Engie se prononce pour des solutions « hybrides » et des baisses de TVA sur le biogaz

En France, 592 unités de méthanisation injectant dans les réseaux gaziers pour une puissance installée de plus de 10 TWh/an. Depuis le début de l'année, plus de 4TWh ont été injectés soit l'alimentation en énergie de plus de 350 000 logements. ©Shutterstock

Publié le 26/07/2023

9 min

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La concertation lancée début juin par le gouvernement pour trouver des solutions de réduction des émissions de CO2 du bâtiment sera close à la fin de la semaine. Le groupe Engie souhaite accélérer le développement de chaudières hybrides – électricité et gaz – et une baisse de TVA sur la consommation de biogaz. Ce 25 juillet, l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir s’est montrée particulièrement critique sur l’objectif affiché par le gouvernement de remplacer d’ici quelques années des millions de chaudières à gaz, jugeant ce choix « potentiellement très coûteux pour les consommateurs » et son bilan environnemental « incertain« .

Par Laura Icart, avec AFP

 

Depuis les annonces gouvernementales le 22 mai et les premières cibles sectorielles annoncées pour décarboner le secteur du bâtiment, l’incertitude autour de l’avenir des chaudières dans le bâtiment est bien présente. Si le gouvernement a bien lancé le 5 juin une concertation publique pour décarboner le secteur du bâtiment et s’est toujours refusé à aborder explicitement le mot « interdiction », lui préférant une disparition « progressive » et un accompagnement dédié, dans les faits, le scénario gouvernemental qui table sur la suppression d’un quart des chaudières gaz en 2030 par rapport à aujourd’hui semble toujours à l’ordre du jour. Pour le groupe Engie, les objectifs de décarbonation fixés par le gouvernement, à savoir une baisse de 34 MtCO2 de ses émissions entre aujourd’hui et 2030 est atteignable en « s’appuyant sur des leviers légèrement différents de ceux du gouvernement ». L’énergéticien « promeut des solutions  hybrides » qui « allient gaz et électricité » en remplacement des chaudières à gaz en fin de vie, a déclaré à la presse la directrice générale adjointe des activités infrastructures du groupe gazier, Cécile Prévieu.

Un choix contesté 

L’installation de chaudières exclusivement au gaz dans les logements neufs est déjà  interdite depuis 2022 par la nouvelle réglementation sur la construction neuve  (RE2020) dans les maisons individuelles et qu’elle le sera en 2025 pour les logements collectifs. Pour le parc existant, l’objectif évoqué au début de la concertation par le gouvernement de remplacer dès 2026 toutes les chaudières à gaz en France par des pompes à chaleur électriques (soit près de 12 millions) a été jugé « irréaliste » par les artisans du bâtiment qui dénoncent depuis plusieurs semaines « un mauvais procès fait à la chaudière ». Un choix qui inquiète fortement les énergéticiens, les industriels, plus largement le monde du bâtiment mais aussi les bailleurs sociaux qui s’alarment des impacts sur le pouvoir d’achat des Français, sur le tissu industriel local et qui évoquent une décision « hâtive » alors même que dans certains cas « aucune solution alternative n’existe »« Ne nous trompons pas de combat : ce n’est pas l’appareil qu’il faut bannir mais le gaz qu’il faut verdir ! » soulignait Jean-Charles Colas-Roy, président de l’association Coénove. Pour le président de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), Jean-Christophe Repon, l’objectif évoqué par la Première ministre, à savoir 2026, est tout bonnement « intenable ». « La problématique ne vient pas de la chaudière en elle-même, mais c’est ce que l’on met dans les tuyaux qui pose problème. Il faut sortir des énergies fossiles le plus rapidement possible » soulignait-il en juin sur Sud-Radio.

Une concertation déjà jouée à l’avance ?

Pour l’UFC-Que Choisir, la concertation lancée sur le sujet et qui s’achève  à la fin du mois est un « simulacre« , elle qui n’hésite pas à utiliser le terme de « tartufferie » puisque à ses yeux « au mépris des réponses qui seront apportées, la Première ministre s’est déjà prononcée pour une fin de la commercialisation de nouvelles chaudières à gaz dès 2026« . En outre, la concertation se tient « sans fournir aucune évaluation complète de l’impact environnemental d’une telle mesure« . Le gestionnaire du réseau de haute tension RTE « ne publiera qu’en septembre, soit après la fin de la concertation, une étude visant à évaluer correctement les nouveaux besoins d’électricité’« , explique l’association. UFC-Que choisir alerte en outre sur le fait que les modes de chauffage alternatifs, comme les pompes à chaleur, peuvent induire un surcroît de production d’électricité. « Rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que le bilan  environnemental d’une réduction du parc de chaudières à gaz serait positif » in fine, dit-elle. En outre, dénonce encore l’association, « changer de mode de chauffage dans  des logements mal isolés est une aberration » et pourrait conduire « soit à une  insuffisance forte de chauffage, soit à une croissance trop forte de la pointe électrique en hiver » comme le relayait déjà en novembre 2022 l’association Négawatt dans son étude sur le rôle de la pompe à chaleur dans la stratégie de rénovation. Dernier point, qui grève les finances de nombreux ménages : interdire de commercialiser des chaudières à gaz ferait peser les coûts d’acheminement du gaz (30 % de la facture hors taxe actuellement) sur « un parc de plus en plus restreint d’abonnés », sachant que certains d’entre eux seraient dans l’impossibilité matérielle d’installer une pompe à chaleur, qui « ne peut pas être mise en place » sans espace extérieur, relève l’association.

Engie défend une stratégie en cinq piliers

Dans sa réponse à la consultation lancée par le gouvernement présentée à la presse ce matin, Engie défend sa stratégie pour atteindre 30 MtCO2 entre aujourd’hui et 2030 dans le secteur du bâtiment. Pour cela, le groupe français s’appuie sur plusieurs piliers communs avec le gouvernement : la sortie accélérée des chaudières au fioul, l’accélération de la rénovation énergétique des logements et la pérennisation des plans de sobriété. Pour tenir les objectifs, Engie recommande le remplacement des chaudières à gaz en fin de cycle par des PAC hybrides ou par des chaudières THPE lorsque l’installation d’une PAC n’est pas possible, l’instauration d’une fiscalité plus incitative et de davantage de tenir compte du potentiel des gaz verts.

Miser sur l’hybridation

La solution couplant une chaudière gaz à haute performance avec une pompe à  chaleur électrique à régulation intelligente, encouragée dans des pays gaziers voisins comme l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, selon Engie, permettrait de réduire de 40 % la consommation d’énergie et de 70 % les émissions de CO2 du secteur, affirme l’énergéticien. « L’eau chaude sanitaire viendrait de la pompe à chaleur ainsi qu’une partie  du chauffage lors des saisons intermédiaires et on basculerait vers le gaz  pour les appels de pointe l’hiver, ce qui permettrait de ne pas surcontraindre le système électrique français l’hiver, tout en évitant les importations  d’électricité carbonée », a fait valoir Mme Prévieu.

Une fiscalité plus avantageuse pour les équipements vertueux

Pour faire baisser les coûts pour le consommateur final, Engie demande des efforts financiers à l’État : d’abord « étendre la prime coup de pouce chauffage« , dispositif CEE aux installations des chaudières hybrides « en relève de chaudières », maintenir un taux de TVA  réduit pour l’installation de chaudières de très haute performance dans les logements non compatibles avec les chaudières hybrides et proposer un taux de TVA réduit sur la fourniture de biométhane dès lors qu’il représente plus de  50 % du gaz utilisé. Il préconise également d’étendre le crédit d’impôt « PAC électriques » aux PAC hybrides pour soutenir l’industrialisation de la filière.

Le potentiel des gaz renouvelables

Engie parie aussi sur un « fort développement des biométhanes » en  France. Aujourd’hui à 2 %, le volume de gaz vert consommé en France pourrait être porté à 20 % en 2030, selon elle, via quatre filières différentes : méthanisation, pyrogazéification, e-méthane et gazéification hydrothermale. « L’accélération des gaz renouvelables et leur allocation prioritaire dans les bâtiments pour couvrir 25 % des besoins en gaz de ce secteur en 2030 » est préconisé par l’énergéticien dans sa note, ce qui correspondrait à allouer environ 30 TWh de biométhane sur les 60 TWh que la filière s’estime en capacité de produire en 2030 au secteur du bâtiment. À ce stade cependant, les arbitrages du secrétariat général de la planification écologique publié lundi semble davantage annoncer une cible de 50 TWh de biométhane (cogénération comprise). Quoi qu’il en soit pour Engie, qui s’appuie sur plusieurs études dont celle de l’Ademe et d’Agrimer, le potentiel de développement des gaz renouvelables est bien réel et cette dynamique devrait encore s’amplifier avec la mise en œuvre notamment des certificats de production de biométhane dont le décret devrait être publié à la fin de l’été comme l’avait annoncé à Expobiogaz la ministre de la Transition énergétique.