Les constructeurs automobiles pressent l’UE d’assouplir le passage au tout-électrique

Industrie
12/09/2025
5 min
En 2024, l’industrie automobile européenne a perdu plus de 54 000 emplois chez les fournisseurs tandis que les constructeurs ont annoncé près de 53 000 suppressions de postes, dans un contexte où les ventes de voitures neuves ont chuté de 18,3 % en août en Europe. ©Shutterstock

L’UE doit-elle freiner sur le passage au tout-électrique d’ici 2035, ou confirmer sa feuille de route ? La présidente de la Commission Ursula von der Leyen a réuni le 12 septembre les dirigeants de l’industrie automobile pour échanger sur l’avenir d’un secteur qui appelle à revoir ce totem environnemental.

Par la rédaction, avec AFP

« La réglementation est trop rigide » et « nous devons être plus pragmatiques », résume Sigrid de Vries, directrice générale de l’Association européenne des constructeurs automobiles, organisation qui défend les intérêts d’un secteur pesant 13 millions d’emplois directs et indirects, et produisant 7 % du PIB européen. Ce sera la troisième réunion à Bruxelles depuis le lancement en début d’année par l’exécutif européen du « dialogue stratégique » avec l’industrie automobile, pour l’aider à s’adapter aux défis simultanés de l’électrification, de la concurrence et des tensions commerciales. La présidente Ursula Von der Leyen a lancé le dialogue stratégique sur l’avenir de l’industrie automobile en janvier 2025 afin de faire face aux profonds changements dans le secteur automobile. L’industrie automobile européenne est confrontée à un environnement en évolution rapide, caractérisé par de nouvelles technologies et une concurrence accrue, ainsi que par des incertitudes géopolitiques.

La crise de l’industrie automobile européenne

L’industrie automobile européenne traverse une tempête structurelle : entre baisse de la demande, coûts énergétiques élevés, transition vers l’électrique et concurrence mondiale, le secteur est en perte de vitesse. En 2024, les équipementiers (fournisseurs de pièces) ont annoncé 54 000 suppressions d’emplois, un record depuis la crise du Covid-19, tandis que les constructeurs (OEM) ont aussi planifié des coupes massives. Les ventes de voitures neuves accusent des reculs sévères : baisse de 18,3 % des immatriculations en Europe en août 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, avec des pertes encore plus fortes en Allemagne (- 27,8 %) et en France (- 24,3 %). En parallèle, depuis 2020, la production de véhicules en Europe est demeurée inférieure d’environ 3 millions d’unités à son niveau pré-pandémique, ce qui impacte lourdement les emplois et la rentabilité des fournisseurs.

Une « flexibilité » réclamée

Signe que l’UE est à l’écoute de leurs difficultés, les constructeurs avaient déjà obtenu le report d’une norme d’émissions de CO₂. Mais ils se concentrent désormais sur la mesure phare de la Commission, l’interdiction dans l’UE à partir de 2035 de la vente de voitures neuves et des véhicules utilitaires légers à essence ou diesel, hybrides compris. Un emblème des ambitieuses mesures du pacte vert européen (Green Deal), qui avait été acté en mars 2023 malgré les réticences allemandes. Cette mesure est de plus en plus contestée par les constructeurs, confrontés à des ventes de modèles électriques qui patinent, à la concurrence chinoise en grande forme, aux droits de douane américains et à la chute des bénéfices mondiaux. Ils n’ont qu’un mot à la bouche désormais : obtenir des « flexibilités«  pour passer au tout-électrique. Mardi, le chancelier allemand Friedrich Merz leur a apporté son soutien, en plaidant depuis le salon auto de Munich pour « une réglementation européenne intelligente, fiable et souple ». La flexibilité réclamée pourrait consister à donner quelques années de plus aux constructeurs pour respecter l’échéance de 2035, sans remettre en cause l’objectif final. Ainsi, les industriels n’auraient pas à bouleverser une nouvelle fois leurs stratégies et à remettre en cause les lourds investissements qu’ils ont déjà consentis pour faire leur transition vers le tout-électrique, mais auraient plus de temps pour s’adapter.

« Tenez bon« 

À l’inverse, 150 entreprises actives dans la filière des véhicules électriques (constructeurs, fabricants de batteries, opérateurs de recharge…) sont montées au créneau lundi pour défendre la date butoir de 2035. « Tenez bon, ne reculez pas », ont-elles plaidé dans une lettre ouverte adressée à Mme von der Leyen. Le transport routier est responsable de plus de 20 % des émissions de gaz à effet de serre de l’UE, selon des données européennes. Pour William Todts, directeur de l’ONG Transport & Environnement, qui participe à ce « dialogue stratégique« , l’objectif de 2035 porte déjà des fruits. Il en veut pour preuve le bel éventail de véhicules électriques européens dévoilé cette semaine au salon automobile de Munich. « Pour la première fois depuis 10 ans, les Allemands peuvent se targuer d’être presque aussi bons que les Chinois » sur ce segment, mais « ils le font uniquement à cause des normes d’émissions de CO₂. »

De son côté, Ursula von der Leyen a envoyé des signaux favorables au secteur dans un discours mercredi au Parlement européen, confirmant envisager une révision des objectifs de 2035 en ce qui concerne les véhicules à faibles émissions (comme les hybrides), que les constructeurs aimeraient pouvoir continuer à commercialiser au-delà de cette date. La dirigeante a aussi proposé une initiative pour le développement de « véhicules électriques abordables et de petite taille » fabriqués en Europe, sans plus de précisions à ce stade, et confirmé une enveloppe de 1,8 milliard d’euros pour accélérer la production de batteries électriques sur le Vieux Continent. Ces débats interviennent dans une période éreintante pour les constructeurs auto européens, qui enchaînent les annonces de suppressions de postes, notamment en Allemagne.

Vous aimerez aussi