désormais la phase suivante : des essais neutroniques seront réalisés à 80 %, dont les conclusions seront soumises à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) avant le passage au palier final de 100 %. « Flamanville 3 entre dans sa dernière ligne droite avant la pleine puissance », ajoute Lewandowski. « Ce jalon marque la montée en régime d’un réacteur attendu depuis longtemps et l’aboutissement d’années de travail collectif. » Mis en service fin 2024 après 12 ans de retard et une facture multipliée par sept (près de 23,7 milliards d’euros aux conditions de 2023), l’EPR de Flamanville est le premier réacteur nucléaire neuf à être raccordé au réseau français depuis 25 ans. À pleine puissance, il pourra alimenter deux millions de foyers. L’électricien a d’ores et déjà annoncé qu’une « visite complète » interviendrait à compter du 26 septembre 2026, pour une durée de 350 jours. Cette opération réglementaire permettra notamment de remplacer le couvercle de la cuve, de renouveler le combustible et de procéder à environ 20 000 interventions techniques mobilisant 200 partenaires industriels. « Le changement du couvercle est une opération déjà maîtrisée sur le parc », précise Sébastien Miossec, directeur délégué production d’EDF. « Ce sera l’occasion de valider durablement la performance du réacteur et d’inscrire Flamanville 3 dans la continuité d’exploitation du parc français. » Reste désormais à confirmer la puissance nominale exacte du réacteur. Si EDF vise toujours 1 620 MW, la Commission de régulation de l’énergie a récemment évoqué une hypothèse de 1 585 MW, une différence que l’électricien relativise : « Il s’agit du bas de la fourchette, et nous espérons bien atteindre le haut », affirme EDF, qui donne rendez-vous avant Noël pour connaître le verdict.

COP 30 : Les leaders industriels mondiaux appellent à une révision du protocole des gaz à effet de serre

Trente-deux grands groupes industriels et entreprises de services publics lancent un appel pressant à l’organisation du Greenhouse Gas (GHG) Protocol, afin d’adapter ses normes aux enjeux de la transition énergétique, en particulier pour les gaz renouvelables. L’initiative, soutenue par des acteurs majeurs des secteurs de l’acier, des spiritueux et des poids lourds, demande une révision urgente du GHG Protocol, qui est la norme mondiale de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre, afin de mieux intégrer les gaz renouvelables comme le biométhane, l’e-méthane et le biogaz. Si ces derniers sont déjà reconnus en Europe pour leur rôle essentiel dans la décarbonisation de l’économie, leur potentiel reste largement sous-exploité, avec seulement 5% de la production durable actuellement utilisée. Les signataires de la lettre soulignent que, sans une révision de ces normes, des secteurs entiers, comme la sidérurgie ou le transport lourd, risquent de se retrouver bloqués dans leurs efforts de décarbonisation. En effet, pour des industries où l’électrification n’est ni viable ni rentable, les gaz renouvelables représentent une solution indispensable. « Le biométhane est un levier essentiel pour décarboniser l’industrie sidérurgique, mais son absence de reconnaissance dans le GHG Protocol freine nos projets » indique Albert Kassies, directeur des nouvelles énergies chez Tata Steel, l’un des plus grands producteurs d’acier d’Europe. Les signataires de la lettre demandent que le GHG Protocol inclut explicitement des mécanismes de marché comme les certificats d’origine et les garanties de durabilité, afin de renforcer la crédibilité et la traçabilité des gaz renouvelables. « Des lignes directrices claires du GHG Protocol sont essentielles pour déployer cette solution à l’échelle mondiale », affirme Maria Pia De Caro, vice-présidente de Pernod Ricard, lorsque son groupe mise sur le biométhane pour valoriser ses sous-produits et atteindre ses objectifs de durabilité. Dans un contexte où la pression pour atteindre la neutralité carbone se fait de plus en plus forte, cette révision du GHG Protocol apparaît comme un levier incontournable pour soutenir les efforts de décarbonisation à l’échelle mondiale. Les industriels attendent une réponse rapide et concrète pour libérer tout le potentiel des gaz renouvelables et faire en sorte que la transition énergétique ne soit pas freinée par un cadre normatif trop rigide.

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