« Le développement des énergies renouvelables est toujours mieux accepté lorsqu’il participe à la souveraineté industrielle du pays » selon Marc Ferracci

Le biométhane injecté dans les réseaux représente aujourd’hui 4 % de notre consommation nationale et devra représenter 15 % d’ici la fin de la décennie selon la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). ©GRDF

Publié le 27/02/2025

6 min

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Depuis plus 20 ans, la méthanisation s’est installée dans nos exploitations agricoles. Le développement du biogaz s’est accéléré depuis 10 ans, portée notamment par l’injection de biométhane dans les réseaux gaziers. Au Salon de l’agriculture ce 25 février, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard et le ministre de l’Industrie et de l’énergie Marc Ferracci ont participé à une table ronde sur le développement du biogaz avec des agriculteurs et ont redit leur volonté de soutenir une filière « essentielle à la souveraineté énergétique du pays » tout en rappelant que la fonction première de l’agriculture « reste et restera toujours nourricière ». Focus. 

Par Laura Icart

 

« Le biométhane, c’est notre réalité et notre futur » a déclaré Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF, le gestionnaire du principal réseau de distribution de gaz en France qui concentre 86 % des injections de biométhane. « Et ce sont aussi des projets fait pour et par les territoires qui répondent à plus de circularité. » En France, plus de 1 600 unités de méthanisation sont en service, principalement des installations à la ferme en cogénération, même si ces dernières années la dynamique de production et de mise en service est principalement portée par l’injection de biométhane dans les réseaux. « C’est une énergie vertueuse. Elle est locale, elle est décarbonée, bénéfique pour la souveraineté énergétique et agricole du pays » soulignait la veille le cabinet de Marc Ferracci lors d’un échange avec les journalistes. Si la cogénération est majoritaire, le gouvernement affiche sa volonté désormais d’orienter la filière méthanisation vers de l’injection, évoquant « un meilleur rendement ». S’il ne l’a pas directement annoncé, le gouvernement travaille avec la filière pour faciliter la bascule de la cogénération à l’injection en supprimant la pénalité, allant parfois jusqu’à plusieurs millions d’euros, qui pèse contractuellement sur les sites.  

« Ne brider pas notre potentiel »

« Nous n’avons pas peur, nous sommes prêts à faire notre part, ne nous limitez pas » demande aux ministres Vanessa Baudrier Paillat, agricultrice dans le Niortais et co-exploitante d’une unité de méthanisation collective en cogénération Déméter Énergies avec 12 éleveurs, qui valorise chaque année plus de 20 000 tonnes d’effluents d’élevage. « Notre vocation première n’était pas de produire vraiment des énergies renouvelables, mais bien d’apporter la résilience aux exploitations agricoles de notre territoire » rappelle-t-elle. Sur les 12 éleveurs associés, « trois ne seraient plus éleveurs s’il n’y avait pas eu la méthanisation » ajoute-t-elle. Leur site de méthanisation alimente en chaleur une grande partie des installations du village avoisinant (collège, école élémentaire, centre culturel…), y compris la piscine municipale. « Chez nous, rappelle-t-elle, la question de fermer la piscine au plus fort de la crise énergétique ne s’est jamais posée puisque le prix n’a jamais varié », alors qu’elle évoque « une économie annuelle de 100 000 litres de fioul » par la collectivité grâce à la cogénération. Malgré son enthousiasme, l’éleveuse des Deux-Sèvres décrit un modèle économique pour la cogénération « à bout de souffle » sans visibilité et même « bridé malgré son potentiel », évoquant notamment l’impossibilité pour les agriculteurs co-générateurs d’augmenter la puissance limitée aujourd’hui à 499 kWh. « Nous pouvons produire, nous voulons le faire », évoquant « une frustration » d’avoir investi 6 millions d’euros et d’être bloqués. « Il faut faciliter le raccordement des unités aux réseaux, il faut nous permettre de produire plus quand nous pouvons le faire » demande-t-elle en évoquant la fin de la pénalité pour passer de la cogénération à l’injection.  

Assurer la soutenabilité de la méthanisation

« Votre exemple est magnifique d’utilité » a lancé la ministre de l’Agriculture à l’intention de Vanessa Baudrier Paillat, évoquant l’importance de la méthanisation pour ne plus être « dépendant des énergies fossiles et de la géopolitique mondiale » mais aussi « pour la diversification des revenus agricoles ». « Jamais la production d’énergie ne doit prendre le pas sur la production d’alimentation car dans certains pays la production alimentaire est devenue un sous-produit de la méthanisation » rappelle Annie Genevard, évoquant notamment l’Allemagne. En France, la part de cultures énergétiques dédiées est limitée à 15 % et celle-ci n’excède pas en moyenne les 7 %. « Je partage l’importance de vous donner de la visibilité quand on investit de tels montants dans des projets, souligne-t-elle, mais aussi de maintenir une diversité de méthanisation agricole pour couvrir les besoins de la ferme mais aussi de méthanisations industrielles pour verdir le gaz naturel. »

« Un enjeu de souveraineté majeur »

« Avec la méthanisation, nous sommes sur plusieurs enjeux transversaux majeurs » estime Marc Ferracci : celui de la souveraineté énergétique d’abord avec un « biogaz souverain produit sur notre sol », évoquant le danger que représente la dépendance et alors que l’Europe se sèvre progressivement du gaz russe et que les multiples sorties du président américain Donald Trump qui représente désormais une part importante de l’approvisionnement européen en gaz ne rassurent pas les Européens. « Nous avons besoin de vous, lance Marc Ferracci, de tous ceux qui s’engagent pour notre souveraineté », notant aussi l’importance de maintenir une diversité d’installations mais aussi le besoin de massification de la production pour tenir les « objectifs ambitieux de la PPE », à savoir 44 TWh de biométhane injecté en 2030. Autre point majeur pour le ministre : la souveraineté industrielle de la filière. Il affirme que le développement des énergies renouvelables est « toujours mieux accepté lorsqu’elles participent à la souveraineté industrielle ». « C’est un élément très puissant d’acceptabilité sociale et politique » indique-t-il, évoquant l’importance de créer et pérenniser une filière industrielle de la méthanisation en amont et en aval de la chaîne « qui nourrit l’emploi industriel ». Et cette filière industrielle justement est déjà bien présente en France selon un baromètre sur l’écosystème industriel des gaz renouvelables coordonné par France gaz qui évoque près de 600 entreprises, de l’amont à l’aval de la chaîne de valeur, qui interagissent et une filière des gaz renouvelables qui « réalise 91 % de sa production et 85 % de sa valeur ajoutée en France », avec des équipements très majoritairement français (70 %) et européens (24 %) et dont le savoir-faire est déjà reconnu à l’international.