Législation : décryptage juridique de la « première loi européenne sur le climat »

Publié le 14/05/2020

6 min

Publié le 14/05/2020

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Par Emma Babin, avocate au barreau de Rennes, collaboratrice senior du Cabinet Gossement Avocats.

La proposition de règlement présentée ce 4 mars 2020 par la Commission européenne est la « première loi européenne sur le climat ». Elle tend à inscrire dans la législation de l’Union l’objectif de neutralité climatique d’ici 2050 fixé dans le pacte vert pour l’Europe et, à cet effet, d’établir le cadre nécessaire pour y parvenir. Elle a pour projet de modifier le règlement (UE) 2018/1999 sur la gouvernance de l’Union de l’énergie et de l’action pour le climat.

Emma Babin est avocate au barreau de Rennes, collaboratrice senior du cabinet Gossement Avocats. Elle exerce depuis 2018 au sein du bureau de Rennes du Cabinet Gossement Avocats où elle intervient pour le compte de personnes publiques et privées (industriels, éco-organismes, syndicats professionnels, collectivités territoriales, syndicat mixte, opérateurs d’énergies renouvelables éolien, solaire photovoltaïque, hydroélectricité, géothermie, biométhane) sur les problématiques en droit de l’énergie, droit des déchets, droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales. 
 
La proposition de règlement s’inscrit en cohérence avec d’autres initiatives qui ont été adoptées dans le cadre du pacte vert pour l’Europe, notamment le plan d’investissement pour une Europe durable, la proposition de règlement établissant le « fonds pour une transition juste » ainsi qu’un nouveau plan d’actions en faveur de l’économie circulaire.

La neutralité climatique : un objectif juridiquement contraignant

L’article 2 de la proposition de règlement définit l’objectif de neutralité climatique comme : « L’équilibre dans l’ensemble de l’Union entre les émissions et les absorptions des gaz à effet de serre règlementés dans l’Union, atteint en 2050 au plus tard, les émissions nettes se trouvant de ce fait ramenées à zéro. »
Afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, la Commission européenne prévoit, d’ici septembre 2020, de réexaminer l’objectif spécifique de l’Union européenne de réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, compte tenu en particulier des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat qui ont été présentés à la Commission en application du règlement 2018/1999. Il est prévu de fixer un nouvel objectif de 50 à 55 % de réduction des émissions par rapport aux niveaux de 1990. À noter que l’objectif de neutralité climatique à l’horizon 2050 concerne tous les secteurs et tous les gaz à effet de serre (et pas uniquement le CO2).

 

L’atteinte de l’objectif devra s’appuyer sur une trajectoire révisée tous les cinq ans

La trajectoire à suivre au niveau de l’Union pour parvenir à la neutralité climatique sera fixée par la Commission européenne jusqu’en 2050. Celle-ci sera réexaminée au plus tard six mois après chaque bilan mondial prévu à l’article 14 de l’accord de Paris.  L’objectif spécifique de l’UE pour 2030 en matière de climat marque le début de cette trajectoire. Plusieurs éléments seront pris en considération par la Commission pour la définir, tels que le rapport coût-efficacité, les meilleures technologies disponibles, l’équité et la solidarité entre les États membres, l’efficacité énergétique (cf. article 3 de la proposition de règlement).

 

Une évaluation régulière des mesures nationales et des progrès réalisés

Le dispositif repose sur une évaluation régulière par la Commission des progrès réalisés collectivement par les États membres ainsi que des mesures nationales mises en œuvre. La Commission européenne sera chargée d’évaluer, au plus tard le 30 septembre 2023, puis tous les cinq ans :
– les progrès accomplis collectivement par tous les États membres en vue d’atteindre l’objectif de neutralité climatique, selon la trajectoire définie ;

  • – les progrès réalisés collectivement par les États membres en matière d’adaptation au changement climatique (la proposition de règlement impose, à l’article 4, aux États membres d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies et des plans d’adaptation, comprenant des cadres généraux de gestion des risques) ;
  • – la cohérence des mesures de l’Union au regard de l’objectif ainsi que le caractère approprié de ces mesures visant à améliorer l’adaptation au changement climatique ;
  • – la cohérence des mesures nationales considérées, compte tenu des plans nationaux intégrés en matière d’énergie et de climat élaborés conformément à l’article 3 du règlement 2018/1999, comme pertinentes pour atteindre la neutralité climatique, selon la trajectoire défini par la Commission ;
  • – le caractère approprié des mesures nationales pertinentes visant à garantir des progrès en matière d’adaptation au changement climatique.
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À noter que ces évaluations sont menées en complément de l’évaluation des progrès réalisée tous les deux ans par la Commission, conformément à l’article 29 du règlement 2018/1999. S’agissant de l’évaluation des mesures nationales, si la Commission constate, en tenant dûment compte des progrès réalisés collectivement par les États membres, que les mesures nationales sont incompatibles avec l’objectif de neutralité climatique ou sont inappropriées pour améliorer la capacité d’adaptation dudit État au changement climatique, elle lui adresse des recommandations qui sont rendues publiques. L’État membre devra prendre en compte les recommandations ainsi formulées. Il sera également tenu de justifier de son inaction le cas échéant.

La proposition de règlement a été transmise le 4 mars dernier pour examen au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, dans le cadre de la procédure législative ordinaire.