L’alliance patronale du nucléaire lancée à Paris

Deuxième source d’électricité à faibles émissions au monde après l’hydroélectricité, l’énergie nucléaire produit aujourd’hui un peu moins de 10 % de l’approvisionnement mondial en électricité. ©Shutterstock

Publié le 13/02/2025

6 min

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Quatorze patronats européens emmené par le Medef ont lancé le 12 février à Paris l’alliance patronale du nucléaire. Objectif, à quelques jours de la présentation du Clean Industrial Act à Bruxelles : renforcer le poids et la place de l’atome sur le Vieux Continent et en faire un levier de compétitivité, notamment face à l’Amérique de Trump.

Par Laura Icart

 

« Fission baby, fission » a lancé le président du Medef Patrick Martin devant ses homologues européens et de nombreux industriels, en écho au « Plug baby, plug » du président de la République lundi au sommet de l’intelligence artificielle, un secteur futur grand consommateur d’électricité, évoquant « un premier sommet historique pour le nucléaire européen » et la nécessité pour l’Europe « de davantage et mieux prendre compte les aspirations des entreprises ».

Une alliance patronale du nucléaire

En écho à l’alliance européenne pour le nucléaire créée à l’initiative de la France en 2023, rassemblant une quinzaine de pays, l’alliance patronale du nucléaire réunit 14 fédérations et une vingtaine de nationalités. Les membres de l’alliance ont identifié quatre domaines prioritaires, en cohérence avec le développement du Clean Industrial Deal et en prévision des prochaines étapes pour atteindre les objectifs économiques et climatiques européens, comme garantir un cadre institutionnel stable et clair « appliquant pleinement le principe de neutralité technologique » a souligné Patrick Martin ou sécuriser l’accès aux financements publics et privés, notamment dans le cadre de la taxonomie. Sur ce point notamment, le vice-président de la Commission européenne en charge de la compétitivité Stéphane Séjourné a annoncé ce matin dans Ouest-France que l’hydrogène bas carbone issu du nucléaire allait intégrer le Clean Industrial Act, comprenez allait pouvoir bénéficier de financements. « Je me félicite de cette victoire pour la filière nucléaire française qui dénonçait depuis deux ans cette inégalité de traitement avec les énergies renouvelables » a écrit sur le réseau X le ministre délégué à l’industrie et à l’énergie Marc Ferracci. La France avait été particulièrement active sur ce dossier à Bruxelles, appelant à davantage de pragmatisme. Les deux autres domaines prioritaires seront tout aussi « challengeant » pour les membres de l’alliance puisqu’ils projettent d’accélérer l’industrialisation de la chaîne de valeur du nucléaire et de soutenir la compétence et l’emploi dans un secteur où il y aura de nombreux emplois à pourvoir dans les prochaines années – rien qu’en France, le chiffre de 100 000 emplois est évoqué -, mais aussi des compétences à aller chercher alors que plusieurs secteurs sont déjà sous tension.

Le retour de l’énergie nucléaire

« Faisons triompher la science et la raison, face à l’exploitation des énergies fossiles voulue par Donald Trump » a déclaré Patrick Martin, évoquant l’importance « d’un mix énergétique puissant et décarboné pour relever le défi climatique » et l’importance selon lui « de concilier l’objectif de neutralité carbone avec la nécessité de regagner en souveraineté et en compétitivité ». Après plusieurs années d’incertitudes, le monde connaît un véritable regain d’intérêt pour le nucléaire. Si les défis sont nombreux, l’Agence internationale de l’énergie mettait en avant dans un rapport publié à la mi-janvier la multiplication des politiques, des projets, des investissements et des innovations telles que les petits réacteurs modulaires (SMR) dans le paysage énergétique mondial. « Le retour en force de l’énergie nucléaire est bien engagé, le nucléaire étant sur le point de produire un niveau record d’électricité en 2025 » a souligné le directeur exécutif de l’AIE. Plus de 70 gigawatts de nouvelles capacités nucléaires sont en construction dans le monde, « l’un des niveaux les plus élevés des 30 dernières années, et plus de 40 pays à travers le monde prévoient d’étendre le rôle du nucléaire dans leurs systèmes énergétiques » précise le directeur de l’agence basée à Paris. Mais les obstacles « sont nombreux », comme la livraison de nouveaux projets dans les délais et le budget, mais aussi en termes de financement et de chaînes d’approvisionnement. Le patron de l’Agence internationale de l’énergie exhorte l’Europe à « se secouer » alors que les derniers réacteurs construits en Europe ont été beaucoup plus longs et ont coûté beaucoup plus cher à construire que ce qui était prévu initialement. Dans son rapport, l’AIE estime que les innovation et notamment les SMR  « offrent un potentiel de croissance passionnant » et pourrait entraîner « une baisse des coûts de financement ». Selon l’agence, « avec le soutien approprié, les installations SMR pourraient atteindre 80 GW d’ici 2040, soit 10 % de la capacité nucléaire globale mondiale ».

« De la diplomatie économique »

Le président du Medef a évoqué cette diplomatie économique au même titre que la diplomatie politique pour faire bouger les lignes. « Nous souhaitons tirer parti de l’action au niveau européen, en travaillant en étroite collaboration avec la Commission européenne, l’alliance nucléaire des États membres, Nucleareurope, l’alliance industrielle européenne sur les SMR et d’autres parties prenantes pour prendre les décisions nécessaires, s’attaquer aux obstacles existants et permettre à l’industrie nucléaire de contribuer pleinement aux défis communs, le tout dans une vision technologiquement neutre pour la transition énergétique décarbonée » ont rappelé les membres de l’alliance, avec également en ligne de mire la question qui préoccupe aujourd’hui nombre d’industriels européens, celle du prix, alors que l’électricité est aujourd’hui trois fois plus chère en Europe qu’en Chine et que l’économie européenne stagne. C’est le « temps du sursaut » a souligné Patrick Martin, alors que la France a de « nombreux atouts à faire valoir » avec une production électrique à plus de 95 % bas carbone en 2024.