L’électrification, une bataille (aussi) de simplification

La production d’électricité renouvelable s’élève à 142 TWh en 2023, soit 27 % de la production totale d’électricité. 93 % de cette production est issue des énergies renouvelables électriques selon le ministère de la Transition écologique ©Shutterstock.

Publié le 12/12/2024

6 min

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C'est "l'enfer d'investir en France" ont dit successivement les patrons de TotalEnergies et d'EDF, Patrick Pouyanné et Luc Rémont, le 10 décembre lors du colloque annuel de l’Union française de l’électricité. « Nous entrons dans l’ère de l’électricité » a de son côté souligné le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) Fatih Birol lors de cette journée où la question de la simplification et de la compétitivité de la France et de l'Europe a été prédominante, sur fond d’accélération des énergies renouvelables et de prix de l’électricité. Temps forts. Par Laura Icart   « Le grand enjeu pour nous est celui des usages de l'électricité » souligne d’emblée le nouveau président de l’Union française de l’électricité, Christian Buchel en ouverture de la 13e édition du colloque de l’Union française de l’électricité. « La conjoncture actuelle ne doit pas nous tétaniser et nous faire changer de cap, la France doit résolument s’engager sur la voie de l’électrification. » Un colloque où la question de la demande a été un véritable fil conducteur alors que la France dispose d’une offre en électricité abondante actuellement avec des records d’exportations cette année, environ 85 TWh estime le gestionnaire de transport d’électricité, RTE. La production bas carbone française (nucléaire et renouvelables) « compétitive » est « souvent appelée pour alimenter la consommation européenne » indique RTE.  Le monde « a soif d’électricité » « Nous entrons dans l’ère de l’électricité » estime le directeur de l’Agence internationale de l’énergie, Fatih Birol. La consommation d’électricité a augmenté deux fois plus vite que la demande globale d’énergie au cours de la dernière décennie, les deux tiers de l’augmentation mondiale de la demande d’électricité au cours des 10 dernières années provenant de la Chine. Pour l’AIE, en 2030, il y aura « presque 10 fois plus de voitures électriques sur nos routes », l’énergie solaire photovoltaïque « produira plus d’électricité que l’ensemble du système électrique américain actuellement », la part des énergies renouvelables dans le bouquet électrique mondial « approchera les 50 %, contre environ 30 % aujourd’hui » relevait début octobre l’AIE. « Dans les prochaines années, la demande en électricité va augmenter six fois plus que la demande en énergie » souligne Fatih Birol, portée par la climatisation - les besoins de refroidissement vont augmenter de manière exponentielle, notamment dans les économies émergentes -, portée aussi par le marché des voitures électriques et par les data centers. « Aujourd'hui, la moitié de l’électricité consommée en Europe provient des renouvelables, ce qui était inimaginable il y a quelques années » rappelle la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor. En 2023, le monde a dépassé les 30 % d’électricité d’origine renouvelable, indiquait il y a quelques mois le cabinet Ember. "L’électricité est disponible, utilisons-la ! » plaide de son côté le patron d’EDF, Luc Rémont. « Notre véritable enjeu est de donner envie de choisir l’électricité : il faut reconquérir les cœurs et les esprits. La stabilité réglementaire est le levier le plus efficace pour stimuler la demande, notamment auprès des particuliers. Désormais, les pouvoirs publics en ont pris conscience." La quête de l’agilité L’industrie européenne arrive « à un point de bascule » estime  Fatih Birol, évoquant un coût de l’énergie en Europe particulièrement élevé. « Les prix du gaz naturel sont cinq fois supérieurs en Europe qu’aux États-Unis et l’électricité est trois fois plus chère en Europe qu’en Chine » pointe le patron de l’AIE qui estime que l’Europe doit absolument soutenir la décarbonation de son appareil industriel et qu’elle manque « d’agilité ». « La décarbonation est une source de compétitivité pour notre industrie, ensemble, maintenons un prix compétitif pour nos entreprises"  souligne Catherine MacGregor. Le manque d’agilité et le besoin de simplification, les patrons de TotalEnergies et d’EDF l’ont clairement mis en avant dans leurs interventions, estimant que la France devait accélérer et simplifier les procédures administratives pour développer des énergies renouvelables ou pour raccorder des sites industriels au réseau électrique. "Il faut qu'on simplifie le processus, plaide Patrick Pouyanné, je suis désolé mais en France, j’ai 500 développeurs d’énergies renouvelables qui arrivent à faire péniblement 300 à 400 mégawatts (MW) par an quand aux États-Unis, j'ai construit 2 GW en un an. » Le patron de TotalEnergies dénonce « un excès de réglementation et un manque de volonté ».  Preuve en est, selon lui : la loi accélération des énergies renouvelables (Aper), « qui a considérablement ralenti le développement des projets ». Il évoque une capacité de photovoltaïque installée de « seulement 5 GW en France en 2030 » contre les 10 initialement prévus par la major énergétique française. « On a reconstruit Notre-Dame en cinq ans mais nous ne sommes pas capables de mettre en place des projets d’énergies renouvelables » a-t-il ajouté. « Ne saurait-on faire que des grands projets dans du nucléaire, des cathédrales, des Jeux olympiques ? » Un avis largement partagé par le président d’EDF, Luc Rémont, qui souligne que « ce n’est pas seulement l’enfer sur les renouvelables, c’est aussi l’enfer pour un industriel qui veut se raccorder, pour raccorder un data center au réseau électrique, ce sont des délais administratifs qui sont juste incommensurables avec ce qu'on vit ailleurs dans le monde. Le premier frein à la décarbonation aujourd'hui, ce sont les procédures". Selon les chiffres publiés en janvier par l’Observatoire des énergies renouvelables, la France est à la traîne par rapport à ses objectifs initiaux de déploiement de renouvelables électriques pour 2023, avec un rythme de déploiement de 4,5 GW annuel. Un rythme incompatible avec les 40 % de renouvelables en 2030 annoncés dans sa consommation électrique.

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