« Le statu quo n’est pas une stratégie industrielle viable pour l’Europe »

Interview
23/10/2025
14 min

 

Naïveté, concurrence, dépendance, diplomatie, protectionnisme… Joseph Dellatte, responsable climat et énergie à l’Institut Montaigne, revient pour Gaz d’aujourd’hui sur sa note publiée en juillet qui met en lumière une dépendance systémique de l’Europe vis-à-vis de la Chine sur la clean tech et sur l’importance de bâtir une nouvelle stratégie industrielle faite de coopération, de partenariats et de relocalisation sratégique.

Propos recueillis par Laura Icart

Vous parlez d’une « dépendance systémique » de l’Europe à la Chine. À quel point sommes-nous dépendants ?

L’Europe est une économie ouverte qui a bâti sa prospérité sur la mondialisation. Mais cette ouverture s’est transformée en vulnérabilité dès lors que certaines dépendances se sont concentrées sur un seul fournisseur, comme la Chine. Aujourd’hui, nous dépendons massivement de Pékin pour tout ce qui relève du hardware – matériaux, composants, machines – alors que nous restons liés aux États-Unis pour le software et le numérique. Cette double dépendance fragilise notre autonomie industrielle et technologique. Pendant longtemps, l’Europe, et particulièrement l’Allemagne et son hinterland d’Europe de l’Est, ont connu une croissance tirée par la demande chinoise. Or cette demande s’est effondrée : la Chine produit désormais elle-même ses technologies de pointe. L’exemple du solaire est éloquent : Pékin concentre aujourd’hui près de 98 % de la production mondiale. Et ce schéma se reproduit dans les batteries ou les véhicules électriques, des secteurs pourtant au cœur de l’industrie européenne.

"La stratégie chinoise fonctionne principalement grâce à un fort taux de croissance économique, ce qui permet à la Chine de s'endetter de manière soutenue et d’investir massivement dans des surcapacités industrielles"

Pékin a-t-elle bâti cette position dominante par calcul politique ou simple logique industrielle ?

C’est clairement une stratégie politique et industrielle. Depuis des décennies, la Chine a planifié sa montée en puissance, du minerai jusqu’au produit fini, via un maillage d’entreprises d’État et de dettes industrielles. Ce modèle lui permet de produire au-delà de sa demande intérieure et d’exporter ses surcapacités vers le reste du monde. La stratégie chinoise fonctionne principalement grâce à un fort taux de croissance économique, ce qui permet à...

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