« L’écologie positive que je défends, c’est une écologie de la croissance, qui réconcilie l’entreprise avec la nature sans effacer l’homme »

© Région Pays de la Loire - Ouest Médias

Publié le 16/07/2020

14 min

Publié le 16/07/2020

Temps de lecture : 14 min 14 min

Christelle Morançais, présidente du conseil régional des Pays de la Loire, nous parle des ambitions de sa région en matière de transition écologique. Propos recueillis pas Laura Icart   La France a traversé une grave crise sanitaire avec des impacts multiples sur nos territoires. Alors que le plan de relance se prépare, qu’est ce qui définit selon vous une région « résiliente » ? Une région « résiliente », c’est une région qui saura être à la hauteur du défi immense qui arrive, de la brutalité de la crise. Avec des exigences fortes qui doivent nous guider : la réactivité, l’unité et l’humilité et également beaucoup de pragmatisme. Il n’y a qu’une réponse à la crise et elle est collective. Au sortir du confinement, j’ai engagé une vaste consultation pour bâtir un plan de relance à la hauteur des défis qui se posent à nous. L’ensemble des forces politiques, institutionnelles et sociales de la région ont été consultées. J’ai effectué des dizaines de déplacements à la rencontre des chefs d’entreprises, des salariés, des bénévoles associatifs pour construire ce plan au plus près du terrain. Car à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. 332 millions d’euros de mesures nouvelles seront ainsi mobilisés par la région des Pays de la Loire autour de trois axes principaux : protéger les plus fragiles, soutenir nos territoires et accélérer en matière de santé et de croissance verte. Mais être résilient, c’est aussi faire preuve d’humilité et reconnaître que la vérité du jour n’est pas nécessaire celle du lendemain. Et il nous faut donc en permanence nous adapter car certaines mesures répondent à la nécessité du moment, mais beaucoup d’autres restent à inventer. Vous utilisez souvent le terme « d’écologie positive ». Pouvez-vous nous expliquer ce qu’il représente pour vous ? Le jour où j’ai été élue présidente de région, j’ai placé deux priorités au cœur de mon mandat : l’emploi et la transition écologique. La crise n’a fait que renforcer ma conviction et ma détermination en la matière. Je veux être la première écologiste des Pays de la Loire. Car la crise ne doit pas être un prétexte au ralentissement de la cause environnementale, bien au contraire. Mais il faut s’entendre sur ce que signifie pour nous l’écologie. L’écologie positive que je défends, c’est une écologie de la croissance, qui réconcilie l’entreprise avec la nature sans effacer l’homme. Une écologie qui incite et qui libère plutôt qu’une écologie qui contraint et qui punit. C’est au fond une écologie de progrès et de projets. Cette vision de l’écologie s’oppose catégoriquement à la décroissance que prônent certains et dont on expérimente actuellement, avec une récession de 11%, les conséquences dramatiques. Ma réponse à la crise, c’est l’accélération des projets structurants pour le territoire avec, par exemple, la mobilisation de 100 millions d’euros pour développer l’hydrogène et en faire l’une des filières d’excellence en Pays de la Loire. La région Pays de la Loire a adopté le 22 mars 2018 un plan d'action concret sur la transition écologique comportant 7 axes et 82 mesures pour un budget de 353 millions d’euros pour la période 2018-2021. Quelles sont les grandes thématiques définies par ce plan ? 353 millions d’euros seront effectivement investis d’ici 2021 pour accélérer la transition écologique dans les Pays de la Loire avec des objectifs ambitieux très clairs : amplifier la transition énergétique engagée depuis 2016, avec notamment un triplement de la production d’énergie renouvelable d’ici 2021 et la rénovation énergétique de 100 000 logements ; devenir la première région française pour la mobilité durable avec le déploiement de transports collectifs électriques ou au gaz sur notre réseau Aléop et de nouvelles bornes de recharge électrique pour les particuliers ; reconquérir la qualité de nos cours d’eau avec un plan doté de 46 millions d’euros sur cinq ans, alors que seulement 11 % des cours d’eau ligériens sont aujourd’hui en bon état écologique ; préserver notre biodiversité : nous avons été les premiers à adopter une stratégie concrète de 50 millions d’euros pour préserver et valoriser notre biodiversité, avec le monde économique, les agriculteurs, les chasseurs et tous les acteurs mobilisés. Notre ambition est claire. Nous voulons préserver notre territoire, la richesse de sa biodiversité et la beauté de ses paysages qui forgent notre identité. Mais nous voulons également le développer, en impliquant tout le monde car nous avons la conviction que la transition écologique est une formidable opportunité pour créer de l’emploi sur notre territoire. La qualité de l’air est aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique. En France, on estime à 48 000 le nombre de décès liés à la pollution de l’air.  Quelles sont les mesures prises par la région pour améliorer l’air des Ligériens ?   J’ai la conviction que la crise du Covid-19 peut être une occasion d’accélérer encore davantage nos efforts en faveur de la préservation de notre cadre de vie qui constitue notre bien commun et la transition vers une économie toujours plus décarbonée et circulaire. Nous voulons relever le défi du changement climatique qui est l’un des grands enjeux de ce XXe siècle. C’est pourquoi la région a lancé une grande étude, placée sous l’égide du climatologue Hervé Le Treut, membre du Giec, pour mieux caractériser les impacts du changement climatique sur le territoire des Pays de la Loire. Elle sera rendue publique à l’automne et permettra de consolider la dynamique régionale. Mais sans attendre, nous agissons déjà très concrètement pour améliorer l’air des Ligériens. Avec par exemple le lancement du dispositif « Fermes bas carbone » qui mobilise les agriculteurs pour le climat. Première en France, la région accompagne les éleveurs laitiers investis dans une démarche de réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec un objectif d’accompagner 5 200 éleveurs avec un soutien régional de 1,7 million d’euros (+ 1,5 million d’euros de fonds européens). Nous avons également mis en place un billet TER « pic de pollution » afin d’inciter les usagers à préférer le train à la voiture. Le conseil régional a fixé comme objectif le triplement du potentiel des EnR d’ici 2021. Quel est actuellement le profil énergétique de votre région ? Quelle part des EnR dans la consommation énergétique ? Alors que les énergies renouvelables (éolien, solaire, énergies marines, biomasse, géothermie) représentent 8 % de la consommation d’énergie ligérienne en 2014, la région investit 83 millions d’euros entre 2018 et 2021 pour tripler la production de ces nouvelles sources d’énergie pour contribuer de façon décisive à enclencher la troisième révolution industrielle sur le territoire. En quatre ans, nous avons déjà réussi à multiplier par deux la production d’énergies renouvelables. Dans le cadre de notre plan de relance, nous voulons amplifier encore davantage nos efforts pour soutenir les nouvelles filières d’excellence et favoriser la diffusion progressive des nouvelles motorisations décarbonées. Quelles sont les filières à haut potentiel pour vous ? Pour accélérer la relance, nous allons créer un fonds d’investissement régional dans des énergies nouvelles renouvelables (ENR) doté de 10 millions d’euros, qui constitue une filiale de notre SEM Croissance verte. Il prendra des participations, sur tout le territoire régional, dans des sociétés de projets ENR (méthanisation, hydrogène, gaz, éoliennes, etc.). Nous voulons également accompagner et structurer une nouvelle filière d’excellence régionale particulièrement prometteuse autour de l’hydrogène en injectant 100 millions d’euros. La méthanisation est un axe fort de votre pilier EnR.  Existe-t-il des mesures spécifiques dédiées au développement de cette filière ? Bien sûr, et nous les renforçons d’ailleurs très fortement dans notre plan de relance avec par exemple un budget de 3,2 millions d’euros pour un appel à projets conjoint région-Ademe sur la méthanisation pour accélérer la mise en place des projets de méthaniseurs sur tous les territoires. Vous affichez l’ambition d’être la première région à motorisation alternative de France. Qu’en est-il du potentiel développé ? La région agit sur trois leviers pour développer les mobilités durables. Le premier est le renforcement de l’attractivité de ses transports en commun publics régionaux, avec une offre augmentée (+ 8,5 % d’offre TER, de nouvelles rames à forte capacité et des cars à motorisations électriques et gaz), un service voyageurs amélioré et une accessibilité renforcée. Deuxième levier : l’investissement dans des véhicules à motorisations alternatives. La région innove en soutenant les premières acquisitions dans le Grand Ouest d’autocars roulant au gaz et à l’électrique. La région expérimente aussi un car à motorisation électrique sur une ligne scolaire ou interurbaine en Sarthe. Troisième levier : le développement de la mobilité durable individuelle, notamment électrique, hydrogène et biogaz, via l’exonération fiscale de la carte grise pour les véhicules électriques et le déploiement d’un réseau de bornes électriques rapides et de stations d’avitaillement en GNV et bioGNV, en lien avec les syndicats départementaux d’énergie. La région s’est également impliquée pour l’installation de la première station hydrogène du Grand Ouest au Mans.   Pouvez-vous nous parler plus spécifiquement du potentiel du GNV et du bioGNV sur votre territoire ? La région s’est engagée dans le déploiement d’un réseau régional de bornes électriques ultrarapides (en complément du réseau de bornes rapides déjà financé par le conseil régional) et de stations d’avitaillement bioGNV dont nous doublons d’ailleurs le budget dans le plan de relance. Avec le déploiement du réseau régional de stations hydrogène dans la cadre du plan régional hydrogène, le déploiement de ces réseaux d’infrastructures d’avitaillement et de recharge permettront de soutenir la diffusion des motorisations alternatives décarbonées. La direction des transports et de la mobilité de la région des Pays de la Loire a mené une enquête, à destination des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dont les résultats ont mis en évidence le besoin des territoires peu denses d’être accompagnés dans des projets de mobilités innovantes. Pouvez-vous en parler ? Que va faire la région pour y répondre ? Au-delà de la diffusion des motorisations alternatives décarbonées, la région souhaite en effet renforcer l’usage des transport collectifs et des mobilités douces, tout particulièrement en zones peu denses. C’est le sens des mesures proposées dans le cadre de ce plan de relance, qui visent à accélérer le développement de ces mobilités. Nous avons lancé un appel à manifestations d’intérêt auprès des territoires sur les mobilités douces et innovantes, dont le délai a été prolongé au 30 juin 2021 pour permettre aux nouvelles équipes des communes et intercommunalités de candidater sereinement. La crise du Covid a également mis en exergue l’isolement de certaines personnes sur notre territoire. J’ai donc décidé d’étendre le transport à la demande à toutes les communes non desservies pour permettre aux usagers, notamment dans les territoires peu denses, de pouvoir rejoindre facilement des pôles d’attractivité ou les transports en commun régionaux. Nous renforçons également notre offre de transport et nous allons développer la pratique du covoiturage et de l’autopartage avec par exemple la création d’une prime aux covoitureurs. Le secteur du bâtiment est le premier consommateur d’énergie finale en Pays de la Loire. Quelle politique menez-vous pour répondre aux multiples enjeux de la rénovation énergétique ? La rénovation énergétique des bâtiments est un outil puissant pour la relance économique de l’économie ligérienne : elle permet tout à la fois de soutenir l’économie sur tout le territoire régional et participe de l’objectif de réduction des émissions de CO2 grâce aux économies d’énergies. La région s’est fortement investie dans cette politique publique depuis le début du mandat. Nous y avons déjà consacré 10 millions d’euros par an à travers différents dispositifs (AREEP pour les particuliers, bâtiments publics, locatifs communaux et construction de foyers pour les jeunes, dont la rénovation des résidences universitaires Crous). Ainsi, notre objectif de 100 000 logements rénovés en cinq ans sera atteint dès cette année : dans notre plan de relance, nous renforçons notre action avec 24 millions d’euros pour la rénovation énergétique des bâtiments des particuliers, en lien avec l’État, les départements et les EPCI. À une époque où la sobriété est devenue une nécessité, comment accompagnez-vous les acteurs de votre territoire pour aller vers plus d’efficacité énergétique ? Pour accompagner les collectivités et les entreprises, la région a créé une société d’économie mixte : une SEM Croissance verte, pour apporter notamment une offre d’animation, d’expertise et de services en matière de développement de l’efficacité énergétique du bâti. Votre région est particulièrement à la pointe dans le développement des smart grids et smart gas grids. Quelle place occupe l’innovation industrielle dans votre politique régionale ? En la matière, notre ambition est de faire du Grand Ouest la référence sur les réseaux électriques intelligents. Les réseaux intelligents, ou smart grids, seront capables de relier de manière optimisée les multiples lieux de production et de consommation d’électricité et de gaz. De ce point de vue, le projet Smile (Smart Ideas to Link Energies), porté avec la région Bretagne, est ainsi devenu une vitrine industrielle des réseaux électriques intelligents, qui pourra s’exporter. Dès 2020, nous mobiliserons 2 millions d’euros de crédits nouveaux pour soutenir des projets innovants dans le domaine des énergies renouvelables et des réseaux énergétiques intelligents. Pouvez-vous nous parler de l’appel à projets par lequel la région entend soutenir les projets d’innovation dans les ports de plaisance pour permettre l’émergence du port du futur ? Quels en sont les objectifs ? Pour faire face à la pénurie relative de places dans les ports de plaisance, et dans un souci à la fois écologique et économique pour les plaisanciers, il est nécessaire de repenser le concept même de port et de développer le port du futur. Avec cet appel à projets, l’objectif de la région est de soutenir les projets d’innovation dans les ports de plaisance pour permettre l’émergence du port du futur qui soit un port connecté, un port lieu d’expérimentation et un port engagé dans la transition écologique (zéro déchet, zéro rejet).   Crédit : région Pays de la Loire, Ouest médias.

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