Les gaz renouvelables portés par une dynamique territoriale

La valorisation des biodéchets par méthanisation pourrait représenter un gisement annuel de biométhane compris entre 3 et 5 TWh. @Laura Icart

Publié le 10/05/2023

9 min

Publié le 10/05/2023

Temps de lecture : 9 min 9 min

Fin avril, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) organisait avec GRDF un forum autour du potentiel des gaz renouvelables et plus particulièrement autour de la valorisation des biodéchets dont le tri, la collecte et la valorisation sera obligatoire pour tous au 1er janvier 2024. L’occasion de rappeler l’importance de la pluralité du mix énergétique et des nombreux services  économiques et environnementaux que peuvent rendre les gaz renouvelables aux territoires. Décryptage. Par Laura Icart   Les gaz renouvelables jouent un rôle « stratégique » dans la décarbonation du pays et sont « également vecteurs de création de valeur dans les territoires » ont souligné la FNCCR et GRDF lors d’une conférence de presse organisée à l’issue d’un forum consacré au développement des gaz renouvelables. Alors que l’année 2023 sera particulièrement structurante pour la construction de notre futur mix énergétique et que la décarbonation de nos usages fait figure de priorité, les gaz renouvelables « ne sont toujours pas reconnus à leur juste valeur » estiment les acteurs de la filière qui espèrent que la programmation pluriannuelle de l’énergie fera la part belle à un mix énergétique « pluriel et équilibré ». Du « pragmatisme » et du « bon sens » En 2030, les gaz renouvelables seront en mesure de couvrir 20 % de la consommation nationale de gaz ont une nouvelle fois rappelé les acteurs de la filière tout au long de cette matinée. Mais la production de gaz renouvelable ce n’est pas seulement un levier pour davantage de souveraineté énergétique, ce sont surtout de nombreux co-bénéfices pour traiter les déchets, pour créer des emplois non délocalisables, pour fournir de l’engrais aux agriculteurs. Cette dimension sociétale est très peu prise en compte en France, comme en Europe d’ailleurs qui ne reconnaît pas aujourd’hui la valeur monétaire de ces externalités. Dans les territoires où les collectivités participent « grandement » à la production décentralisée de gaz renouvelables « et contribuent à l’essor de la filière », estime le vice-président délégué de la FNCCR, Guy Hourcabie, les élus créent notamment des sociétés mixtes pour développer des projets d’énergies renouvelables et construire une autonomie énergétique stratégique sur leur territoire. Sur l’ensemble des collectivités concédantes et régies adhérentes de la FNCCR, près de 80 ont déjà créé des sociétés d’économie mixte. C’est notamment le cas en Vendée, où le syndicat départemental d’énergie et d’équipement (Sydev) a créé sa SEM, Vendée Énergie. Un département où le gaz renouvelable représente déjà 10 % du gaz consommé localement. « Nous sommes convaincus que le gaz, et notamment les gaz verts, sont indispensables pour décarboner nos territoires et renforcer notre indépendance énergétique » rappelle Guy Hourcabie. La pluralité du mix énergétique et la nécessité de ne pas opposer les énergies entre elles, c’est aussi ce qu’a rappelé le député Renaissance du Rhône, également président du Conseil supérieur de l’énergie, Jean-Luc Fugit. « Notre ennemi commun, c’est le carbone ! Notre objectif c’est la sortie des énergies fossiles » a-t-il indiqué. Il estime que les technologies de production de gaz renouvelables, et notamment la méthanisation, qui permettent de combiner une production « énergétique locale et souveraine » et de répondre à des « problématiques territoriales concrètes », comme la réduction des gaz à effet de serre ou le traitement des biodéchets, doivent être « davantage valorisées » dans la prochaine PPE.  Une source d’énergie à valoriser Face aux enjeux d’économie circulaire, la méthanisation des biodéchets est une solution qui offre un double bénéfice : la production d’une énergie renouvelable et d’un engrais naturel (le digestat). Au  1er janvier 2024, l’ensemble des collectivités françaises devront avoir mis à la disposition des habitants des solution de tri, de collecte et de valorisation des déchets ménagers. Selon l’Ademe, chaque Français produit en moyenne 590 kg de déchets ménagers et assimilés par an. Une quantité qui a doublé en 40 ans mais qui recule légèrement depuis 10 ans, avec une amélioration de la collecte. Pourtant, moins de 10 % de la population française est concernée par une collecte sélective de ces déchets, dont seulement 40 % est valorisé en compostage ou en méthanisation. Les biodéchets représentent encore aujourd’hui un tiers de nos ordures ménagères résiduelles, nos fameuses poubelles grises, soit environ 10 millions de tonnes annuelles. Des biodéchets qui finissent la plupart du temps enfouis ou incinérés. Une aberration environnementale lorsqu’on sait qu’ils sont composés à plus de 80 % d’eau. La valorisation par méthanisation pourrait représenter « entre 3 et 5 TWh de biométhane supplémentaire produit chaque année » estime Laëtitia Aubeut, chargée de mission biodéchets chez GRDF. Les biodéchets : un volume d’énergie intéressant mais surtout du « lien » et un « service » rendu aux territoires et aux habitants, ont insisté l’ensemble des intervenants. « Le gisement des biodéchets n’est pas majeur pour la méthanisation »  reconnaît Cécile Frédéricq, déléguée générale de France gaz renouvelables, « mais c’est un vecteur d’appropriation important pour les projets avec une meilleure compréhension des consommateurs de l’intérêt du geste de tri » souligne-t-elle. Les biodéchets, vecteurs de liens « Les biodéchets ce ne sont pas des déchets, c’est une matière secondaire que l’on peut valoriser en engrais et en énergie. Nous sommes très fiers de cette filière qui fait du lien entre rural et urbain » souligne Stephan Martinez, fondateur de la première entreprise française à s’être spécialisée dans la collecte et la valorisation des déchets alimentaires, Moulinot. Si un grand nombre de collectivités ont commencé à tester des circuits pour trier, collecter et valoriser leur biodéchets, « il reste beaucoup à faire » reconnaît la FNCCR qui va d’ailleurs engager une personne dédiée à l’accompagnement des collectivités pour choisir le mode de valorisation énergétique de leurs biodéchets (méthanisation ou compostage). « C’est un gisement majeur pour la circularité. C’est un facilitateur pour créer un système plus durable sur les territoires » avance Laëtitia Aubeut. Cependant, « les biodéchets ne sont pas un gisement magique  » souligne le président de l’Association des  agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), Jean-François Delaître. « Il faut une gestion raisonnée et globale à l’échelle des territoires » car le « gisement est diffus et les critères de durabilité nombreux ». Les agriculteurs méthaniseurs sont bien sûr prêts à accueillir des biodéchets, et certains le font déjà, pionniers en la matière, comme Agrivalor en Alsace. Mais ils souhaitent également que la réglementation, particulièrement contraignante avec les éleveurs qui intègrent des biodéchets dans leurs méthaniseurs (on leur impose de ré-hygiéniser leurs effluents), ait les mêmes exigences avec l’ensemble des acteurs qui vont méthaniser des biodéchets, avec l'exigence d'un « retour au sol de qualité ». Faire vivre une neutralité technologique sur les territoires Les pouvoirs publics « doivent davantage soutenir la place des gaz renouvelables » dans le mix énergétique estime Damien Grasset, président du syndicat départemental en charge du traitement des déchets ménagers en Vendée, Trivalis , afin que les collectivités « puissent exploiter toutes les solutions pour mener à bien leur transition ». Promouvoir cette filière, « c’est l’affaire de tous » estime le président de l’AAMF, citant « l’État, les élus, les collectivités ». Et du potentiel « il y en a » rappelle Mathieu De Carvalho, pilote du groupe de travail biogaz du comité stratégique de la filière « nouveaux systèmes énergétiques » et responsable des politiques publiques sur le biogaz chez TotalEnergies, car les trois technologies de production de gaz renouvelables (la pyrogazéification, la gazéification hydrothermale et le power to gas) pourront couvrir l’intégralité de la consommation de gaz à horizon 2050 et près de 70 TWh dès 2030. « Il faut donner à la filière les moyens de ses ambitions, surtout que nous avons fait plusieurs propositions concrètes comme les certificats de production de biogaz. » « Je sais que la filière a de nombreuses attentes pour la future PPE et je le comprends car effectivement les objectifs fixés ont été dépassés » souligne Jean-Luc Fugit. Pour rappel, l’objectif de 6 TWh de biométhane injectés dans les réseaux réalisable à fin 2023 a été atteint en décembre 2022. « La quasi-totalité des départements français produisent aujourd’hui du gaz renouvelable, dépassant pour certains d’entre eux 10 % de leur consommation de gaz » note Xavier Passemard, directeur biométhane chez GRDF. Début mai, plus de 550 unités injectent dans les réseaux gaziers, pour une capacité installée qui avoisine désormais les 10 térawattheures et représente « l’équivalent de la consommation de 2,5 millions de logements neufs » selon GRDF.

Cet article est réservé aux abonnés de Gaz d'aujourd'hui, abonnez-vous si vous souhaitez lire la totalité de cet article.

Je m'abonne