La France du gaz est réunifiée

Publié le 02/11/2018

8 min

Publié le 02/11/2018

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C’est désormais chose faite depuis le 1er novembre 2018 : la « trading region France » et son point d’échange gaz unique sont effectifs sur le marché hexagonal. Les inaugurations en octobre de Val de Saône et du Renforcement Gascogne-Midi (RGM) sont venues conclure un projet qui doit profondément modifier le marché de gros du gaz naturel en France. Explications.  Par Laura Icart Approuvée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) en 2014, la création de la « trading region France » (TRF) doit permettre de créer un prix unique du gaz sur le marché de gros en France, rendant ainsi caduc le spread actuel entre les zones nord et sud et permettant de fait à tous les consommateurs de gaz de bénéficier d’un même prix. Un prix unique pour tous les consommateurs Dans la création d’une zone de marché unique, la TRF est l’issue d’un processus de fusion progressive qui a démarré en 2003 alors que le réseau de transport français comptait sept zones de marché. En 2005, notre pays est passé à cinq zones, puis à trois (2009) pour finalement arriver à deux zones en 2015 : le point d’échange gaz (PEG) nord et la « trading region south » (TRS). Avec cette ultime fusion, la CRE espère bien rééquilibrer le déficit de capacité de la liaison nord-sud qui ne permet pas de couvrir l’ensemble des besoins de la zone sud. Le nord bénéficie d’un solide approvisionnement avec les réseaux norvégiens, belges et allemands, alors que le sud-est est en partie tributaire du GNL qui arrive à Fos-sur-Mer et dont les prix ont été bien moins attractifs ces dernières années que le gaz gazeux. De fait, des écarts de prix se sont creusés entre les consommateurs du nord et ceux du sud. Pour arriver à ce résultat, ce « big bang » comme le qualifie volontiers Jean-Laurent Lastelle, commissaire à la CRE, les deux plus gros transporteurs français de gaz que sont GRTgaz et Teréga ont finalisé le mois dernier des ouvrages majeurs : Val de Saône ainsi que le Renforcement de Gascogne-Midi, permettant l’avènement d’une zone unique et d’un marché unifié, facilitant aussi l’accès aux sources de gaz les plus compétitives pour le consommateur et renforçant l’attractivité du marché du gaz. Des élus et des représentants de l’État qui n’ont pas hésité à saluer les deux gestionnaires de transport pour leur gestion en « parfaite concertation » avec les acteurs du territoire. Val de Saône Val de Saône marque l’aboutissement d’une décennie de grands projets d’infrastructures, soit plus de 6 milliards d’euros investis par GRTgaz. « Ce programme est une étape historique dans la sécurité d’approvisionnement pour la France et pour l’Europe de l’énergie. Il vient clore pour nous une décennie d’investissements » a déclaré, non sans une certaine fierté, Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz, lors de l’inauguration de Val de Saône le 12 octobre. C’est en septembre 2015 que GRTgaz a annoncé sa décision de réaliser les ouvrages de transport du programme Val de Saône. Une nouvelle infrastructure de gaz dont l’objectif était de permettre la construction d’un marché de gros unique du gaz en France mais aussi renforcer l’attractivité du marché du gaz tout en améliorant la fluidité du transit entre les marchés du nord et du sud de l’Europe. La mise en service des infrastructures du programme Val de Saône permettent désormais aux expéditeurs d’acheminer une capacité supplémentaire de 250 gigawattheures (GWh) par jour entre le nord et le sud (soit une puissance équivalente à dix tranches nucléaires), sécurisant de fait l’approvisionnement du sud de la France. Un grand bain d’histoire Durant près de vingt-quatre mois, les archéologues de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ont sillonné la Bourgogne à la recherche de vestiges enfouis sous le tracé du nouveau gazoduc. Trente-sept fouilles archéologiques réalisées sur vingt-six communes ont permis de retrouver une multitude d’objets, statues, bijoux, retraçant  plus de 10 000 ans d'histoire. Brèves de chantier Près de 700 millions d’euros ont été investis par GRTgaz dans ce gigantesque chantier qui a nécessité selon Rodolphe Lisbovar, directeur du projet, « 2,8 millions d’heures travaillées ». Cette nouvelle canalisation de transport de gaz naturel de 188 kilomètres, d’une puissance de 16 GW, entre Voisines (Haute-Marne) et Étrez (Ain), traverse trois régions : Grand-Est, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes. Pour ouvrir le réseau de transport, GRTgaz a créé une nouvelle station d’interconnexion, renforcé la station de compression existante sur le site d’Étrez (ajout d’un compresseur de 9 MW) et aménagé les stations d’interconnexion existantes de Voisines et de Palleau (Saône-et-Loire). Le projet aurait entraîné près 70 millions d'euros de retombées économiques pour le territoire. Des investissements également tournés vers l’avenir, celui des gaz verts, comme l’a évoqué Catharina Sikow-Magny, chef adjointe de l'unité marché intérieur réseaux et initiatives régionales à la Commission européenne. Elle a rappelé que demain ce réseau sera « capable d’accueillir des gaz renouvelables », qu’ils soient issus de la méthanisation, de la pyrogazéficiation ou de la méthanation. Renforcement Gascogne-Midi Validé par la CRE par délibération du 7 mai 2014 et par le conseil d’administration de Teréga le 10 octobre 2014, le Renforcement Gascogne-Midi (RGM) est un projet stratégique permettant l’augmentation des capacités de transit dans le cadre de la mise en place de la TRF. « RGM  permet de finaliser la création de la zone de marché unique en France. Cette zone sera opérationnelle pour les acteurs du marché le 1er novembre prochain. Le gaz, maillon essentiel de la transition énergétique en France et Europe, dispose ainsi de tous les atouts pour devenir un véritable accélérateur du modèle énergétique de demain » a déclaré Dominique Mockly, président directeur général de Teréga, lors de son inauguration à Toulouse le 23 octobre. Brèves de chantier Teréga lance, au début de l’été 2017, la construction d’une nouvelle canalisation de 61,8 km de long entre Lussagnet dans les Landes et Barran dans le Gers. L’entreprise a également renforcé la capacité de compression (7 MW) à la station de Barbaira, dans l’Aude, réalisé une grille d’interconnexion à Lussagnet et a créé ou modifié quatre postes de sectionnement (Sion, Castillon-Debats, Barran et Auch nord). Teréga est la première entreprise à s'implanter sur la zone d'activité des Deux-Ponts de Lanne-Soubiran. « Nous voulions que le projet permette aussi le développement de l'économie locale », précise le responsable du chantier RGM Mathieu Russac qui souligne la volonté de Teréga de faire profiter à tous les acteurs du territoire des retombées économiques d’un tel projet. Jusqu’à 350 personnes ont travaillé sur ce chantier qui a nécessité plus de 430 000 heures travaillées, pour un investissement total de près de 823 millions d’euros. La canalisation traverse 20 communes, 43 cours d’eaux, 2 zones « Natura 2000 », 4 zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique. « La phase dite de remise en état des sites traversés a commencé en juin et elle est pratiquement achevée » précise Mathieu Russac. La mise en gaz du gazoduc a eu lieu le 15 octobre.   L’ombre de d’Artagnan Inaugurée en 2017, la route européenne d'Artagnan est un ensemble de six itinéraires équestres qui parcourent les routes et les lieux jadis fréquentés par Charles Ogier de Batz-Castelmore, dit d’Artagnan. Elle relie Lupiac dans le Gers, village natal du mousquetaire rendu célèbre par Alexandre Dumas, à Maastricht, aux Pays-Bas. Lupiac fait partie des villes traversées par le nouveau gazoduc. C'est donc en toute logique que Teréga s'est impliqué financièrement dans ce projet proposé qui valorise le patrimoine local. Ces nouvelles infrastructures vont ainsi contribuer à faciliter l’accès aux sources de gaz les plus compétitives, notamment pour les fournisseurs de gaz et les consommateurs industriels, et à renforcer l’attractivité du marché de gros du gaz en France.

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