Présidentielle : le Syndicat des énergies renouvelables demande une politique plus volontariste

Publié le 15/02/2022

9 min

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Le 10 février, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a présenté une dizaine de mesures transversales et près d’une cinquantaine sectorielles pour mener à bien le développement massif et accéléré des énergies renouvelables. Le SER juge indispensable « une volonté politique claire et sans équivoque » pour être en phase avec nos objectifs climatiques alors que la France a déjà pris du retard sur son objectif de déploiement des énergies renouvelables malgré son très haut potentiel. Parmi 12 filières stratégiques, le SER estime que la filière des gaz renouvelables est « indispensable » à la réussite de la transition énergétique.

Par Laura Icart 

 

C’est un quinquennat « décisif » pour la transition énergétique a rappelé le président du SER, Jean-Louis Bal, lui-même présent à Belfort, quelques heures avant l’allocution présidentielle. Après avoir dressé un premier constat lors leur colloque en octobre et dit l’impérieuse nécessité de faire des énergies renouvelables un pilier pour construire un projet de société durable, le SER présente des propositions « transversales et concrètes » à l’intention des candidats à l’élection présidentielle française. « Il faut une parole politique claire » insiste Jean-Louis Bal à l’heure où l’énergie exacerbe le débat public et peine parfois entre promoteurs et détracteurs de telles ou telles solutions à éclairer les citoyens. Et si le président du SER n’hésite pas à parler de plan de bataille, c’est bien parce que la France est déjà en retard sur ses objectifs de production d’énergies renouvelables puisque leurs parts ne représentent que 19,1 % dans notre consommation brute d’énergie alors qu’elle visait les 23 %.

Les EnR, socles de la neutralité carbone en 2050

Quel que soit le choix énergétique fait par la France et malgré la mise en place de 14 nouveaux réacteurs nucléaires sur les trois prochaines décennies, les scénarios de RTE et de l’Ademe prévoient une hausse très importante des énergies renouvelables. Elles devront couvrir au moins 50 % de notre production d’électricité d’ici 2050. Ce constat nous impose « d’accélérer » a rappelé Jean-Louis Bal, satisfait des annonces du président de la République et de ce « message politique clair », alors que les campagnes de désinformations ont augmenté ces dernières années selon lui, jetant l’opprobre parfois sur des filières à haute valeur ajoutée pour les territoires et participant pleinement à la souveraineté et à la compétitivité de la France. Il faut « un vrai dispositif de pilotage » de la transition au sein de l’État ajoute le patron du SER qui souhaite que la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui sera adoptée dès l’année prochaine « inscrive un objectif de 41 % d’énergies renouvelables dans notre consommation d’énergie en 2030 ». Cet objectif est aujourd’hui fixé à 33 %. 
Revenus supplémentaires, attractivité, garants de souveraineté, les filières des énergies renouvelables sont aussi un vivier d’emplois selon le SER. Près de 160 000 aujourd’hui, 100 000 de plus d’ici 2028 si les objectifs inscrits dans la PPE sont respectés.

  • 10 mesures transversales pour « accélérer »

Pour accélérer le mouvement et réussir cette transition que chacun appelle de ses vœux, le SER propose de créer un fonds social pour le climat pour accompagner par exemple les ménages les plus précaires dans la rénovation de leur habitat ou dans le changement de leurs véhicules. Un fonds qui pourrait être alimenté selon le SER par « la contribution climat-énergie déjà mise en place en France, et viendra compléter les efforts déployés au niveau européen, où il est prévu qu’une partie des revenus du système d’échange de quotas d’émissions de CO2 » soient affectés à des mesures d’accompagnement, cette fameuse transition « juste ». Autre proposition, une étude d’impact climatique sous l’autorité du Premier ministre pour une meilleure cohérence des politiques publiques. Il est vrai que la planification énergétique dans notre pays n’est pas chose aisée avec de nombreux objectifs nationaux ou régionaux qui ne sont pas toujours en cohérence les uns avec les autres, voire parfois contradictoires. Ce « stress test » pratiqué déjà par certaines banques et certains États, doit garantir selon le syndicat que « chaque politique publique, quel que soit son champ d’intervention, sera systématiquement évaluée en amont afin de déterminer son impact sur le changement climatique ». Pour le SER, préserver notre souveraineté c’est avant tout renforcer nos capacités d’innovation dans les technologies qui font la transition et proposer de lancer un nouveau programme industriel, « France renouvelables », basé sur trois volets autour de la sécurisation des matériaux critiques et de la relocalisation d’industries, par exemple solaires dont la production a davantage brillé ces dernières années sur le continent asiatique, enfin avec un soutien financier « de l’ordre de 500 millions d’euros » pour accompagner 1 000 PME ou ETI industrielles afin qu’elles diversifient leurs activités dans le champ de la transition énergétique. Le SER souhaite également un programme national de sortie des énergies fossiles dans les secteurs encore dépendants, notamment des transports et de la chaleur qui représentent 75 % de notre consommation énergétique et restent fortement carbonés. Pour le transport routier et maritime, le SER estime qu’il faut s’appuyer davantage sur les énergies renouvelables thermiques déjà disponibles aujourd’hui (biocarburant et bioGNV) et sur l’hydrogène à plus long terme.

Objectif : 12 TWh par an de biométhane injecté en 2023

La filière des gaz renouvelables, à la croisée du monde des déchets, de l’agriculture et de l’énergie, est « indispensable au remplacement du gaz fossile pour réduire la pollution et atteindre les objectifs de neutralité carbone d’ici 2050 ». Elle est peu citée et bénéficie pourtant d’une dynamique concrète sur les territoires avec plus de 1 200 unités de méthanisation en service, valorisant des déchets sous forme de chaleur, d’électricité et de biométhane. Aujourd’hui, 371 unités injectent du biométhane dans les réseaux gaziers. En 2021, près de 4,6 TWh de biométhane ont été produits, un chiffre proche de l’objectif de 6 TWh inscrit dans la PPE pour 2023. Son potentiel est pourtant  « sous-estimé » nous précise Alexandre Roesch, délégué général du SER, notamment avec une PPE qui a revu à la baisse les objectifs de biométhane injecté par rapport à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte et qui ne permettra pas en l’état d’atteindre l’objectif de 10 % de gaz vert dans la consommation de gaz en 2030. « La PPE est non seulement revenue sur les objectifs ambitieux de la LTCEV mais les a en plus associés à des baisses de coûts irréalistes » nous précise Alexandre Roesch. Le syndicat demande à ce que ces objectifs soient rehaussés et même doublés puisqu’il évoque 12 TWh de biométhane  injecté dans les réseaux gaziers à horizon 2023, un objectif qui semble atteignable pour la filière alors que près de 25 TWh, l’équivalent de plus d’un millier de projets, sont inscrits au registre des capacités. « Il faut donner un cap clair et de la visibilité » insiste-t-il. Le SER estime que cette filière pourrait « créer près de 16 000 emplois directs et indirects d’ici la fin de la décennie ». Autre demande, et elle est « primordiale » selon le directeur du SER, la mise en place d’un système de traçabilité robuste pour rendre les consommateurs acteurs du développement du gaz renouvelable. Comprenez le développement d’une fiscalité suffisamment incitative entre biogaz et gaz fossile. Le SER demande à ce que la garantie d’origine puisse être utilisée « pour exonérer de taxe carbone (TICGN) et de quotas CO2 les consommateurs qui font le choix des gaz renouvelables et pour que les gestionnaires de réseaux de chaleur en bénéficient ». Le SER, comme l’ensemble de la filière, s’est dit inquiet du projet de décret mis en consultation récemment, qui vise à affecter le biométhane exclusivement aux secteurs d’activités dits « ESR » (« Effort Sharing Regulation »). Un choix qui priverait selon le SER de nombreux industriels d’un outil de décarbonation de leurs mix alors même que l’industrie représente près de 35 % du gaz consommé en France et que plus d’un millier de sites industriels français sont soumis au mécanisme européen d’allocation de quotas de CO2 (« EU ETS »). Enfin, le syndicat des énergies renouvelables estime que cette filière industrielle d’excellence, dont 90 % de la valeur ajoutée se trouve en France, « est la filière à plus forte valeur ajoutée française » et avec un potentiel bien réel à l’exportation, et doit être davantage soutenue et encouragée par les pouvoirs publics. La France pourrait inscrire les gaz renouvelables dans sa stratégie « Technologies avancées pour les systèmes énergétiques » propose le SER mais aussi mobiliser des fonds du type « Programme d’investissements d’avenir ». Elle pourrait également mobiliser les fonds européens en appelant à la création d’un ICPEI (« Important Projects of Common European Interest ») dédié, comme c’est le cas notamment pour l’hydrogène.

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