Gaz verts, mobilité, bâtiments : l’industrie gazière se positionne

Publié le 26/05/2020

15 min

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L’Association française du gaz (AFG), représentante de l’ensemble de la filière gazière française, a fait part le 25 mai de ses propositions pour renforcer la souveraineté industrielle de notre pays, participer à la revitalisation économique de nos territoires via notamment le potentiel des gaz verts et accompagner l’État dans l’atteinte de ses objectifs environnementaux.

Par Laura Icart

 

Dans son plan de relance, l’AFG évoque trois piliers de l’après-crise. Tout d’abord, une nécessaire forte souveraineté pour renforcer l’appareil industriel sur notre territoire national et profiter du potentiel d’innovations qu’offre l’industrie gazière française sur nos territoires. Les territoires, justement : un enjeu clé au cœur de la relance. À ce titre, la filière gazière, par le potentiel d’emplois qu’elle génère aujourd’hui, « environ 130 000 », ou dans les années à venir, « environ 20 000 supplémentaires » avec le développement des filières des gaz renouvelables (biométhane, pyrogazéfication, hydrogène, biopropane), avance des atouts non négligeables pour la revitalisation économique de nos régions. Enfin, troisième pilier et non des moindres :  l’écologie, le verdissement des réseaux gaziers et le développement du potentiel des gaz renouvelables. C’est l’un des principaux défis de l’industrie gazière française et européenne et constitue un axe majeur du plan de relance proposé par l’AFG, « avec des filières pleinement ancrées sur nos territoires qui favorisent leurs autonomies énergétiques » souligne Patrick Corbin, son président.

Encourager la production de gaz renouvelables sur nos territoires

Réduire notre dépendance énergétique, relocaliser l’activité et accélérer la bascule de la France vers un mode de développement bas carbone, c’est autant d’atouts portés et favorisés par l’essor des filières des gaz renouvelables, et en premier lieu celle du biométhane.

Le biométhane, vitrine de la transition énergétique locale

Cette filière en pleine maturation possède, outre sa capacité à verdir le gaz, de nombreuses externalités positives, à commencer par la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Basée sur la valorisation énergétique de déchets et de co-produits organiques, elle « participe à la décarbonation de nombreux usages, aujourd’hui fortement carbonés ». Selon une étude réalisée par Quantis et Enea en 2017, la production et l’injection de 12 TWh de biométhane dans les réseaux gaziers à horizon 2023 représenterait à l’échelle française une réduction d’environ 2,2 millions de tonnes de CO2. Elle est également source d’emplois non délocalisables sur nos territoires puisqu’elle représentait en 2018 près de 4 100 emplois directs et indirects. Un vivier qui pourrait être multiplié jusqu’à 13 d’ici 2030. Enfin, cette filière d’excellence bénéficie d’un large savoir-faire technologique français qui contribue à notre souveraineté énergétique. « Plus de 60 % des unités de méthanisation sont désormais réalisées par des entreprises françaises » souligne l’AFG qui précise qu’« une bonne exploitation des gisements français de déchets permettrait de produire 40 % des besoins de gaz naturel du pays en 2050 » et de fait de limiter nos importations, améliorant au passage notre balance commerciale. Dans ce plan de relance, l’industrie gazière propose de réhausser de manière significative l’objectif de production de biométhane en concentrant les financements budgétaires prévus par la PPE sur les plus petites installations et de mettre en œuvre deux dispositifs extra budgétaires complémentaires pour les grandes installations « avec un mécanisme de soutien à la production sous la forme d’un contrat permettant un complément de rémunération mis à la charge des fournisseurs et l’octroi des garanties d’origine aux producteurs » précise Thierry Chapuis, délégué général de l’AFG, et pour les logements neufs en couplant construction de logements neufs et financement d’une production de biométhane renouvelable tel que proposé par le dispositif « MéthaNeuf » de GRDF. Autres propositions faites par l’AFG : supprimer le plafonnement des investissements, soutenir le maintien d’aides financières à la consommation de biométhane telles que l’exonération de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN), réviser le nouveau tarif d’achat biométhane pour limiter la baisse à 2 ou 3 % par an sans décrochage initial (par rapport au tarif actuel) mais aussi engager un plan ambitieux de liquéfaction du biométhane pour capturer le potentiel des sites éloignés des réseaux. Au total, ce sont neuf propositions dédiées à la filière du biométhane qui ont inscrites dans ce plan de relance.

Pyrogazéfication et hydrogène : l’avenir en avant, toute !

Autres filières d’excellence en devenir : la pyrogazéification et l’hydrogène. La pyrogazéification traite les déchets résiduels secs non fermentescibles souvent destinés à l’enfouissement ou l’incinération. Elle représente aussi une manne d’emplois porteuse sur nos territoires avec la création à horizon 2050 de près de 10 000 emplois, entraînant dans son sillage un réseau de jeunes entreprises innovantes et de PME qui viennent prêter main-forte aux grands acteurs du monde des déchets. Une filière à haut potentiel selon l’Ademe qui estime en 2050 la capacité de production de gaz renouvelable de la filière pyrogazéification « à hauteur de 100 à 128 TWh », soit environ un quart de la consommation nationale de gaz. L’AFG préconise de « réaliser une étude permettant aux autorités de définir une position sur l’intérêt de la pyrogazéification » et de lancer rapidement les premiers appels à projets de production de biogaz par pyrogazéification. L’association note que « les solutions de captage du CO2 doivent être davantage promues ». 

À l’horizon 2050, l’hydrogène renouvelable ou bas carbone « pourrait répondre à 20 % de la demande d’énergie finale et réduire l’équivalent d’un tiers les réductions supplémentaires de CO2 à réaliser pour atteindre les objectifs du plan climat »  indique l’AFG. Dans l’industrie comme dans la mobilité, la filière hydrogène a un rôle considérable à jouer ces prochaines années et pourrait devenir un des fleurons du savoir-faire technologique français avec des entreprises positionnées sur toute la chaîne de valeur et des chercheurs parmi les plus reconnus au monde. L’industrie gazière propose de soutenir le développement de l’hydrogène renouvelable et bas carbone dont le coût est aujourd’hui nettement supérieur au coût de l’hydrogène d’origine fossile. L’AFG propose également de soutenir le développement de la filière encore émergente du biopropane et biobutane, qui a une expertise française grâce à Global Bioénergies, et représente une alternative durable pour les territoires non connectés au réseau gazier, sans oublier la filière butane et propane, qui représente 5 350 emplois non délocalisables en France sur environ 70 sites, et affirme « sa volonté et sa capacité à terme de distribuer 100 % de biopropane ».  

Accélérer la rénovation énergétique

Le secteur du bâtiment est clairement un enjeu fort du plan de relance proposé par l’AFG. À la clé : davantage de sobriété, en améliorant notamment la performance énergétique des logements, qui représentent environ 25 % des émissions de gaz à effet de serre et 45 % de la consommation d’énergie finale. On dénombre plus de 20 millions de logements à rénover d’ici 2050. L’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments et plus particulièrement des logements les plus énergivores (F et G) est une nécessité pour l’AFG afin de tenir les objectifs inscrits dans la PPE et l’ambition fixée dans la loi de transition écologique pour la croissante verte, à savoir la rénovation annuelle de 500 000 logements. L’initiative « Rénovons » évalue à 7,4 millions le nombre de logements « passoires thermiques » dans le parc résidentiel privé français, dont 2,6 millions occupés par des ménages modestes. « La substitution du fioul par le gaz permet de réduire de 25 % les émissions de CO2 et jusqu’à 80 % avec du biogaz, ainsi que les émissions de polluants » indique l’AFG dans son plan. La rénovation énergétique permettrait de réduire de nombreuses inégalités dans un pays qui compte selon l’ONPE près de 7 millions de précaires énergétiques. Si l’AFG note qu’ « un effort de rénovation énergétique des logements existants, soutenu par les aides publiques, est nécessaire, à grande échelle », elle souligne que « la mobilisation de ces aides par les ménages est difficile en raison de leur complexité ». Pour éradiquer les passoires thermiques, la filière gazière propose de créer un prêt à taux zéro de durée ajustable (sur 30 à 50 ans) « assurant à chaque ménage le financement des travaux de rénovation et l’équilibre en trésorerie par les gains générés ». « Le gaz est la deuxième énergie de réseau et stockable la plus consommée en France » indique l’AFG. Plus de 50 % de sa consommation est utilisée sous forme de chauffage, principalement dans le secteur résidentiel et tertiaire. Sur les 28 millions de logements existants, près de 13 millions sont chauffés au gaz contre 10 millions pour l’électricité. Dans le neuf, sur les 400 000 logements construits chaque année, le gaz occupe 45 % des parts de marché exprimées pour le chauffage.  

L’AFG demande au gouvernement de redonner aux réformes sur le bâti leur ambition initiale en révisant les hypothèses (énergie finale, coefficient de conversion en énergie primaire, émissions de CO2) et la méthode de calcul. L’industrie gazière estime que la voie très « électrique » choisie par les pouvoirs publics « favorisera le retour des équipements de chauffage électrique peu performants et aura un impact sur le pouvoir d’achat des Français ».

Vitalité économique et innovations technologiques

Le marché de la rénovation énergétique et celui de la performance énergétique sont également une manne économique pour les secteurs du BTP et de l’artisanat, particulièrement touchés par cette crise. L’AFG propose de favoriser une rénovation globale et performante, entre 20 à 25 % moins chère qu’une rénovation par étape, en axant « les efforts sur des travaux jugés très performants », valable sur toute la durée de vie du bâtiment. Chaque année, ce sont un peu plus de 1 million d’équipements de chauffage qui sont rénovés. Avec l’ambition d’éradiquer les 3 millions de chaudières au fioul d’ici 10 ans, le marché du chauffage au gaz a du potentiel. Le produit phare de la filière gaz est la chaudière à très haute performance énergétique (THPE), qui consomme en moyenne entre 25 et 30 % de moins que les précédentes chaudières. En 2018, 630 000 chaudières, essentiellement THPE, ont été installées, 130 000 dans le neuf et 500 000 dans l’existant. Des technologies innovantes et performantes font aussi leur entrée sur le marché, à l’image de la pompe à chaleur PAC Boostheat, fabriquée à Vénissieux (Rhône), aujourd’hui considérée comme la plus performante du marché. Objectif : une division par deux à trois de la consommation d’énergie, de la facture de chauffage et de la production de gaz à effet de serre. L’AFG propose de développer une filière française d’excellence des PAC (hybrides, électriques et biogaz) « en travaillant sur l’amélioration de la performance intrinsèque des machines et de leurs conditions de fonctionnement, sur la relocalisation de leur production ainsi que sur la qualité de leur mise en oeuvre et de leur maintenance ».

Lancer un plan de mobilité propre pour le secteur du transport

La mobilité, les mobilités sont au cœur du plan de relance, porteuses de multiples enjeux transversaux : climatiques, économiques, sociaux. Les défis à relever sont très importants dans un secteur fortement émetteur de CO2.  

Favoriser la transition du transport routier et fluvial

Dans le secteur du transport terrestre et fluvial, les solutions GNV-bioGNV et GPL-bioGPL constituent des alternatives particulièrement intéressantes qui permettent de réduire de 30 à 70 % des émissions d’oxydes d’azote (NOx), de 95 % des émissions de particules et jusqu’à 20 % les émissions de CO2. Un ratio qui s’élève à 80 % lorsqu’on roule avec du bioGNV et du bioGPL. Le marché du GNV, particulièrement axé sur le transport lourd de marchandises et de personnes, est particulièrement dynamique en Europe mais aussi en France où cinq à six stations d’avitaillement ouvrent chaque mois et où le nombre de nouvelles immatriculations est en constante augmentation avec plus de 20 000 véhicules. Une filière qui, combinée avec l’essor de la méthanisation sur notre territoire, distribue de plus en plus de bioGNV (17 % en 2019), favorisant une économie circulaire et pouvant être une source d’emplois non négligeable, avec des infrastructures et une industrie dédiée. Le GPL quant à lui, principalement axé sur le marché du véhicule léger, est le premier carburant alternatif au monde avec près de 25 millions d’utilisateurs.

L’AFG estime que ces technologies disponibles et matures doivent « être davantage soutenues » par le gouvernement, offrant une vraie alternative économique et écologique aux Français. De plus, elles permettent, selon elle , de conserver en France la production d’un moteur thermique devenu plus vertueux et de développer l’emploi au niveau local par l’équipement des véhicules en circulation au gaz. Pour favoriser l’essor de la mobilité gaz, l’AFG a fait neuf propositions, comme celle de remplacer le suramortissement actuel par un crédit d’impôt de 20 % pour l’achat ou la location d’un véhicule GNV de plus de 2,6 t, ou de moins de 2,6 t pour les TPE et artisans, mais aussi pour la création de stations d’avitaillement privées. Suite à une étude de l’Ifpen, l’AFG milite pour qu’une méthode « analyse en cycle de vie » des véhicules soit généralisée en France pour définir les véhicules légers à faibles émissions de GES. Elle propose également d’accorder aux flottes de taxis les remboursements partiels de TICPE pour les carburants alternatifs.

Le GNL au service du transport maritime

Faire du GNL une opportunité écologique et économique pour le transport maritime français, pour nos ports et notre industrie,  c’est l’ambition affichée par l’AFG dans un secteur qui représente 90 % du trafic mondial de marchandises et dont la quasi-totalité des navires marchands transocéaniques utilise encore aujourd’hui du fioul lourd. Une équation un peu différente pour les flottes de cabotage et de transport de passagers dont l’usage du carburant varie entre du fioul lourd ou du gazole marin (MGO). Aujourd’hui, le GNL et dans une moindre mesure le GPL sont des solutions de substitution de plus en plus choisies par les armateurs. En supprimant les émissions de soufre et les émissions de particules, en réduisant de près de 90 % les émissions d’oxydes d’azote (NOx) et de 25 % les émissions de GES, les filières du GNL et du GPL semblent offrir une solution pertinente pour le secteur maritime. La France possède de réels atouts pour devenir un pays moteur dans la distribution du GNL avec ses acteurs industriels de premier plan, une façade maritime parmi les plus importantes au monde, ses 66 ports, ses quatre terminaux méthaniers et des armateurs engagés avec près de 8 % des commandes mondiales de navires GNL, dont une grande partie sera sous pavillon français, créant au passage de l’emploi. Pour accompagner le changement, l’AFG a émis cinq recommandations qui vont du développement des technologies au cadre réglementaire dans lequel elles sont appelées à évoluer en passant par des mesures financières d’aide à la conversion, comme « accélérer la création d’infrastructures de distribution intermodale du GNL dans tous les ports » ou « favoriser le choix de navires GNL et GPL dans tous les marchés publics impliquant l’usage de navires ». L’AFG appelle dès maintenant  « à encourager la production de biométhane liquide et de bioGPL » à destination du secteur maritime et à favoriser « à plus long terme l’émergence de moyens de production en grandes quantités de carburants à faible intensité carbone, comme l’hydrogène ». Pour l’électrification à quai des navires, l’association demande « une comparaison économique systématique de deux solutions : le raccordement fixe au réseau électrique et la production d’électricité à quai ou embarquée sur une barge, à partir de GNL ou de propane, de biométhane, de biopropane, voire d’hydrogène ».