L’Assemblée approuve la suppression des zones à faibles émissions

Supprimer les Zones à faibles émissions (ZFE), comme le demandent des députés, pourrait coûter à la France plus de 3 milliards d'euros d'aides européennes, selon une note de la Direction générale du Trésor.©HJBC / Shutterstock

Publié le 01/06/2025

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Le 28 mai, l’Assemblée nationale a approuvé la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), qui restreignent la circulation de certains véhicules thermiques, en adoptant un article du projet de loi dit de « simplification ». Depuis, les réactions se sont multipliées : une « victoire » pour les uns, « une grande démagogie » pour les autres. Et un débat qui ne fait assurément que commencer.

Par la rédaction, avec AFP

 

L’article, introduit en commission à l’initiative de LR et du RN, a été adopté par 98 voix contre 51, avec les voix de l’alliance RN-UDR, de la droite, de LFI et de quelques députés macronistes mercredi soi à l’Assemblée nationale. Ce 1er juin, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a dénoncé « le cynisme » et « la démagogie » des députés qui ont voté la suppression des zones à faibles émissions, alors que la pollution de l’air est « un sujet de santé publique majeur« .

Une éternelle source de tensions

En France, depuis plusieurs années, le dispositif des zones à faibles émissions mobilité (ZFEm) issu de la loi d’orientation des mobilités et renforcé par la loi climat et résilience, est au cœur de l’actualité. « Bombe sociale » pour les uns, « parfaitement efficace » pour les autres, la mise en place des ZFE dans les grandes agglomérations françaises est source de tensions entre l’État et les collectivités et de beaucoup d’incompréhensions parmi les Français. Suppression, moratoire, assouplissement : depuis le début de leur déploiement, les ZFE crispent et ce malgré les multiples rapports et propositions de loi qui ont déjà été mis sur la table. Initiées en 2019 pour limiter les émissions de particules fines, les ZFE sont une mesure emblématique de la loi climat et résilience du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, excluant de leur périmètre certains véhicules très anciens et polluants, identifiés par les vignettes Crit’Air 3 ou plus selon les villes. Mais leur application est critiquée sur tous les bancs, y compris chez des macronistes et à gauche, par des élus qui considèrent qu’elles excluent des catégories de la population qui ne peuvent acheter des véhicules moins polluants. « Tout le monde est pour améliorer la qualité de l’air. (Mais) nous pensons que ça ne peut pas se faire au prix de l’exclusion sociale« , a soutenu Ian Boucard, député LR. Les ZFE « ne servent à rien« , a estimé quant à lui Pierre Meurin (RN).

L’amendement du gouvernement n’a pas inversé la tendance

« La pollution de l’air est à l’origine de près de 40 000 décès prématurés par an (…). Et les zones à faibles émissions ont contribué à baisser ces décès précoces« , a affirmé de son côté la ministre macroniste de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher. Elle a proposé sans succès dans l’hémicycle une solution de repli, inscrivant dans le marbre de la loi que les ZFE ne concerneraient que les agglomérations lyonnaises et parisiennes, et prévoyant toute une batterie d’exceptions à la main des collectivités qui souhaiteraient mettre en place des ZFE. « Avec ce vote, ce ne sera pas possible de le faire, même pour ceux qui le souhaitent », a déploré le ministère dans un communiqué, prenant « acte » de la décision des députés et déplorant que des députés de gauche aient voté pour. Côté LFI, Manon Meunier a déploré « une mesure très mal faite, qui crée énormément d’inégalités sociales » en réponse à un « véritable problème que nous ne pouvons nier de pollution de l’air ». C’est « un dispositif utile qu’il faut étoffer avec des mesures d’accompagnement pour que leur mise en œuvre soit mieux acceptée« , a estimé l’écologiste Lisa Belluco, dont le groupe a largement voté contre.

« Cynisme » et « démagogie » dénonce Agnès Pannier-Runacher

« Ce que je déplore aujourd’hui, c’est la manière dont effectivement le paysage politique minore ce niveau de risque« , a-t-elle déclaré lors de l’émission « Question politiques » (France inter/Le Monde/FranceTV). « Parce qu’au fond, ils sont portés par une forme de lâcheté et de déni et que leur position est plutôt de fermer les yeux« , a-t-elle estimé à l’issue d’une semaine marquée par des reculs écologiques. « J’ai honte de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale (…) parce qu’à aucun moment, le sujet qui est au coeur de ce dispositif, qui est la question de la qualité de l’air, qui est la question de protéger les Français contre des décès précoces, n’a été au centre du débat », a dit la ministre, qui a dénoncé une « alliance de circonstance » entre le RN, LR et LFI. « On est dans une situation où là encore, le cynisme le dispute au déni et je dirais à la lâcheté », a-t-elle tancé, affirmant que LFI votait contre les ZFE « parce qu’ils ont beaucoup de députés dans des zones à faibles émissions ». La ministre a dénoncé une forme de « démagogie » qui consiste à raconter à des personnes aux revenus modestes « que parce qu’ils avaient une vieille voiture, ils ne pourraient plus aller dans aucune grande agglomération (…). C’est absolument faux« .

Le vote de l’article devra être confirmé par celui sur le projet de loi dans son intégralité, encore visé par plus de 600 amendements. Certains députés estiment par ailleurs que l’abrogation des ZFE pourrait être censurée en bout de course par le Conseil constitutionnel comme cavalier législatif (une mesure trop éloignée du texte initial).