L’hydrogène : une solution « pertinente » mais pas « miracle » selon la convention scientifique étudiante

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Publié le 20/04/2024

7 min

Publié le 20/04/2024

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Lancée en 2023 par la Société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), la première convention scientifique étudiante (CSE) s’est penchée sur la pertinence des technologies liées à l’hydrogène « dans un monde aux ressources finies ». Ce 16 avril, les étudiants ont présenté leur 28 recommandations avec une conclusion principale : les usages de l’hydrogène doivent être ciblés et la sobriété un maître mot. Par Laura Icart   Le grand auditorium Pierre Mendès France qui accueillait à Bercy la première convention scientifique étudiante avait des airs d’amphithéâtre universitaire ce mardi soir où plus d’une cinquantaine de jeunes issus de cursus scientifiques (universités et écoles d’ingénieurs) étaient réunis pour présenter leurs travaux, fruits de plusieurs semaines de travail. Comme pour les conventions citoyennes, ils ont été encadrés par des garants et des experts des questions énergétiques et climatiques afin d’éclairer leurs décisions. L’Agence de transition écologique (Ademe) a été particulièrement impliquée dans cette exercice mais aussi le CNRS et France Hydrogène. Faire entendre la voix des élèves scientifiques « Dans quelle mesure et à quelles conditions les technologies liées à l’hydrogène sont-elles pertinentes pour atteindre les objectifs de développement durable, dans un monde aux ressources finies ? Quels devraient être les usages prioritaires ? » Voilà les questions sur lesquelles s’est penchée la convention scientifique étudiante qui a émis 28 recommandations, de la production aux usages de l’hydrogène en passant par la distribution, après près de 90 heures de débats et des consensus pas toujours simples à trouver. Et cet exercice démocratique de débat, d’écoute, de questionnements et d’échanges a été particulièrement apprécié par les étudiants de la convention. Tous scientifiques mais pas tous formés aux enjeux de l’hydrogène, ils ont apprécié l’exercice. « Pouvoir échanger avec tous ces experts et avec une pluralité d’étudiants et de parcours, c’était vraiment très enrichissant et formateur » nous confie Oriane Devigne, 22 ans, étudiante aux Mines Paris. « La science est une voie essentielle pour éclairer le débat public » souligne Jean Dambreville, délégué général de l'IESF. « Ce sont eux [les élèves scientifiques, NDLR] qui auront la responsabilité de trouver des solutions dans les années à venir, écoutons-les ! » Pas de solution miracle « L’hydrogène ne doit pas être considérée comme une solution miracle » et ses usages doivent être ciblés, c’est la principale conclusion de ce rapport. Ce n’est pas « une baguette magique » mais « seulement une solution pertinente pour des usages ciblés qui ne remplacera jamais ni le gaz ni le pétrole » soulignent les jeunes de la CSE, évoquant des conditions spécifiques de développement de la filière pour respecter les 17 objectifs de développement durable (ODD), définis en 2015 par les Nations unies, qui ont motivé la réflexion des étudiants. Cette idée a fait consensus auprès de tous les étudiants alors que l’hydrogène a été considérablement médiatisée depuis 2020 et l’annonce d’un investissement de 10 milliards pour accélérer son développement en France. « Si l’hydrogène sera un vecteur de la transition, la sobriété en est une condition sine qua none » indique à Gaz d’aujourd’hui Dario Panicacci , 21 ans, étudiant à l’Institut supérieur de mécanique de Paris qui évoque l’autre grande conclusion de ce rapport : l’importance d’intégrer une logique de sobriété alors que la ressource en électricité sera « limitante » au vu de l’électrification des usages dans les années à venir. Autre grande ligne du rapport mise en avant par les auteurs : celle de la justice sociale. « L’apport de l’hydrogène doit bénéficier au plus grand nombre dans un esprit de justice sociale et favoriser des usages collectifs plutôt que des usages individuels » estiment les élèves. 28 recommandations principalement sectorielles Les 50 étudiants de la CSE ont émis près de 28 recommandations. La très grande majorité concernent les usages (mobilité, industrie et équilibrage des réseaux), la production et la nécessité de dresser une hiérarchisation des usages prioritaires, non prioritaires, voire ceux à ne pas développer. Pour Patricia Blanc, directrice hydrogène à l’Ademe, l’approche des étudiants basée sur des faits scientifiques éprouvés est « complète et pertinente » et correspond selon elle « au rôle que pourra avoir l’hydrogène dans la transition ». Parmi les recommandations consacrées à la production, il y a la nécessité de ne pas développer de nouvelles capacités de production d’hydrogène par vaporeformage et captation de carbone, « une recommandation importante » pour Arthur Bonnefoy, 24 ans, étudiant à Polytech Grenoble qui estime que développer de nouvelles capacités d’hydrogène bleu serait un « frein pour sortir de notre dépendance aux énergies fossiles », même si le CCS peut être « pertinent pour décarboner des installations existantes ». Parmi les recommandations ayant suscité le plus d’adhésions (plus de 95 % de votes) parmi les étudiants, on retrouve l’accélération de l’investissement dans la R&D pour les électrolyseurs, le déploiement d’une formation professionnelle autour de la filière hydrogène, la priorisation de l’électrification des usages à l’hydrogène quand cela est possible ou encore une transition vers des carburants de synthèse à base d’hydrogène pour le fret maritime en passant par la priorisation de l’hydrogène bas carbone pour remplacer l’hydrogène gris dans l’industrie. A contrario, certaines recommandations, principalement d’ailleurs dans le secteur de la mobilité, ont davantage fait débat comme privilégier les e-carburants par rapport aux biocarburants dans le secteur aérien, ne pas prioriser le développement du train hydrogène ou encore la recommandation de développer uniquement sous certaines conditions l’hydrogène pour les poids lourds. Une hiérarchisation qui fait débat Fort de ces 28 recommandations, les étudiants de la CSE ont également établi une hiérarchisation des usages de l’hydrogène à prioriser. Pour eux l’hydrogène (vert et rose) doit être prioritairement fléché vers l’industrie, la mobilité maritime inter et intra continentale, la mobilité aérienne et la mobilité routière lourde. L’équilibrage du réseau, la mobilité maritime à courte distance et la mobilité ferroviaire sont considérés comme non prioritaire quand la mobilité routière légère est « à exclure » selon les étudiants. Une hiérarchisation qui a fait débat notamment pour la mobilité légère et ferroviaire. Pour la vice-présidente de France Hydrogène Valérie Bouillon-Delporte qui a salué le travail « qualitatif » réalisé, le développement de la mobilité légère et ferroviaire implique d’avoir une approche européenne et a une « réelle pertinence ». Un avis partagé par Abdelilah Slaoui, responsable de la cellule énergie du CNRS et co-directeur du PEPR hydrogène, qui souligne l’importance sociale du train « pour désenclaver les territoires ». Pour le député du Rhône et président du Conseil supérieur de l’énergie Jean-Luc Fugit, l’apport de l’hydrogène pour la mobilité légère répond à une problématique réelle, « celle de l’amélioration de la qualité de l’air » et ne doit pas être « occulté ».

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