La France comptabilise 6 % des brevets mondiaux liés à l’hydrogène

Publié le 18/01/2023

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L’Office européen des brevets (OEB) et  l’Agence internationale de l’énergie (AIE) ont publié le 8 janvier une étude commune sur les brevets déposés dans le monde sur les technologies de l’hydrogène. Et l’Europe se présente comme un leader mondial puisqu’elle a déposé 28 % des brevets mondiaux sur la dernière décennie. L’Allemagne et la France sont bien positionnées sur ce vecteur énergétique. En France, la recherche est particulièrement bien représentée et ce sont trois instituts publics de recherche français qui occupent le top trois mondial de dépôts de brevets dans le domaine de la recherche. Par Laura Icart   L’hydrogène sera un vecteur essentiel de la transition énergétique. Depuis deux ans, les stratégies se sont multipliées au quatre coins du monde pour accélérer et massifier la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone. Le président de l’OEB, António Campinos, comme le président de l’AIE, Fatih Birol, s’accordent à dire que celui-ci jouera un « rôle important dans la transition vers des énergies propres ». Au cœur de cette décarbonation de nos économies, l’innovation et la recherche sont déjà clés. Et en Europe, l'exploitation du potentiel de l'hydrogène vers des solutions à faibles émissions est déjà en marche. Le Vieux Continent apporte « une  contribution majeure à l’émergence de nouvelles technologies de l’hydrogène » selon l’OEB, avec plus d’un quart des brevets mondiaux déposés durant la dernière décennie. Le Japon (24 %) et les États-Unis (20 %) complètent ce podium. L'Europe leader mondial Comptabilisant 28 % de l’ensemble des familles internationales de brevets (FBI) au cours de la période 2011-2020 dans trois segments majeurs de la chaîne de valeur de l’hydrogène (la production, les applications finales et technologies de stockage, de distribution et de transformation), les pays de l’Union européenne sont les leaders mondiaux de la délivrance de brevets liés à l’hydrogène (dont 11 % en Allemagne et 6 % en France). Si au Japon et en Europe les demandes de brevets liés à l’hydrogène ont augmenté « avec des taux de croissance moyens de 6,2 % et 4,5 % respectivement entre 2011 et 2020 » indique l’étude, elle a décru aux États-Unis notamment à partir de 2015 et a connu une dynamique particulièrement importante en République de Corée (+12,2 %) et en Chine (15,2 %), même si le dépôt de brevets  reste « modeste » selon les auteurs de l’étude. Le Royaume-Uni, la Suisse et le Canada - qui vient d’ailleurs de signer un contrat de fourniture d’hydrogène à l’Allemagne via l’hydroélectricité - font également partie du top 10 mondial de dépôts de brevets. Les technologies de l’hydrogène, principalement « motivées par les enjeux climatiques, ont généré deux fois plus de FBI au cours de la période 2011-2020 que les technologies établies » indique l’étude. Les électrolyseurs représentent 80 % de FBI liées à la production d’hydrogène en 2020 Nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique, la décarbonation de l’économie  passe par une réduction drastique de nos gaz à effet de serre. Pour y arriver, les États parient presque tous sur l’hydrogène à différentes échelles et selon différentes configurations. Les brevets déposés sur toute la chaîne de valeur illustrent cette dynamique mondiale qui est principalement et historiquement portée par des entreprises du secteur de la chimie et de l’automobile, à la pointe sur les technologie d’électrolyse et de piles à combustible. Les technologies de production ont représenté le plus grand nombre de brevets au cours de la période 2011-2020 et ont principalement dominé l'innovation dans le domaine de l'électrolyse. C’est notamment le cas de l’Union européenne qui selon l’étude serait « en train de prendre l'avantage » en matière de capacité de fabrication d'électrolyseurs. Les 27 pays de l’UE et d’autres pays européens sont « actifs à la fois dans la délivrance de brevets et la fabrication, notamment dans les technologies CEOS (cellule d’électrolyse à oxyde solide) et apportent en outre une contribution significative en matière de technologies MEP (électrolyse à membrane électrolyte polymère) et alcalines ». Le Japon à la pointe Les activités relatives aux brevets visant à améliorer les technologies existantes pour le stockage de l’hydrogène et la production d’ammoniac et de méthanol ont « connu une croissance constante » entre 2001 et 2020 et encore une fois l’Union européenne est à la pointe (33 % des brevets déposés dans ce segment sont le fait des pays de l’UE) devant les États-Unis (23 %) et le Japon (22 %). Dernier domaine innovant pour les dépôts de brevets : les applications finales potentiel de l’hydrogène. Un segment surtout dominé par l’innovation dans le secteur automobile et par le Japon (28 %). Au pays de Toyota et de Honda, les innovations dans la mobilité hydrogène pleuvent mais encore une fois l’Union européenne n’est pas en reste avec 27 % des brevets déposés lors de la dernière décennie, loin devant les États-Unis (19 %) et la Corée du Sud (9 %). «  Le même élan n'est pas encore visible dans d'autres applications finales » telles que le transport longue distance, l'aviation, la production d'électricité et le chauffage note l’étude, même si elle relève une augmentation significative du nombre de brevets pour décarboniser la production d'acier. Dans ce segment des application finales, le Japon apparaît à la pointe, un fait « logique » pour Laurent Antoni, vice-président de France Hydrogène et expert hydrogène sénior au Centre d’énergie atomique (CEA), premier institut de recherche mondial au niveau des dépôts de brevets hydrogène. La stratégie japonaise, tournée quasi exclusivement sur les usages dans la mobilité terrestre, maritime mais aussi dans le bâtiment, a pour but « de développer la demande » nous précise-t-il, alors que le pays du Soleil-Levant n’aura pas les ressources nécessaires pour produire les quantités d’hydrogène proportionnelles à ses besoins. Cocorico pour la recherche française Les universités et les institutions publiques de recherche ont généré près 13 % de toutes les FBI liées à l’hydrogène entre 2011 et 2020. « Les dix premières institutions de recherche représentent à elles seules environ 3 % de toutes les FBI. » Et dans le segment de la recherche publique la France peut être fière, car le centre d’énergie atomique (CEA), l’Institut français du pétrole (IFP) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ont déposé le plus grand nombre de brevets au niveau mondial, principalement sur des méthodes de production d'hydrogène à faibles émissions comme l'électrolyse (près de 170 brevets). Le CEA a déposé plus de 700 brevets par an, dont plus 500 au niveau de la recherche technologique, tout domaine confondu. « Cette reconnaissance dans le secteur de l’hydrogène, c’est une belle récompense pour l’engagement de nos chercheurs qui non seulement innovent mais contribuent à l’industrialisation de nos solutions »  souligne Laurent Antoni, qui précise qu’en France « il y a une vraie culture du brevet ». Près de la moitié des technologies nécessaires à l’atteinte de nos objectifs climatiques n’existent pas encore soulignait Fatih Birol il y a quelques mois, et les instituts de recherche français l’ont bien compris, eux qui travaillent déjà depuis plusieurs décennies sur tout la chaîne de valeur de l’hydrogène avec un objectif : produire de l’hydrogène renouvelable et bas carbone à bas coût, entre 2 et 3 euros du mégawattheure (contre 10 aujourd’hui), principalement via les technologies de l’électrolyse. « Au CEA nous avons beaucoup travaillé sur l’électrolyse et avec Genvia, nous en voyons l’application concrète » explique Laurent Antoni. Issue d’un partenariat public-privé de haut vol combinant recherche française, industrie et territoire, Genvia a développé une technologie de rupture pour produire de l’hydrogène vert à bas coût, fruit de 15 années de recherche et développement par le CEA. Une expertise développée également du côté des piles à combustible, matérialisée notamment à travers la société Symbio ou la société grenobloise Inocel, fruit d'une collaboration entre le CEA et l'aventurier Mike Horn, qui devrait mettre sur le marché une pile à combustible de 300 kW en 2024. Culture du brevet mais surtout culture de la recherche, « une recherche aux moyens limités » note Laurent Antoni qui souligne néanmoins que le nouveau budget de 70 millions d’euros octroyé, même s’il aurait mérité d’être « plus conséquent » dans le cadre de la stratégie nationale hydrogène, va permettre de « réactiver des activités de fonds et de nouvelles innovations au service de l’industrie française ». Les États-Unis en déclin ? Si les États-Unis comptent 20 % de toutes les publications de FBI liées à l’hydrogène entre 2011 et 2020, ils sont la seule grande nation où le nombre de FBI a diminué au cours des 10 dernières années. Si certains y voient un déclin, notamment lors de la mandature de Donald Trump, « l’investissement au niveau de la recherche n’a pas diminué entre l’ère Obama et l’ère Trump » souligne Laurent Antoni, « avec une moyenne de 100 milliards d’euros par an ».  Ce sont en réalité les visions qui ont été « différentes » précise le chercheur. Barack Obama avait fait de l’hydrogène une priorité pour lutter contre le changement climatique, Donald s’intéressait davantage à faire de l’hydrogène un vecteur de compétitivité pour les industries américaines. Mais les États-Unis sont un grand pays de l’hydrogène positionné sur l’ensemble de la chaîne de valeur et avec l’Inflation Reduction Act adopté en août, ce sont non seulement des dizaines de milliards supplémentaires qui vont être injectés dans le secteur de l’hydrogène mais aussi un positionnement stratégique avec des subventions distribuées sur tous les vecteurs de production de l’hydrogène, qu’ils soient renouvelables, bas carbone ou même fossiles. « C’est une approche beaucoup plus pragmatique » souligne Laurent Antoni, basée sur l’empreinte carbone. « Peu importe l’énergie utilisée pour produire cette hydrogène » poursuit le vice-président de France Hydrogène qui espère que la réponse européenne à l’IRA « conditionnera également l’aide à l’empreinte carbone » et « pas uniquement à l’origine de l’énergie primaire utilisée pour produire cet hydrogène. » Crédit : Shutterstock.

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