La France doit « sortir du déni » et se préparer à + 4 °C

Après 32 jours consécutifs sans véritable pluie, la France est "en état d'alerte" estime le 23 février le ministre de la Transition écologique qui envisage des restrictions d'eau dès le mois de mars. ©Shutterstock

Publié le 24/02/2023

5 min

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La France doit « sortir du déni » et se préparer à s’adapter à un réchauffement climatique qui puisse aller jusqu’à 4 °C sur son territoire estime le 24 février le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, sur Europe 1. Et il est vrai que le temps presse. 2022 a été une année « d’extrêmes climatiques » selon le service européen de surveillance du changement climatique Copernicus et la cinquième année la plus chaude  jamais enregistrée sur Terre. Atténuation, adaptation, financements sont de toutes les COP depuis quelques années mais face à la difficulté de mettre en place une stratégie globale qui imposerait un changement majeur de paradigme, le gouvernement français veut anticiper et se préparer à des scénarios « très loin » des ambitions fixées dans l’accord de Paris.

Par la rédaction avec AFP

 

« Tant mieux si on n’arrive pas à 4 °C mais ne pas s’y préparer c’est exposer nos concitoyens, nos agriculteurs, nos activités économiques à des risques, sans leur donner les moyens d’y faire face« , a déclaré Christophe Béchu le 24 février sur Europe 1. Le ministre de la transition écologique avait déjà eu un discours similaire fin janvier, lors d’une conférence intitulée « Adaptation au changement climatique dans les territoires : comment avancer ? » organisée par France Stratégie. « Il faut prendre en compte l’hypothèse que l’atténuation ne permette pas de rester en-dessous des 2 °C » avait insisté Christophe Béchu, estimant qu’il fallait préparer une «  vraie » politique d’adaptation, comprenez une politique de gestion des risques adaptée aux spécificités de notre pays, en termes d’agriculture notamment. « La réponse de la France au réchauffement climatique progresse mais reste insuffisante » estimait en juin la présidente du Haut conseil pour le climat, Corinne le Quéré, qui soulignait la nécessité d’accélérer à tous les niveaux, d’autant plus que le rehaussement de l’objectif européen de baisse des émissions impose un doublement du rythme annuel.

Se préparer à tous les scénarios

Le ministre a installé le 23 février le comité de pilotage ministériel, chargé de finaliser le troisième plan national d’adaptation au changement climatique, le PNACC3, alors que la France connaissait son 32e jour consécutif sans pluie. Ce plan doit être soumis à consultation publique au printemps avant d’être finalisé d’ici la fin de l’année 2023. La future stratégie française reposera sur deux scénarios de référence, dont l’un, pessimiste, se traduirait par un réchauffement de 4 °C par rapport à la fin du XIXe siècle, la hausse des températures y étant plus importante que la moyenne mondiale. « Il faut bien comprendre que se préparer à une France à + 4 °C n’a rien à voir » avec la situation actuelle du pays a souligné Christophe Béchu, citant des risques aggravés pour la montée des eaux, la perte d’enneigement, les sécheresses ou encore les canicules, durant lesquelles « on peut tangenter les 50 °C » en ville. « S’adapter à ça, c’est sortir du déni », a-t-il jugé. « Il faut qu’on investisse dans des matériaux qui nous permettent de résister à ces températures, ça veut dire penser l’organisation des services publics, les lois sur l’eau, la protection de la biodiversité, des sols, des règles sur les assurances… En avril nous présenterons ces différents éléments et nous les rendrons publics. »

« Ni la France ni l’Europe ne sont une île »

Le choix de bâtir un plan d’adaptation sur deux scénarios est la conclusion d’un rapport de l’Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD), dévoilé le 24 février, qui a comparé les stratégies de huit autres pays riches (Allemagne, Autriche, Canada, Espagne, Japon, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suisse). Tous, à l’exception de l’Allemagne, prennent en compte deux hypothèses de réchauffement sur la base des différents scénarios des experts climat de l’ONU (Giec), dont le pire scénario, celui prévu si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. En revanche, l’actuel plan d’adaptation français, établi en 2011 et révisé en 2018, n’envisage que les risques d’un réchauffement à + 2 °C. Alors que le pire scénario du Giec, considéré toutefois irréaliste par nombre de scientifiques, se traduirait pour la France par une hausse des températures de 3,9 °C à la fin du siècle, estimait Météo France en 2021. « Ni la France ni l’Europe ne sont une île, on ne vit pas sous cloche et d’autres pays dans le monde continuent à avoir des trajectoires qui ne correspondent pas à aux accords de Paris », commente l’entourage du ministre pour justifier d’intégrer désormais le scénario catastrophe. Une récente étude du CNRS et de Météo France a revu à la hausse les prévisions pour la France : même si le scénario intermédiaire du Giec, qui exige une réduction volontariste des émissions mondiales, se réalisait, le réchauffement y serait de + 3,9 °C d’ici la fin du siècle. Le dernier rapport du Giec a montré que la planète avait déjà gagné en moyenne près de 1,2 °C depuis l’ère pré-industrielle en raison des gaz à effet de serre générés par les activités humaines. Pour la France en particulier, cette hausse est déjà de quelque 1,7 °C.

Sans un renforcement des politiques actuelles, le monde se dirige selon le Giec vers un réchauffement de + 3,2 °C d’ici 2100, qui serait plus important encore en France.