«La méthanisation est une histoire de paysans, pour les paysans ! »

Publié le 28/06/2018

4 min

Publié le 28/06/2018

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Pionnier en son domaine, le président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) Francis Claudepierre expérimente la méthanisation depuis plus de quinze ans sur ses terres de Lorraine. Propriétaire d’une exploitation de 115 hectares partagée entre une activité de céréalier et d’éleveur (70 vaches allaitantes), il économise environ 30 000 euros d’intrants par an grâce  au digestat produit. Une unité de méthanisation rentabilisée en huit ans qui lui permet également de produire 3 millions de KWh d’électricité réinjectés sur le réseau d’Enedis, soit l’équivalent de la consommation de 500 foyers. Pour Gaz d’aujourd’hui, il revient sur les attentes, mais aussi les craintes des agriculteurs.

Propos recueillis par Laura Icart

Quelles sont les missions de l’AAMF ?

Créée en 2010, l’AAMF compte près de 200 adhérents et fourmille de projets pour développer la méthanisation agricole. Nous représentons la moitié des agriculteurs méthaniseurs de France. Une très grande majorité (80 %) exploite une unité en cogénération, adossée pour la quasi-totalité à une activité d’élevage. La trentaine d’agriculteurs exploitant des sites d’injection de biométhane se partagent en général entre une activité d’élevage et de céréaliers. Nous avons défini, selon notre plan d’actions, huit groupes de travail avec des thématiques allant du réglementaire à la valorisation du digestat. La filière est  de plus en plus dynamique et nous souhaitons fidéliser nos adhérents en leur offrant des services adaptés à leurs attentes et leur besoins, notamment à travers la formation et le retour d’expériences.

L’AAMF a noué plusieurs partenariats avec les acteurs gaziers ces derniers mois. Quels sont vos objectifs ?

En juin 2017, nous avons signé un partenariat avec GRDF pour favoriser le développement de l’injection de biométhane d’origine agricole en France. C’est un partenariat qui a du sens pour nous, nous avons un rôle important à  jouer. La méthanisation est avant une histoire de paysans et doit rester entre les mains des paysans. Les agriculteurs représentent près de 80 % des projets d’injection de biogaz dans notre pays. Notre partenariat avec GRDF, et plus récemment notre engagement au sein de France gaz renouvelables [association créée en juin 2018 et visant à promouvoir les gaz verts dans le mix énergétiques français, NDLR], illustre notre volonté de partager avec tous les acteurs de la filière nos retours d’expériences en termes de contraintes techniques, réglementaires et économiques, afin de faciliter les projets d’injection et de construire une filière biométhane durable.  

Les mesures annoncées en mars par le secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire Sébastien Lecornu vont–elles permettre de structurer la filière selon vous ? Qu’en est-il plus spécifiquement du fonds de méthanisation ?

Ce sont des annonces qui vont dans le bon sens même si à ce stade elles manquent encore de clarté pour pouvoir nous dire satisfaits. Pour ce qui est du fonds de méthanisation lui-même nous attendons encore de voir les modalités d’attribution, mais avec des unités coûtant en moyenne entre 1,7 et 2 millions d’euros, nous pourrions espérer au mieux construire avec cette enveloppe 250 unités, ce qui est bien mais très insuffisant pour répondre au plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA) qui prévoit en 2020 près de 1 000 méthaniseurs à la ferme.

La question de la valorisation du digestat et de sa possible transformation en produit a été abordée dans le GT méthanisation. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Nous ne sommes pas opposés à la labellisation en produit de certains digestats lorsque l’on est certains de sa provenance et de sa qualité. À nos yeux, le digestat, s’il veut être utilisé comme produit, doit répondre à un cahier des charges dédié et être soumis à un plan d’épandage 100 % agricole. Si les industriels ont un fort intérêt à transformer le digestat en produit, ils doivent être conscients que 95 % de la méthanisation proviendra demain directement du champ des agriculteurs et nous voulons en garder la maîtrise totale.