L’Irlande veut carburer au biométhane… grâce à ses distilleries !

Biométhane
12/11/2025
5 min
Ce projet de 50 millions d‘euros comprend quatre fermenteurs et un post-fermenteur en acier inoxydable d‘un volume de 4 900 mètres cubes chacun. Ceux-ci servent principalement à la fermentation des effluents de production de bière et de whisky. ©Evergreen

L’unité de méthanisation d’Evergreen à Monasterevin dans le sud de l’Irlande sera l’une des plus modernes de l’île, transformant principalement des effluents industriels – ceux des brasseries et distilleries locales – en biométhane. Cette installation, qui entrera en service l’année prochaine, représente un modèle type sur lequel le gouvernement irlandais souhaite s’appuyer pour atteindre ses objectifs climatiques. Le pays a en effet fixé un objectif ambitieux : produire 5,7 térawattheures (TWh) de biométhane par an d’ici 2030, un cap qui nécessitera à la fois la modernisation des installations existantes et la construction de nouvelles unités.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

En 2023, la production combinée de biogaz et de biométhane s’élève à 234 TWh, soit 22 milliards de m3, soit environ 7 % de la consommation de gaz de l’Union européenne et l’équivalent de la consommation totale de gaz naturel de la Belgique, du Danemark et de l’Irlande. En Irlande justement, si le gaz renouvelable représente 1 % de la consommation, le gouvernement affiche sa  volonté de réduire la dépendance aux énergies fossiles et de promouvoir des sources d’énergie locales et renouvelables dont le biométhane. Dans ce cadre, l’Irlande souhaite doubler sa production de biométhane d’ici 2030, ce qui nécessite de nombreux investissements dans la modernisation des infrastructures agricoles et industrielles.

Le boom du biométhane

En 2023, l’Irlande comptait 43 installations de biogaz, générant 600 GWh d’énergie. L’année précédente, la mise en service de la deuxième usine de biométhane a permis de faire un bond spectaculaire dans la production de ce gaz vert, passant de 5 GWh en 2021 à 41 GWh en 2022, avant d’atteindre 60 GWh en 2023, injectés dans le réseau national. Le gouvernement irlandais, dans son plan d’action climat 2024, a fixé un objectif de 5,7 TWh d’ici 2030 et 1 TWh dès 2025. Pour soutenir cette transition, l’Irlande a dévoilé  en mai 2024 sa stratégie nationale sur le biométhane, accompagnée d’un plan de financement de 40 millions d’euros pour encourager la création de nouvelles usines de production. Cette stratégie a également annoncé la mise en place d’une obligation de chaleur renouvelable (RHO) d’ici fin 2024, visant à accélérer la décarbonation du secteur thermique. En parallèle, le gouvernement prépare le lancement d’une seconde phase du programme de subventions en 2025, avec l’objectif d’atteindre 4,7 TWh pour la période 2026-2030. Cette initiative s’accompagne d’une ambitieuse révision des infrastructures, notamment avec la mise en place d’une station centrale d’injection de biométhane capable d’injecter jusqu’à 700 GWh de gaz renouvelable dans le réseau chaque année. Ces efforts témoignent d’une volonté politique claire de positionner l’Irlande comme un acteur majeur de la transition énergétique européenne, avec un focus particulier sur le biométhane, qui devrait jouer un rôle clé dans l’atteinte des objectifs climatiques du pays.

Bières et whisky, les nouveaux carburants

Le projet, d’une valeur de 50 millions d’euros, inclut la construction de quatre digesteurs d’une capacité de 4 900 m³ chacun, ainsi qu’un post-fermenteur pour maximiser le rendement de la fermentation. L’originalité de cette installation réside dans l’utilisation des sous-produits de l’industrie irlandaise de la bière et du whisky, notamment les résidus de production qui, non seulement sont en grande quantité, mais ne concurrencent pas les ressources agricoles destinées à l’alimentation du bétail. « Nous avons délibérément choisi de ne pas utiliser d’ensilage d’herbe pour ne pas entrer en compétition avec l’élevage. Les effluents de bière et de whisky sont des matières abondantes et non comestibles pour les animaux, ce qui les rend idéales pour ce projet de biométhanisation » indique Patrick Meade, directeur général d’Evergreen.

« Un projet taillé pour l’avenir »

L’emplacement de l’unité à Monasterevin présente « plusieurs avantages logistiques » selon le constructeur allemand Weltec Biopower choisi pour construire l’unité. Sa proximité avec l’autoroute M7 facilite le transport des intrants, tandis que la connexion directe au réseau national de gaz permet une injection immédiate du biométhane dans le réseau public, ce qui renforce l’efficacité du projet. L’usine est conçue pour traiter environ 165 000 tonnes de résidus par an, produisant environ 1 300 normaux-mètres cubes de biométhane par heure, soit l’équivalent de 110 GWh par an. La production annuelle de 65 000 tonnes de digestats est stockée dans un bassin couvert en béton et distribuée aux agriculteurs après avoir été séparée en fractions liquides et solides. À côté de la production de biométhane, une centrale de cogénération installée sur place générera environ 1 mégawatt d’électricité pour le fonctionnement de l’usine et fournira la chaleur nécessaire aux processus de fermentation.

En Irlande, le biométhane commence également à trouver sa place dans le secteur des transports, où la demande en carburants renouvelables explose. Dix stations de ravitaillement en gaz naturel comprimé (CNG) sont déjà opérationnelles, dont plusieurs distribuent désormais du bioCNG. Ce développement est soutenu par le renewable transport fuels obligation (RTFO), le principal levier réglementaire du gouvernement pour encourager la substitution des carburants fossiles.

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