Précarité énergétique : une proposition de loi transpartisane bientôt déposée

En 2023, 79 % des consommateurs ont restreint le chauffage pour ne pas avoir de factures trop élevées. C’est 10% de plus qu’en 2022, et 26 de plus qu’en 2020 selon le Médiateur national de l'énergie. © Shutterstock

Publié le 23/11/2023

6 min

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Une proposition de loi transpartisane visant à lutter contre la précarité énergétique et à protéger davantage les consommateurs a été présentée jeudi 23 novembre par un collectif de députés, demandant notamment l’interdiction des coupures d’électricité pour impayés ainsi qu’une meilleure lisibilité des factures. Ce jeudi, une dizaine d’associations ont également adressé une lettre ouverte à la Première ministre demandant un renforcement des aides pour les ménages en situation de précarité énergétique.

Par la rédaction, avec AFP

 

La précarité énergétique touche 12 millions de personnes dans notre pays, soit près d’un Français sur cinq. En 2023, selon le baromètre annuel du médiateur national de l’énergie, 31 % des Français ont eu du mal à régler leurs factures énergétiques, contre 18% en 2020. Pire encore, ils sont de plus en plus nombreux à déclarer avoir froid dans leurs logements : près de 26 % cette année contre 14 % en 2020. Chez les moins de 35 ans, ce taux est encore plus élevé puisqu’ils sont 55 % et 46 % parmi les artisans et commerçants. Fait notable, « la part de ceux qui restreignent systématiquement le chauffage a augmenté de 10 % en un an » pour s’établir à 39 %. Pour de nombreuses associations et organismes qui les accompagnent au quotidien, les rénovations globales et performantes ne sont pas suffisantes et les outils d’accompagnement financier sont insuffisamment calibrés pour faire face aux difficultés toujours plus grandes des ménages.

Éradiquer un fléau économique et sanitaire

À l’occasion de la Journée de lutte contre la précarité énergétique, plusieurs événements ont été organisés partout en France. C’est à cette occasion que la députée de la Drôme Mireille Clapot (du parti En Commun, apparentée Renaissance) et d’autres parlementaires (Renaissance et apparentés, MoDem, Liot et PS) ont présenté ce matin, lors d’une conférence de presse, les principales mesures cette proposition de loi transpartisane qui reprend les principales mesures demandées depuis plusieurs années par un collectif d’associations luttant contre la précarité énergétique : augmentation du chèque énergie, massification de la politique de rénovation allant vers un reste à charge pour les plus modestes, interdiction des coupures…  Dans une lettre ouverte à Élisabeth Borne, l’Union française de l’électricité, France gaz , la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la Fondation Abbé Pierre ou encore l’Association des familles laïques ont demandé un rehaussement du montant du chèque énergie, « sous évalué » selon eux à l’orée de la crise énergétique que nous traversons. « En 2022, le montant moyen du chèque énergie a été de 149 euros » indiquent-ils, soit 9 %de la facture annuelle moyenne des Français. Pour les signataire de la lettre, un travail doit être engagé sur le montant des plafonds mais aussi sur les critères d’attribution du chèque énergie afin de prioriser la prise en charge effective des plus modestes. En 2023, le chèque énergie a été adressé à 5,6 millions de ménages, avec un taux de recours de 83 %.

L’électricité : un bien pas comme les autres

Interdiction des coupures d’électricité chez les particuliers pour impayés, garantie d’une alimentation minimale en électricité toute l’année (comme c’est déjà le cas pour l’eau), plus de pédagogie auprès du grand public : voilà une partie des mesures issues de la proposition de loi sur la précarité énergétique. « L’électricité est un bien de première nécessité », a soutenu la députée de la Drôme, qui estime par exemple que les coupures – 157 000 réalisées en 2022 – devraient être interdites toute l’année et pas seulement pendant la trêve hivernale. Les foyers « fragiles » pourraient alors seulement faire l’objet d’une réduction de puissance (comme pratiqué par EDF depuis avril 2023), jusqu’à 1 kVA, suffisant pour allumer une ampoule, recharger son téléphone, conserver des aliments au réfrigérateur ou faire des démarches administratives. De quoi « assurer un mininum de dignité aux ménages« , selon Maïder Olivier, chargée de plaidoyer à la Fondation Abbé-Pierre, présente à la conférence.

Des abus et un manque de pédagogie

Depuis le début de la crise de l’énergie, les députés regrettent aussi que de nombreux foyers aient été « mal informés » sur l’envolée de leurs factures d’énergie. Souvent la grille tarifaire annexée au contrat est inintelligible pour les non-avertis, indique la proposition de loi. « Certains fournisseurs abusent de la technicité des contrats et profitent ainsi de la crédulité des consommateurs », a dénoncé Mme Clapot. S’alignant sur les recommandations du médiateur de l’énergie en octobre, les 20 députés signataires du texte souhaitent que des factures « plus lisibles » soient désormais délivrées au consommateur. De plus, ce dernier devrait être prévenu au moins trois mois à l’avance en cas d’évolution des tarifs, contre un mois aujourd’hui, afin de pouvoir donner son accord ou de décider de changer de fournisseur.

Les députés souhaitent en outre interdire les offres d’énergie indexées sur les prix de marché, qui ne permettent pas au client de connaître le prix de l’énergie qu’il consomme à l’instant T. La proposition de loi doit être déposée dans les prochains jours.