« Nous avons besoin d’être reconnus par la législation au même titre que toutes les autres énergies renouvelables thermiques »

Publié le 25/04/2024

6 min

Publié le 25/04/2024

Temps de lecture : 6 min 6 min

Audrey Galland, directrice générale de France gaz liquides (FGL) et présidente depuis juin 2023 de l’association européenne des gaz liquides Liquid Gas Europe revient pour Gaz d’aujourd’hui sur le rôle des gaz et biogaz liquides dans le mix énergétique européen et les évolutions d’un secteur en pleine mutation.

Propos recueillis par Laura Icart

 

Chez Liquid Gas Europe (LGE), vous insistez souvent sur l’importance de maintenir une approche neutre sur le plan technologique ?

La neutralité technologique est essentielle pour laisser à toutes les filières les leviers pour se développer et apporter leur contribution à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Nous sommes en train de revivre une révolution industrielle et il faudra du temps pour mettre en place les technologies et les procédures qui nous permettrons de produire une énergie décarbonée et abordable pour la population. Les gaz liquides représentent une énergie indispensable pour les ménages et professionnels en zones rurales. En France, peut-être plus qu’ailleurs par notre histoire nucléaire, le prisme électrique est très fort et on oublie parfois que d’autre sources d’énergie peuvent contribuer à la décarbonation de nos économies tout en apportant, comme c’est le cas pour les gaz et biogaz liquides, une réponse spécifique aux besoins des habitants en zones rurales et dans les ZNI. Chez LGE, nous travaillons à cette reconnaissance et à intégrer pleinement les questions d’aménagement du territoire dans les politiques publiques énergétiques européennes.

La reconnaissance des gaz liquides, c’est aussi donner la possibilité à des millions de foyers ruraux européens non connectés au réseau d’avoir accès à une énergie fiable et abordable.

La directive sur la performance énergétique des bâtiments (DPEB) a été définitivement adoptée ce 15 avril. Celle-ci reconnaît le potentiel des énergies thermiques et la diversité du parc immobilier européen. Une victoire ?

C’est une vraie reconnaissance d’une approche multi-énergies dans le bâtiment et pas uniquement basée sur l’électrification totale des usages. Les États membres ont adopté des mesures plus favorables que le texte initial et qui permettent de répondre aux divers besoins énergétiques des consommateurs ruraux en évitant d’interdire totalement les chaudières. La reconnaissance des gaz liquides c’est aussi donner la possibilité à des millions de foyers ruraux européens non connectés au réseau d’avoir accès à une énergie fiable et abordable. En France, nous avons beaucoup travaillé sur la question de la précarité énergétique dans la ruralité, notamment avec des géographes spécialisés. Leur constat est édifiant : en milieu rural, le chauffage coûte en moyenne 20 % plus cher et les coûts liés aux transports sont plus élevés de 40 %. Le parc d’habitations est principalement composé de maison individuelles spacieuses et anciennes. Une situation similaire en Europe qui doit nous amener à avoir une approche spécifique pour les zones rurales. La DPEB ne ferme aucune porte et reconnaît l’importance de la molécule, c’est un premier pas qui doit amener à structurer des politiques plus ambitieuses.

Plusieurs pays soutiennent la production du biopropane et accompagnent des investissements innovants.

Quelles sont les pistes aujourd’hui pour augmenter l’offre de gaz liquides renouvelables ?

L’UE compte environ 150 millions de citoyens vivant dans des zones rurales, répartis dans environ 50 millions de foyers ruraux. Les gaz liquides renouvelables, tels que le bioproprane et le DME à base de carbone renouvelable et recyclé, offrent la possibilité de fournir une énergie renouvelable et abordable aux Européens. Nous avons plusieurs pistes de développement à différents stades de maturité. Bien sûr c’est un marché qui émerge, où tout reste à construire, mais qui a un fort potentiel. Preuve en est, de nombreuses starts-ups se lancent sur le marché et développent des technologies de rupture, comme Dimeta ou Green LG Energy. Nous sommes convaincus que le biopropane, un co-produit de raffinerie qui ne repose sur aucune consommation supplémentaire de biomasse, a un bel avenir. Dans le processus de  production de biocarburants pour l’aviation, le biopropane est coproduit systématiquement. Les projections des volumes importants de production de biocarburants pour l’aviation européennes (Refuel EU) comme françaises (SFEC) font prendre de l’ampleur au biopropane dans la prochaine décennie. Plusieurs pays soutiennent sa production  et accompagnent des investissements innovants. C’est le cas en Allemagne, en Italie ou encore en Irlande. Autre potentiel prometteur, l’utilisation du diméthyl éther renouvelable (dit « RDME »), un gaz liquide durable traditionnellement utilisé pour les aérosols, avec plusieurs projets en cours de réalisation en Europe, dont un très avancé en Angleterre. En France, la filière estime qu’elle sera en mesure d’intégrer 10 % de biopropane dans les équipements de chauffage et d’eau chaude sanitaire à horizon 2033 et pourrait intégrer, à l’avenir, 12% de DME à base de carbone renouvelable et recyclé. Mais dans notre pays comme en Europe, nous avons besoin d’être reconnus par la législation au même titre que toutes les autres énergies renouvelables thermiques.

La France accueillera en juin à Lyon le Congrès européen sur les gaz liquides (ELGC). Quels sont les sujets mis en avant cette année ?

Le Congrès réunit chaque année plus de 60 pays représentés, plus de 100 entreprises exposantes et quelques 1400 participants parmi lesquels des acteurs de l’industrie, des décideurs politiques, des experts et des médias européens et internationaux. Organisé par l’association européenne des gaz et biogaz liquides qui regroupe l’ensemble des acteurs de la filière et les associations nationales, nous avons la chance cette année de pouvoir accueillir le congrès en France, à Lyon. Le thème du congrès est « Fournir aujourd’hui et préparer demain », faisant écho à plusieurs points essentiels pour notre filière : continuer de fournir une énergie sûre et abordable et travailler sur la décarbonation de notre filière pour être en mesure de proposer des solutions plus durables. Cette année, nous allons présenter une étude référençant dans toute l’Europe la disponibilité potentielle de gaz liquides renouvelables (bioGPL et DME à base de carbone renouvelable et recyclé) en 2030, 2040 et 2050. Objectif : donner aux législateurs et régulateurs européens et nationaux une véritable perspective du rôle que pourra jouer l’industrie des gaz et biogaz liquides dans l’atteinte de la neutralité carbone en Europe en 2050.