Le Parlement européen approuve le retrait de l’UE du traité sur la charte de l’énergie

Le traité sur la Charte de l'énergie (TCE), établi en 1994 pour régir le commerce et les investissements dans le secteur de l'énergie, est devenu controversé. Le Parlement européen a également exprimé la nécessité d'une sortie de l'UE dans une résolution adoptée en 2022. ©Shutterstock

Publié le 24/04/2024

4 min

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Les eurodéputés ont approuvé ce 24 avril le retrait coordonné de l’UE du traité international sur la charte de l’énergie, jugé trop protecteur des investissements dans les énergies fossiles et qu’une dizaine d’États membres, dont la France, ont déjà annoncé vouloir quitter.

Par la rédaction, avec AFP

 

En juillet 2023, faisant suite à la décision de plusieurs pays dont la France de sortir du traité sur la charte de l’énergie, la Commission européenne avait proposé un retrait coordonné de l’Union européenne et de ses États membres, considérant que « le traité n’est plus compatible avec les objectifs climatiques de l’UE dans le cadre du deal vert européen et de l’accord de Paris », évoquant « un traité obsolète » et une volonté de l’Europe de « se concentrer sur la construction d’un système énergétique efficace qui promeut et protège les investissements dans les renouvelables ». À la suite d’une validation par les Vingt-Sept début mars, le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg a à son tour donné son feu vert, par 560 voix (43 contre, 23 abstentions). Une ultime confirmation formelle par les États sera désormais nécessaire. Les États qui le souhaitent resteront cependant libres d’approuver la modernisation du traité en cours de discussion et en rester membres – ce que réclamaient notamment la Hongrie, la Slovaquie, Malte et Chypre.

Un traité vieux de trois décennies

Le traité sur la charte de l’énergie (TCE) a été signé en 1994, au sortir de la guerre froide, pour offrir des garanties aux investisseurs dans les pays d’Europe de l’Est et de l’ex-URSS. Il a été signé par l’ensemble des États membres de l’Union européenne et les pays de la Communauté des États indépendants de l’ex-URSS, dont la Russie. Il permet à des entreprises de réclamer, devant un tribunal d’arbitrage privé, des dédommagements à un État dont les décisions et l’environnement réglementaire affectent la rentabilité de ses investissements – même lorsqu’il s’agit de politiques pro-climat.

Un traité défendant « les dinosaures fossiles »

Le vote d’aujourd’hui est « un grand pas dans la bonne direction » estime la rapporteure de la commission du commerce, Anna Cavazzini (Verts/ALE, DE), évoquant un traité « sur les dinosaures fossiles qui ne fait plus obstacle à une protection cohérente du climat », permettant aux États de ne plus « craindre les poursuites judiciaires intentées par des entreprises devant des tribunaux d’arbitrage privé et exigeant des milliards d’euros de dédommagement ». La députée européenne évoque plusieurs cas qui ont fait jurisprudence ces dernières années, infligeant de lourdes amendes à des États alors qu’ils défendaient des politiques pro-climat. L’Italie a par exemple été condamnée en 2022 à verser une compensation d’environ 200 millions d’euros à la compagnie pétrolière Rockhopper pour avoir refusé un permis de forage offshore. L’énergéticien allemand RWE avait réclamé, avant d’y renoncer, 1,4 milliard d’euros à La Haye pour compenser ses pertes sur une centrale thermique affectée par une régulation néerlandaise anti-charbon. Face à la multiplication des contentieux, les Européens ont d’abord tenté de moderniser le texte pour empêcher les réclamations opportunistes et en exclure progressivement les fossiles. Mais faute de compromis rapide, une dizaine d’États de l’UE ont décidé fin 2022 de se retirer du traité (France, Espagne, Pays-Bas, Allemagne, Luxembourg, Pologne…). L’Italie l’avait quitté dès 2015. Hors UE, le Royaume-Uni a annoncé son retrait le 22 février. Le texte adopté mercredi « est un signal collectif, un vrai poids politique qui renforce notre feuille de route climatique », a indiqué à l’AFP l’eurodéputé Renew (libéraux) Christophe Grudler, rapporteur du texte.

Certes, tous les pays restent concernés par la « clause de survie » du TCE, qui protège encore 20 ans après le retrait d’un pays signataire, les installations d’énergies fossiles couvertes par le traité. Mais ce retrait concerté peut contribuer à dissuader les poursuites au sein de l’UE, estime Christophe Grudler.