L’orientation générale du Net Zero Industry Act adoptée

L’exécutif européen souhaite atteindre une puissance installée d’énergie solaire photovoltaïque de 320 GW dans l’UE en 2025, et de 600 GW d’ici à 2030. Pour cela, il veut s’appuyer sur une filière industrielle européenne à la fois compétitive et robuste, sur l’ensemble de la chaîne de la valeur, de la recherche et développement de nouveaux modules à la production en passant par la fabrication alors que la majorité des panneaux sont aujourd’hui fabriqués en Chine. © Shutterstock

Publié le 08/12/2023

7 min

Publié le 08/12/2023

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Moins d’un an après avoir présenté un plan industriel pour renforcer sa compétitivité et soutenir une transition rapide vers la neutralité climatique, le Conseil européen a validé le 7 décembre l’orientation générale du Net Zero Industry Act (NZIA) qui repose sur quatre piliers : simplification de l’environnement réglementaire, accessibilité plus rapide au financement, accroissement des compétences et coopération européenne et mondiale renforcée pour maîtriser les chaînes d’approvisionnement. Une victoire aussi (encore) pour la France car le nucléaire figure bien parmi les technologies « stratégiques » pour la décarbonation. Le texte devrait être définitivement adopté au cours du premier semestre 2024.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

« L’Union européenne entend occuper un rang de chef de file dans la transition écologique, en utilisant les technologies du futur pour stimuler la compétitivité de notre industrie, créer des emplois de qualité et renforcer notre souveraineté stratégique ouverte » indique Jordi Hereu Boher, ministre espagnol de l’industrie et du tourisme. Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie, si les pays du monde entier mettent pleinement en œuvre leurs engagements en matière d’énergie et de climat, le marché des principales technologies énergétiques propres pourrait être multiplié par trois d’ici à 2030 par rapport à sa valeur actuelle, et le nombre d’emplois dans le secteur pourrait passer de 6 millions aujourd’hui à 14 millions. Pour l’UE, face à la  concurrence de la Chine et des États-Unis notamment, améliorer ses capacités industrielles sur des technologies d’avenir est indispensable pour atteindre ses objectifs de neutralité carbone en 2050.

40 % de production européenne d’ici 2030

La loi propose des mesures visant à garantir que d’ici 2030 l’UE soit en mesure de produire au moins 40 % de ses propres besoins en technologies vertes, en simplifiant les procédures d’autorisation, en encourageant les projets stratégiques européens et en élaborant des normes destinées à soutenir le développement technologique dans l’ensemble du marché unique. Ce qui rendrait possible par exemple certaines législations sectorielles telles que celles qui existent déjà pour  les semi-conducteurs, qui favorise la construction d’usines en Europe en bénéficiant de procédures accélérées de construction et d’exploitation et qui contrôle la production en cas de situation de crise. La loi fixe comme objectif que l’UE soit en mesure de stocker au moins 50 millions de tonnes de CO₂ d’ici à 2030. Les règles visent également à soutenir le développement des compétences nécessaires aux industries de l’énergie propre au niveau européen et local.

Dix technologies stratégiques « zéro net »

Désormais, 10 technologies stratégiques « zéro net » figurent sur la liste. Elles étaient huit jusqu’à présent. Les technologies nucléaires et les carburants de substitution durables ont été ajoutés. « Une très grande satisfaction » pour la France, indique à la presse le cabinet de Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, alors que Paris militait depuis des mois pour l’inclusion du nucléaire. Cette décision va permettre aux technologies nucléaires de bénéficier de financements identiques aux renouvelables. « Un règlement qui comporte de très grandes similarités avec la loi industrie verte adoptée en octobre dernier », précise le cabinet. Le mandat élargit également la liste des technologies non stratégiques « zéro net » aux solutions biotechnologiques en matière de climat et d’énergie, aux autres technologies nucléaires et aux technologies industrielles de transformation pour les industries à forte intensité énergétique.

Accélération du permitting des projets EnR

Les technologies stratégiques « zéro net » bénéficieront de procédures d’octroi de permis rationalisées et réalistes ainsi « que d’un soutien supplémentaire pour attirer les investissements tout en continuant de respecter les obligations imposées par l’UE et les obligations internationales » indique le Conseil. Ce volet permitting comprend plusieurs avancées : l’introduction d’un guichet unique dans chaque État membre qui s’assurera de la facilitation et de la coordination de la procédure d’octroi de permis pour la dizaine de technologies stratégiques visées par le texte, la digitalisation totale des procédures, un point important selon Bercy pour accélérer les procédures, et enfin des délais stricts et contraignants allant de 9 à 12 mois selon la taille des projets ou les technologies pour l’octroi des autorisations. En France, la loi industrie a déjà intégré une accélération des procédures d’octroi des permis, passant d’une cible de 8 à 9 mois contre 17 en moyenne aujourd’hui, parmi les plus longs de l’UE. La loi française est donc de ce point de vue plus contraignante que le NZIA. En outre, l’orientation générale inclut le concept de zones d’accélération « zéro net », qui aideront les États membres à recenser les synergies dans le cadre des projets de procédure d’octroi de permis.

Diversification des approvisionnements et empreinte environnementale

Le NZIA rend obligatoires des critères « hors prix » qui tiennent à la fois compte de la diversification des sources d’approvisionnement mais aussi de critères environnementaux comme le sourcing des composants ou la « primauté » européenne. Ces critères concerneront les marchés publics, les enchères mais aussi les dispositifs de soutien pour les ménages et entreprises. Pour les marchés publics, l’orientation générale adoptée par le Conseil précise « dans quelles conditions les pouvoirs publics peuvent choisir un fournisseur qui n’est pas le moins cher s’il contribue davantage à la durabilité environnementale et à la résilience de l’État membre ». Et pour les enchères, la proposition du Conseil permet aux États membres d’appliquer à la fois des critères de préqualification et d’attribution. « La Commission définira ces critères dans un acte d’exécution et modifiera le volume mis aux enchères sur la base d’une évaluation du fonctionnement du système. » De manière générale, l’idée de cette mesure est de s’assurer que les capacités des renouvelables seront bien installées en Europe et de permettre à l’industrie  européenne de rester compétitive par rapport notamment aux États-Unis et la Chine qui subventionnent massivement leurs industries. Si l’UE et la Chine sont des partenaires économiques majeurs, le déficit commercial de l’Union avec la Chine s’élève à près de 400 milliards d’euros. « Aujourd’hui, on agit en Européens avec ce texte, on récompense les productions européennes vertueuses » souligne l’entourage de Roland Lescure qui précise qu’il y aura aussi des critères de durabilité et des critères de cybersécurité. Quelle sera la pondération applicable pour ces critères ? Dans les faits, pour les marchés publics, cette pondération existe déjà dans les textes européens, elle va de 15 à 30%. Si la fourchette ne devrait pas bouger, c’est bien son caractère obligatoire qui doit changer la donne. Pour les enchères, l’orientation du Conseil prévoit de fixer cette part à 20 %, une estimation qui pourrait évoluer lors du trilogue puisque le Parlement milite pour des objectifs plus ambitieux.

La question de l’emploi, des compétences et de la formation est régulièrement citée dans les priorités stratégiques des États alors que ces nouvelles technologies nécessitent souvent de nouvelles compétences et l’adaptation de certains métiers. L’idée de créer des académies des industries à zéro émission nette afin de déployer des programmes de perfectionnement et de reconversion dans les industries stratégiques a été actée comme celle de mobiliser davantage de moyens financiers pour développer les compétences dites « stratégiques ». Le NZIA devrait être adopté au cours du premier semestre 2024, avant les élections européennes de juin 2024.