La baisse du stockage de carbone par les forêts françaises devrait se poursuivre

"L’équilibre entre les composantes du bilan carbone requiert des choix de société et des arbitrages politiques à visée de long terme, probablement spécifiques selon les territoires, et qui pourraient amener à passer d’une logique visant une augmentation du puits à celle visant un pilotage par les stocks de carbone" indique une étude de l'IGN et de la FCBA sur le devenir de la forêt française en 2050. ©Shutterstock

Publié le 19/05/2024

5 min

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La forêt française pourra-t-elle encore à l’avenir jouer son rôle de régulateur du climat ? Rien n’est moins sûr, alerte une étude estimant que la baisse amorcée de son rôle crucial dans le stockage du carbone « devrait se poursuivre dans les prochaines décennies« .

Par la rédaction, avec AFP

 

L’étude réalisée par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et l’Institut technologique FCBA, avec le soutien du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire (Masa), du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires (MTECT) et de l’Ademe et publiée le 13 mai, vise à fournir « des éléments chiffrés en appui aux politiques publiques sur l’atténuation du changement climatique, mais aussi sur les ressources en bois disponibles ». Envisageant différents scénarios prenant en compte aussi bien les conséquences du changement climatique que le niveau de récolte du bois ou une éventuelle reforestation massive, cette étude montre que « dans la grande majorité des (…) scénarios, la séquestration du carbone en forêt continue de s’éroder sur la période de projection 2020-2050« .

La séquestration de carbone dans les forêts a diminué de moitié

L’amplitude du stockage dans la biomasse vivante varierait entre 40 millions de tonnes d’équivalent CO₂ par an dans un scénario optimiste et 3 MtCO₂e par an dans un scénario pessimiste. Depuis plusieurs années, le rôle de la forêt française dans le stockage du CO₂ et ainsi dans la limitation du réchauffement climatique tend progressivement à s’essouffler. Il a été divisé en moyenne par deux entre 2010 et 2019, passant à environ 30 millions de tonnes annuels, et continue à diminuer. Principale cause de cette baisse : la surexploitation et surtout les pressions croissantes du changement climatique, qui multiplie les risques d’incendies, d’infestations de nuisibles et de sécheresses. Dans la plupart des scénarios, la baisse du stockage ou puits de carbone en forêt amorcée il y a quelques années se poursuit sur les prochaines décennies, notamment dans les cas de hausse de la récolte et d’effets sévères du climat. À l’horizon 2050 (scénario médian), « les écosystèmes forestiers continuent de stocker davantage de carbone chaque année » note l’étude. Mais certaines années, « les écosystèmes forestiers (hors sols) pourraient même passer d’un puits de carbone à une source de de carbone », avertit l’étude destinée à orienter les politiques publiques en matière de gestion forestière.

Même si le bois mort pourrait également jouer un « rôle tampon » dans le stockage, celui-ci serait « peu durable« , les stocks actuels de bois mort en forêt étant actuellement d’environ 150 millions de tonnes de carbone contre plus de 1,3 milliard de tonnes de carbone dans la biomasse.

Des politiques publiques aux effets limitées

Malgré une diminution de sa contribution dans la plupart des trajectoires projetées, le secteur forêt-bois reste « un allié dans la lutte contre l’effet de serre ». À surface forestière égale, le puits forestier ne peut pas augmenter indéfiniment. La filière prolonge le stockage dans les produits et surtout assure l’usage d’une matière renouvelable permettant l’effet de substitution. Cependant, les effets des politiques déployées seront longs à produire des résultats, comme pour le plan gouvernemental qui consiste à planter un milliard d’arbres d’ici à 2032. Ses effets sur le stockage de carbone dans l’écosystème et sur l’augmentation de la qualité des bois produits ne seront « visibles qu’à long terme, au-delà de 2050, et sont conditionnés au bon ciblage des peuplements à renouveler ainsi qu’à la bonne réussite des plantations ». L’étude anticipe par ailleurs que, même dans un scénario optimiste, la production forestière pourrait baisser de 25 % d’ici à 2050, alors que la mortalité augmenterait de 77 % par rapport à aujourd’hui. L’IGN avait déjà alerté en octobre sur le fait que la mortalité de la forêt française avait augmenté de « près de 80 % en 10 ans« . Enfin, sur le plan de la satisfaction des besoins en bois, seule une augmentation de la récolte (de 10 Mm3 par an en 2050 et de 22 Mm3 par an en 2080) « permettrait de satisfaire globalement » la hausse de la demande, qui devrait être d’environ 16 % hors bois-énergie et 14 % avec bois-énergie entre 2019 et 2050, estime l’étude qui anticipe « des tensions sur le bois d’œuvre résineux« .

Si le secteur forêt-bois contribue à la lutte contre le changement climatique, il est également fragilisé par ses effets. L’adaptation devient un enjeu majeur et même la condition au stockage de carbone. L’adaptation doit concerner de façon conjointe l’amont, l’aval et la société rappellent les auteurs de l’étude.