Le gouvernement propose des pistes pour les industries énergivores

Publié le 20/10/2021

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Publié le 20/10/2021

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Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’Industrie ont réuni ce matin les principaux représentants des industries énergo-intensives. Objectifs de la table ronde : identifier les leviers et les outils à court terme mais aussi à moyen et long terme pour faire face à la flambée des prix de l’énergie et donner davantage de visibilité aux industriels dans un contexte d’électrification des usages appelé à grandir dans les prochaines années.

Par Laura Icart

 

Dans un débriefing à la presse, le ministère de la Transition écologique a insisté sur le fait que si tous les industriels européens doivent faire face une « situation inédite de flambée des prix« , les industriels français sont « davantage protégés » grâce à un cadre régulatoire et à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh) qui soustrait une grande partie des consommateurs aux prix de gros. L’occasion également du côté de l’hôtel de Roquelaure de préciser que le relèvement du plafond de l’Arenh, même s’il est fortement souhaité par les industriels, n’est absolument pas à l’ordre du jour, du moins à court terme car la Commission européenne y « est fermement opposée ».

Des premiers sites industriels à l’arrêt

La flambée des prix a déjà des conséquences importantes chez les industriels. Depuis plusieurs jours, les annonces de fermeture de sites ou de lignes de production s’enchaînent : Kem One à Fos, l’usine Ascoval à Saint-Saulve ou encore un site du groupe Beltram dans le nord spécialisé dans le laminage de l’acier. Cette situation inquiète fortement les industriels comme l’Union des industries utilisatrices d’énergie (Uniden) qui se dit « satisfaite » d’avoir pu exposer aux ministres la gravité de la situation mais attend des mesures adaptées à l’urgence. « L’électricité utilisée pour produire une tonne d’aluminium coûte plus cher que le prix de l’aluminium produit à l’arrivée  » souligne un porte-parole de l’Uniden joint par Gaz d’aujourd’hui, qui précise que « cette situation n’est plus viable ». De son côté, le MTE relève que la situation est « très hétérogène » d’une entreprise à l’autre. En cause : différents facteurs principalement liés à la stratégie d’approvisionnement des industriels, au degré d’anticipation de la fourniture en énergie mais également selon le type de concurrence auquel ils sont soumis.

Des mesures pour « faire face »

Pour aider dès à présent les industriels, plusieurs outils ont été évoqués. Le premier a déjà été voté dans le cadre du projet de loi de finance 2022 : la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) pour les industriels électro-intensifs qui ne sont pas déjà aux taux minimum. «Un effort de l’État de 200 millions d’euros» relève le MTE. Deuxième outil qui apparaît comme une piste « robuste » selon le MTE, «même si des travaux complémentaires sont à prévoir» : le mécanisme de compensation des coûts indirects du carbone. Un mécanisme défini au niveau européen, destiné aux secteurs ou sous-secteurs considérés comme exposés à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts des quotas liés aux émissions de gaz à effet de serre imputables au SEQE répercutés sur les prix de l’électricité. Pour rappel, les fuites de carbone désignent l’éventualité où, en raison des coûts liés aux politiques climatiques, se produirait une augmentation des émissions de gaz à effet de serre imputable aux transferts des moyens de production des entreprises vers des pays tiers qui ne sont pas sujets à des réglementations comparables en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Cette compensation des coûts est normalement versée en année N+1 : dans le cas présent en 2023. L’idée du gouvernement serait de faire une avance de cette compensation dès l’année prochaine. Une mesure qui nécessite des travaux complémentaires mais n’aurait pas selon le MTE besoin de l’accord de Bruxelles. « Une mesure positive pour ceux qui en bénéficient  » selon l’Uniden mais qui ne concerne finalement que peu d’entreprises, « environ 20 TWh sur les 120 TWh que représente la consommation industrielle. »

Stabiliser les prix de l’électricité sur le long terme 

Le MTE insiste sur la nécessité de la visibilité pour les industriels alors que la décarbonation passera par  une électrification massive des usages et par des investissements importants dans des process moins énergivores. «Les industriels nous ont invité à nous réinterroger sur nos modèles de marchés largement fondés sur des contrats court terme» précise le MTE. Ce sujet a été déjà abordé au Conseil européen de l’énergie il y a trois semaines et devrait de nouveau être à l’ordre du jour du prochain, prévu en fin de semaine. Les ministres ont donc décidé de lancer un groupe de travail en intégrant les industriels pour réfléchir sur la future régulation de l’électricité en substitution de l’Arenh, mais aussi sur les mesures à mettre en place pour favoriser les contrats de long terme, notamment entre fournisseurs et industriels. La BPI et la Caisse des dépôts seront mandatées pour travailler sur ce sujet et pouvoir garantir de tels contrats. L’idée est de permettre aux industriels de conclure des contrats long terme « basés sur du nucléaire ou sur des énergies renouvelables sans préférence pour l’instant  » indique le MTE, qui souligne que « le but est d’avancer très rapidement». 

Crédit : Shutterstock.