L’Union européenne présente sa nouvelle stratégie pour une bioéconomie compétitive et durable

Bioéconomie
01/12/2025
7 min
La bioéconomie représente déjà 4,2 % du PIB de l'UE et emploie près de 18 millions de personnes, mais la Commission souhaite doubler cette contribution d'ici 2030, avec un objectif de création de 1,4 million d'emplois supplémentaires. Selon les prévisions, la bioéconomie pourrait générer jusqu'à 2 000 milliards d'euros de revenus pour l'économie européenne d'ici 2030, en favorisant une transition vers des industries moins dépendantes des ressources fossiles.©Shutterstock

La Commission européenne a dévoilé, le 27 novembre, une nouvelle stratégie destinée à accélérer le déploiement de la bioéconomie sur le continent. L’exécutif européen y voit un levier essentiel pour concilier croissance industrielle, transition écologique et souveraineté stratégique, en misant sur l’usage accru de ressources biologiques issues de la terre et de la mer. « Le futur n’est pas fossile. Le futur est vivant, circulaire et régénératif », ont résumé Teresa Ribera et Jessika Roswall, respectivement vice-présidente exécutive et commissaire chargée de l’environnement.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui 

Déjà bien installée dans le paysage économique européen – 17,1 millions d’emplois, soit près de 8 % de l’emploi total, et 2,7 milliards d’euros de valeur en 2023 –, la bioéconomie couvre un vaste ensemble d’activités : agriculture, forêt, pêche, aquaculture, biotechnologies, transformation de la biomasse, mais aussi industries émergentes comme les bioplastiques, la fermentation avancée ou les matériaux biosourcés. La Commission estime que cette filière, aujourd’hui encore fragmentée, pourrait devenir l’un des moteurs de la décarbonation européenne et un instrument pour réduire la dépendance aux matières premières critiques importées.

Un cadre simplifié pour accélérer l’innovation

La nouvelle stratégie marque un changement d’échelle. Là où les précédentes feuilles de route (2012, 2018, 2022) concentraient l’effort sur la recherche, le texte présenté mercredi mise prioritairement sur le passage à l’industrialisation. Pour Bruxelles, il s’agit désormais de « sortir les innovations des laboratoires ». Le texte promet un environnement réglementaire plus lisible, des procédures d’autorisation plus rapides pour les technologies biosourcées et une coordination renforcée entre États membres et institutions européennes. Un forum des régulateurs et innovateurs de la bioéconomie sera créé afin d’échanger sur l’évaluation des risques et de lever plus vite les obstacles administratifs. La Commission annonce également une fenêtre dédiée à la bioéconomie dans les futurs instruments européens de financement, notamment « Horizon Europe » et le fonds européen de compétitivité.

Mobiliser les investissements privés

Pour encourager la montée en puissance industrielle, Bruxelles propose la création d’un Bioeconomy Investment Deployment Group, réunissant Commission, BEI, banques publiques et investisseurs privés. Objectif : structurer un véritable pipeline de projets « finançables », en particulier pour les bioraffineries de première génération, les installations de fermentation avancée et les unités de fabrication de matériaux biosourcés. En parallèle, l’exécutif entend dynamiser la demande en lançant, d’ici à 2030, une « bio-based Europe alliance », regroupant les grandes entreprises prêtes à s’engager sur 10 milliards d’euros d’achats de matériaux bio-basés. La Commission envisage également d’introduire des objectifs de contenus biosourcés dans certaines législations, afin de créer des marchés porteurs pour les plastiques, fibres textiles, produits chimiques, matériaux de construction et biopesticides issus de la biomasse.

Stratégie pour la bioéconomie : l’écosystème du biogazun pilier enfin reconnu selon l’EBA

Pour l’Association européenne du biogaz (EBA), la reconnaissance du biométhane et de ses coproduits comme piliers de la bioéconomie européenne constitue « un signal fort en faveur d’une transition énergétique et industrielle durable ». Le texte européen met en avant le rôle des bioénergies et des biocarburants, tout en soulignant la nécessité d’une approche flexible dans l’évaluation des filières de biomasse. Les installations de biogaz y sont désormais considérées comme de « véritables bioraffineries », produisant non seulement de l’énergie renouvelable, mais aussi du digestat et 1,17 million de tonnes de CO₂ biogénique, déjà valorisées par 127 installations et couvrant environ 14  % de la demande européenne en CO₂ européenne. Ces coproduits servent également de matière première pour des dérivés innovants, tels que e‑carburants, hydrogène vert, plastiques et produits chimiques biosourcés, offrant des retombées industrielles et agricoles multiples. La stratégie valorise le potentiel des biodéchets pour la production de biogaz, tout en appelant à une meilleure reconnaissance de d’autres flux de biomasse, comme le fumier ou les cultures intermédiaires, afin de renforcer la circularité et la souveraineté européenne. « La reconnaissance des biogaz et de leurs coproduits montre une voie concrète pour une bioéconomie circulaire, compétitive et bas carbone » souligne Harmen Dekker, directeur général de l’EBA. Alors que la Commission poursuit la révision de la méthodologie « Product Environmental Footprint » (PEF), le CO₂ biogénique pourra désormais être correctement comptabilisé, renforçant l’attractivité des biogaz comme solution stratégique pour une Europe à la fois circulaire et souveraine.

22 BCM
Biogaz
La production actuelle de biogaz dans l’UE, estimée à 22 milliards de m³ (22 BCM), génère 3 millions de tonnes de fertilisants organiques azotés, couvrant environ 17  % des besoins européens en azote. Ces fertilisants biosourcés peuvent réduire la dépendance à l’importation, qui s’élevait à 24,2 millions de tonnes en 2024, dont 11,2 millions de tonnes d’azote, soutenir la santé des sols et renforcer les filières circulaires

Garantir une biomasse durable et suffisante

Cette montée en puissance pose toutefois la question sensible de la disponibilité de la biomasse, dans un contexte où les ressources des écosystèmes européens sont déjà sous pression. Bruxelles se veut rassurante : l’Union serait encore « largement autosuffisante » (à près de 90 %) mais doit veiller à préserver cette autonomie. La stratégie met ainsi l’accent sur la valorisation des biomasses secondaires – résidus agricoles, sous-produits, déchets organiques – et sur la rémunération des pratiques qui protègent les sols, renforcent les puits de carbone ou évitent les usages non durables. Le texte rappelle également que la production de biomasse ne doit jamais compromettre la sécurité alimentaire ni la santé des écosystèmes.

Au-delà de la transition écologique, la stratégie porte une dimension géopolitique « affirmée » indique Bruxelles. En diversifiant ses sources de biomasse, en créant des partenariats internationaux et en structurant des chaînes de valeur bio-basées, l’UE cherche à réduire sa vulnérabilité aux tensions globales et à sortir de sa dépendance vis-à-vis d’un nombre limité de fournisseurs.

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