Hydrogène : l’Europe affine son cadre réglementaire pour sécuriser les investissements industriels

Réglementation
09/07/2025
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Avec une méthodologie unifiée sur les émissions de gaz à effet de serre, Bruxelles veut accélérer la production et la compétitivité du secteur hydrogène. Ce 9 juillet, la Commission européenne a franchi une nouvelle étape dans sa stratégie hydrogène : l’adoption d’une méthodologie complète d’évaluation des émissions de gaz à effet de serre pour l’hydrogène et les carburants bas carbone. Ce nouvel acte délégué s’inscrit dans la directive sur le marché de l’hydrogène et du gaz et vient compléter les règles déjà en place pour l’hydrogène renouvelable.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

C’est une annonce qui était attendue depuis longtemps par la filière européenne de l’hydrogène : la sortie de l’acte délégué définissant l’hydrogène bas carbone. L’hydrogène est désormais considéré comme bas carbone s’il permet une réduction d’au moins 70 % des émissions par rapport à l’hydrogène fossile, seuil aligné avec celui déjà fixé pour l’hydrogène renouvelable (RFNBO). « C’est un grand pas en avant pour le passage à l’échelle de la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone en Europe, et en particulier pour la filière française » se félicite Philippe Boucly, président de France Hydrogène dans un communiqué.

Une reconnaissance de la diversité énergétique

« Les investisseurs ne viendront que si les règles sont claires, prévisibles et robustes » soulignait récemment un acteur du secteur alors que plusieurs pays européens ont revu à la baisse leurs objectifs de production. C’est notamment le cas de la France dans sa stratégie révisée. La méthodologie proposée par Bruxelles repose sur une approche cycle de vie (ACV) intégrant toutes les émissions associées à la production, la transformation, le transport et l’utilisation de l’hydrogène ou de ses dérivés. Ainsi, pour être qualifiés de « bas carbone », les carburants devront afficher une réduction minimale de 70 % des émissions de GES par rapport aux combustibles fossiles traditionnels. Cela ouvre la voie à plusieurs technologies, notamment le reformage du gaz naturel avec captage, utilisation et stockage du carbone (CCUS) et l’électrolyse de l’eau alimentée par une électricité bas carbone (nucléaire ou renouvelable). L’approche se veut plus « souple et pragmatique », tenant compte de la diversité des mix énergétiques nationaux. Aucune part spécifique d’électricité renouvelable n’est imposée pour l’instant à l’hydrogène produit à partir d’électricité : ce point relève encore de la directive sur les énergies renouvelables, qui applique une moyenne annuelle. La Commission a toutefois annoncé une consultation publique en 2026 sur la production d’hydrogène à partir de nucléaire via des contrats d’achat d’électricité (PPA). « La Commission a opté pour une approche pragmatique qui acte clairement la complémentarité de l’hydrogène issu de l’électrolyse et des autres technologies bas carbone aux côtés des RFNBOs », souligne Philippe Boucly. Il insiste également sur l’enjeu industriel : « Les règles sont maintenant clairement établies et vont permettre en France de faire aboutir d’ici la fin d’année la première tranche du mécanisme de soutien à la production d’hydrogène par électrolyse, indispensable pour décarboner et maintenir, voire relocaliser, des industries stratégiques comme la chimie de base ou l’acier. »

Une industrie hydrogène à structurer

L’enjeu est considérable : selon Hydrogen Europe, la demande d’hydrogène en Europe pourrait atteindre 20 millions de tonnes d’ici 2030, contre environ 8 Mt aujourd’hui, dont 96 % produites à partir de gaz fossile. Pour atteindre ses objectifs climatiques à 2050, l’Union mise sur une montée en puissance rapide de la production d’hydrogène renouvelable et bas carbone, avec un potentiel de réduction de 230 millions de tonnes de CO₂ par an à terme dans les secteurs difficiles à électrifier (sidérurgie, chimie, aviation, transport maritime…). Néanmoins, les stratégies nationales et les retards pris, notamment en termes de décisions d’investissements – en décembre seulement « 2 % des projets étaient passés par la décision finale d’investissement » indiquait dans un rapport le cabinet EY -, rendent peu probable l’atteinte des objectifs de production de 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable et d’importations équivalentes de 10 millions de tonnes d’ici 2030 que s’était fixé l’UE dans  REPowerEU adoptée après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Appliqué aux producteurs européens comme aux importateurs, le texte est soumis à une période d’examen de deux mois par le Parlement européen et le Conseil, sans possibilité d’amendement. S’il est validé, il entrera en application à l’automne. D’ici là, France Hydrogène appelle à une équité de traitement dans les dispositifs de soutien : « L’hydrogène bas carbone, maintenant reconnu et défini, devra trouver sa place dans la prochaine enchère de la Banque européenne de l’hydrogène aux côtés de l’hydrogène renouvelable. Le traitement équitable doit se traduire dans tous les dispositifs existants et à venir. »

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