Le Parlement donne son feu vert à l’arrivée de Bernard Fontana à la tête d’EDF

Publié le 30/04/2025

6 min

Publié le 30/04/2025

Temps de lecture : 6 min 6 min

Le Parlement a approuvé mercredi la nomination de Bernard Fontana à la tête d’EDF, ont annoncé les deux chambres, ouvrant la voie à la prise de fonction de l’actuel directeur général de Framatome, désigné par l’Élysée pour succéder à Luc Rémont.

Par la rédaction, avec AFP

 

Les commissions des affaires économiques du Sénat et de l’Assemblée nationale ont donné leur feu vert à cette nomination, avec un total cumulé de 55 voix pour et de 40 voix contre la candidature de Bernard Fontana.

Les sénateurs contre, les députés pour

Si à l’Assemblée les députés du groupe de La France insoumise se sont prononcés contre, les socialistes pour, selon une source au sein du groupe et le Rassemblement national pour également, selon un cadre du parti d’extrême droite, c’est au Sénat que sa candidature a suscité le plus d’hésitations : les sénateurs, dominés par une alliance droite-centristes, se sont majoritairement opposés à cette nomination, avec 14 voix pour et 28 contre. Seul un vote négatif d’au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés par les parlementaires de ces deux commissions aurait pu barrer la route du dirigeant, dont la nomination sera définitivement validée par un décret présidentiel, après une assemblée générale d’EDF prévue le 5 mai.

« J’aime l’industrie »

Bernard Fontana, 64 ans, dirige depuis septembre 2015 le français Framatome, filiale d’EDF et l’un de ses principaux fournisseurs en équipements, services et combustibles pour l’industrie nucléaire. Il succédera à Luc Rémont, évincé après un peu plus de deux années en poste, avec l’objectif d’accélérer le chantier industriel pharaonique de la relance du nucléaire français. Il prendra les rênes d’EDF alors que de nombreux différends se sont accumulés ces dernières années entre l’entreprise publique et son État actionnaire, sur bien des sujets : maîtrise du programme de construction de réacteurs EPR2, part de l’État dans le financement de ce nouveau nucléaire, bras de fer sur le prix de l’électricité pour les industriels énergivores…

Les grandes priorités d’EDF à l’horizon 2030

Lors de son audition devant les instances parlementaires, le futur président d’EDF a exposé la feuille de route stratégique de l’entreprise et a détaillé cinq grandes priorités pour garantir la souveraineté énergétique de la France, soutenir la réindustrialisation du pays et sécuriser la trajectoire financière d’EDF, dans un contexte de transition énergétique accélérée. D’abord, créer les conditions d’un investissement industriel majeur dans le nucléaire. Bernard Fontana l’affirme d’emblée : « Continuer à travailler sur tous ces sujets […] en visant une capacité à atteindre, par exemple 400 TWh à l’horizon 2030, constitue pour moi un excellent investissement industriel pour EDF dans le nucléaire et pour la filière nucléaire. » Cette ambition repose sur la maîtrise des délais, des coûts et sur la montée en puissance du parc existant ainsi que la construction de nouveaux réacteurs EPR2. Parmi les projets en cours, Flamanville 3 est en phase de montée en puissance, « en visant une pleine puissance cet été », tandis que le retour d’expérience de Taishan et d’Inkley Point C est mis à profit pour renforcer les compétences de la filière. La décision finale d’investissement pour les six EPR2 est attendue au plus tard « pour le second semestre 2026 » a-t-il indiqué. Autre sujet majeur : garantir une électricité compétitive pour les consommateurs. La sortie du dispositif Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) est marquée par une volonté de rééquilibrer le système : « Le nouveau dispositif est objectivement mieux équilibré et à mon sens de nature à permettre à la fois un accès à une électricité compétitive, de couvrir les coûts de production et d’assurer d’importants programmes d’investissement. » Dès 2026, EDF proposera des contrats différenciés selon les profils : tarifs réglementés pour les ménages, contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) pour les entreprises et mécanismes de redistribution en cas de crise. Il précise que « l’objectif est d’offrir aux industriels des contrats à long terme autour de 40 euros le MWh », une nécessité pour soutenir la compétitivité et la visibilité des acteurs économiques. « J’aime l’industrie« , « je les connais bien« , a-t-il notamment lancé, promettant d’être « attentif à identifier rapidement les marges de manoeuvre possibles pour conclure des contrats avec eux« .

Accélérer sur tous les renouvelables en France « en priorité »

L’hydroélectricité reste un pilier stratégique, tant pour la stabilité du réseau que pour la transition énergétique : « La ligne rouge à ne pas franchir est la mise en concurrence des installations. » Avec 20 GW installés et un potentiel de développement de 4 GW supplémentaires, EDF souhaite relancer les investissements tout en préservant ses actifs stratégiques. « L’approche actuelle basée sur un régime d’autorisation est privilégiée, avec l’appui d’un tissu industriel local fort, comme l’illustre l’exemple du Creusot » indique Bernard Fontana. Le président d’EDF rappelle que « la politique d’EDF est en effet la complémentarité entre les formes d’énergie ». Avec 28 GW bruts en exploitation et 14 GW en construction dans les renouvelables, EDF s’engage à sécuriser l’exécution des projets d’éolien en mer déjà attribués. Il insiste aussi sur le besoin de maîtriser les capacités de stockage et d’intégrer harmonieusement ces énergies dans le système électrique. Enfin, l’hydrogène est identifié comme un axe clé pour la décarbonation industrielle : « J’en ai produit pendant 18 ans […] et le vrai sujet, c’est l’accès à de l’hydrogène en quantité suffisante. » EDF, à travers sa filiale dédiée Hynamics, entend « jouer un rôle central » dans cette nouvelle filière. L’électrification des usages, l’adaptation des réseaux et le maintien d’un dialogue social de qualité sont aussi des engagements fermes : « La performance des entreprises repose en effet sur le professionnalisme et l’engagement des salariés. »

Enfin, le nouveau boss d’ EDF devra assurer une trajectoire financière stable et ambitieuse au fleuron français. Mais il reste confiant : EDF affiche une solidité retrouvée. « L’Ebitda [indicateur de rentabilité financière d’une entreprise] 2024 a été proche du plus haut niveau historique de 2023, soit 39,9 milliards d’euros. » L’entreprise s’engage à rester intégrée et sélective dans ses investissements à l’international, avec une priorité donnée au financement du programme nucléaire français, soutenu notamment par un prêt d’État. « La maîtrise de l’endettement, la rentabilité des projets et la performance industrielle sont les trois leviers identifiés pour préserver l’équilibre économique du groupe » a-t-il conclu.