La méthanisation, fer de lance de la transition énergétique en France

Publié le 15/11/2021

7 min

Publié le 15/11/2021

Temps de lecture : 7 min 7 min

Par François-Xavier Verdes, avocat et fondateur de Maeker Avocats

L’accord historique sur le méthane signé le 2 novembre 2021 par plus de 80 pays lors de la COP26 marquera certainement un tournant dans l’histoire du développement de la filière. Les pays signataires, dont la France, le Brésil ou encore l’Allemagne, se sont en effet engagés à réduire de 30 % leurs émissions de méthane d’ici 2030. Pour remplir cet objectif, plusieurs solutions ont été mises en avant et les mesures adoptées pourraient concerner, en premier lieu, les secteurs de l’énergie et de l’agriculture. En France, les émissions de méthane concernent plus particulièrement l’agriculture. La gestion des déchets liés à l’élevage joue un rôle central dans le contrôle des émissions de méthane.

Par François-Xavier Verdes, avocat et fondateur de Maeker Avocats

 

La France a, depuis longtemps, adopté une politique de soutien au développement des unités de méthanisation et a encouragé les agriculteurs à se regrouper pour déployer des infrastructures. Outre des bénéfices environnementaux, la méthanisation présente également des impacts économiques positifs dans les territoires (compléments de revenus pour les agriculteurs, valorisation des déchets, rentabilité des installations, etc.).

Un cadre juridique français incitatif en matière de méthanisation

Depuis plusieurs années, les émissions de méthane se sont accrues, notamment en raison de l’intensification des activités agricoles. Actuellement, plusieurs types d’installations de méthanisation coexistent en France : la méthanisation agricole (la société de projet doit exercer une activité agricole au sens des articles L.311-1 et D.311-18 du code rural et de la pêche maritime et les intrants doivent provenir majoritairement d’exploitations agricoles), la méthanisation industrielle (projets centrés sur la méthanisation des déchets d’industries agroalimentaires ou matières végétales) ou encore la méthanisation territoriale (projet porté par des collectivités territoriales). Le législateur encourage la production de biogaz depuis plusieurs années. Ainsi la loi « transition énergétique » du 17 août 2015 fixait déjà l’objectif suivant : que 10 % du gaz soit d’origine renouvelable, proportion encore confortée par la loi énergie-climat du 8 novembre 2019. La France est dotée d’une réglementation spécifique en la matière. Chaque unité de méthanisation, en fonction de sa spécificité, se voit appliquer une réglementation spéciale en fonction de : son statut juridique (méthanisation agricole, industrielle, réglementation ICPE etc.) ; du type de déchet traité (déchets agricoles, agroalimentaires, etc.) ; des modes de valorisation du biogaz (chaleur, électricité) et des résidus (valorisation du digestat, épandage). Enfin, le cadre réglementaire français est doublé d’une dimension européenne, notamment en vertu des directives « RED I et II » ou encore la directive « ENR II » qui promeut l’énergie produite à partir de sources renouvelables. Par ailleurs, la France a mis en place des dispositifs de soutien budgétaires. Ainsi, les producteurs de biométhane disposent d’une obligation d’achat de l’énergie produite dont les tarifs sont fixés à l’avance et permettent de couvrir les coûts d’investissement de leurs unités. Pour pallier les difficultés liées au réchauffement climatique (le méthane constitue le deuxième gaz à effet de serre) et permettre aux agriculteurs de développer de nouvelles sources de revenus, la création d’unités de méthanisation mériterait d’être davantage encouragée et soutenue par les pouvoirs publics, la production de biogaz nécessitant plus d’unités de méthanisation.

Une France encore en retard dans la filière du biogaz

Il faut savoir que la France importe une partie importante de son gaz consommée sur son territoire. La production de biogaz à partir notamment d’unités de méthanisation locales s’avère donc être importante pour assurer notre souveraineté énergétique. Sur le plan comptable, la France compte aujourd’hui environ 1 000 installations de méthanisation, contre près de 10 000 en Allemagne. Il existe donc un boulevard pour développer la filière en France. Une première explication de l’écart de développement avec nos voisins européens peut s’expliquer par les différences de politiques publiques. La politique de soutien menée en France est radicalement différente de celles de nos voisins européens (Danemark ou encore Allemagne). En effet, notre pays privilégie l’injection (à l’inverse de l’Allemagne ou du Danemark qui privilégient la cogénération). Par ailleurs, nos mesures privilégient les petites unités contrairement à l’Allemagne et au Royaume-Uni et concentre ses efforts sur les déchets agricoles à l’inverse d’autres pays qui privilégient les cultures dédiées. La politique de soutien en France s’appuie d’abord sur un objectif de qualité et veut éviter d’encourager les cultivateurs à exploiter des champs dans un seul et unique objectif d’alimenter des unités. Les perspectives d’évolution de la filière en France sont donc importantes, notamment au regard du potentiel de production (gisement, projets en cours ou en préparation). Par conséquent, le rapport d’information sur la méthanisation dans le mix énergétique remis au Sénat sous la direction de M. Daniel Salmon préconise cinq axes pour faire évoluer la filière, à savoir : clarifier les politiques publiques (préserver l’équilibre du mix énergétique et rénover le cadre de soutien) ; structurer la filière pour améliorer les pratiques (qualité, diversification des sources) ; territorialiser les projets ; améliorer les pratiques pour renforcer les externalités positives (maîtriser les impacts environnementaux et prévenir les risques. Cette évolution du cadre réglementaire et la mise en place d’un modèle français de méthanisation ne pourra se faire qu’avec la participation active des pouvoirs publics.

Le rôle indispensable des acteurs publics dans les projets d’unité de méthanisation

Les pouvoirs publics jouent désormais un rôle fondamental dans le soutien de la filière et des porteurs de projet. Les dispositifs budgétaires sont déjà en place pour accompagner le développement des projets. Les porteurs de projets disposent de tout un arsenal de dispositifs budgétaires pour les aider à financer leurs investissements. L’Ademe joue en cela un rôle important et permet aux porteurs de projets de bénéficier d’aides financières accordées selon certains critères de performances énergétique et environnementale. Il existe par ailleurs des aides à l’investissement attribuées dans le cadre des programmes européens Feader (fonds européen agricole pour le développement rural) et Feder (fonds européen de développement régional) ou encore des prêts sans garantie sur trois ans pouvant aller jusqu’à 500 000 euros mis en place par BPI France pour les exploitants d’unités dont la capacité d’injection est inférieure à 125 Nm3 par heure.

Un soutien capitalistique grandissant en faveur des porteurs de projet

De plus en plus d’acteurs publics prennent directement part aux projets en intégrant le capital social des sociétés de projet. C’est le cas des sociétés d’économie mixte ou encore des agglomérations qui soutiennent l’implantation d’unités de méthanisation en apportant un soutien capitalistique aux porteurs de projet, permettant à ces derniers de bénéficier au sein même de leur structure de l’expérience des pouvoirs publics et d’une gestion des projets de qualité.

Au regard des enjeux climatiques et environnementaux une nouvelle fois soulevés par la COP26, c’est peut-être l’acceptation sociale des projets par les citoyens ou la levée des freins psychologiques qui pourraient être déterminants. Et peut-être également la réponse à la question : quelle énergie voulons-nous pour demain ? L’avenir de la filière pourrait en dépendre.