EDF : profit record et remontada du nucléaire

Légende : En 2024, la production électrique d’EDF a atteint 520 térawattheures (TWh), en hausse de 11%, avec 361,7 TWh de nucléaire et 55,5 TWh pour l'hydroélectricité. ©Shutterstock

Publié le 21/02/2025

7 min

Publié le 21/02/2025

Temps de lecture : 7 min 7 min

Le géant français de l’électricité EDF a réalisé un nouveau bénéfice record de 11,4 milliards d’euros en 2024, porté par une production nucléaire et hydraulique record. L’année 2025 s’annonce cruciale pour EDF sur le plan financier, avec sa dette qui dépasse toujours les 54 milliards d’euros, comme sur le plan industriel avec des défis de taille à relever. 

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Le géant électricien français EDF, revigoré par le redressement de sa production électrique, vient d’annoncer des bénéfices records pour 2024 et aborde l’année 2025 avec un agenda chargé sur le plan financier et industriel. Le groupe a engrangé 11,4 milliards d’euros de profits l’an dernier, dopé par la « forte hausse » de sa production nucléaire et hydraulique et malgré la décrue des prix de l’électricité. « Nous avons des performances opérationnelles et commerciales qu’on peut qualifier d’excellentes, qui permettent au groupe de réaliser des résultats financiers solides« , a indiqué le PDG du groupe Luc Rémont lors d’un appel aux journalistes. Revers de la médaille : l’électricien a aussi subi le « contexte de baisse des prix de marché » pour l’électricité : son chiffre d’affaires recule ainsi de 15,7 % à 118,7 milliards d’euros et son Ebitda, un indicateur mesurant la rentabilité de l’entreprise, de 8,5 %, selon son communiqué.  Ce dernier atteint tout de même 36,5 milliards d’euros, « soit le niveau le plus élevé jamais atteint après 2023« , a dit Xavier Girre, le directeur financier d’EDF.

Une production de plus de 520 TWh

« Avec plus de 94 % de production décarbonée, EDF a une intensité carbone parmi les plus faibles au monde de 30 g de CO₂ au kWh, en baisse de 19 % par rapport à 2023 » indique l’entreprise dans un communiqué. Le groupe a continué, comme en 2023, de redresser sa production nucléaire et hydraulique, tournant ainsi la page de l’annus horribilis 2022 marquée par des niveaux historiquement bas liés notamment à des problèmes de corrosion dans des centrales nucléaires et la sécheresse affectant des barrages. En 2024, la production électrique du groupe atteignait 520 térawattheures (TWh), en hausse de 11 %, avec 361,7 TWh de nucléaire et 55,5 TWh pour l’hydroélectricité. La hausse de 6,7 % de la production éolienne et solaire à 28,5 TWh est due notamment aux nouvelles capacités installées et le portefeuille de projets éoliens et solaires atteint 114 GW bruts dont près 250 MW issus d’un projet éolien en mer flottant en Méditerranée.

La « remontada » du nucléaire

Après une année 2024 « d’une très forte intensité », selon Luc Rémont, marquée entre autres par le démarrage du réacteur nucléaire EPR de Flamanville, EDF aborde 2025 avec un agenda très chargé, et toujours lesté d’une dette abyssale de 54,3 milliards d’euros, mais stable. Le réacteur qui a été connecté au réseau électrique fin décembre 2024 avec 12 ans de retard va poursuivre sa montée en puissance « jusqu’à atteindre 100 % l’été prochain« , a dit Luc Rémont. « Le 31 janvier 2025, l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection a donné son accord pour le passage à un niveau de puissance supérieur à 25 % » indique EDF. Le groupe se concentre aussi sur la poursuite de sa « remontada » nucléaire avec une fourchette de production située entre 350 et 370 TWh en 2025, mais aussi 2026 et 2027, estimation qui prend en compte la production de Flamanville et il a lancé son conceptual design d’un small modular reactor à eau pressurisée par Nuward, basé sur des technologies éprouvées, qui a bénéficié en 2023 d’importants soutiens financiers dans le cadre notamment de France 2030.    

Faire préférer l’électricité 

EDF cherche à conquérir de nouveaux clients, chez les particuliers pour de nouveaux usages (voitures électriques), dans les entreprises et chez les grands industriels pour décarboner leur énergie et bientôt dans les centres de données, très gourmands en électricité. « Nous avons l’électricité disponible, notre plus grand défi c’est de l’utiliser », a donc lancé comme un cri du coeur le PDG en conférence de presse. « Notre premier défi chez EDF, c’est bien d’accompagner les clients vers l’électricité, de les amener à préférer l’électricité« , plutôt que les énergies fossiles dont la France veut progressivement se passer, a-t-il expliqué. Et d’insister : « Il y a en Europe et dans l’ensemble du monde développé un premier défi qui est l’adoption de l’électricité. » Le projet d’entreprise d’EDF consiste à faire émerger 150 TWh de demande d’électricité supplémentaire d’ici 2035 en France pour préparer la sortie des énergies fossiles, dont 20 TWh, voire plus, pour les centres de données.

Les EPR, un chantier « en dessous de 100 milliards » selon Bercy

L’évaluation complète des coûts et du calendrier du programme de construction des six futurs réacteurs EPR2 d’EDF voulus par l’État dans le cadre de la relance du nucléaire, va prendre encore « plusieurs mois« , avait indiqué hier une source proche de l’électricien. Grand chantier de l’année : l’issue des négociations intenses entre EDF et son unique actionnaire, l’État, sur le coût total et le partage du financement du programme des six réacteurs nucléaires EPR2 voulu par le gouvernement. Le ministre chargé de l’énergie Marc Ferracci a indiqué que le coût serait « en-dessous de 100 milliards d’euros » pour ces six réacteurs, et que le schéma de financement serait connu « dans les prochaines semaines« . En parallèle, le groupe doit aussi mener ses deux projets d’EPR2 britanniques de Sizewell C, en développement, et de Hinkley Point C, en construction, qui fait l’objet de retards et de coûts supplémentaires. De l’autre côté de l’Atlantique, le groupe doit aussi manoeuvrer face aux vents contraires venus de l’administration américaine de Trump concernant l’éolien offshore.

Neuf lettres d’intention signées avec de grands industriels

EDF a signé neuf lettres d’intention qui pourraient amener d’importants contrats d’électricité de long terme avec des industriels très énergivores, dont une a déjà abouti à un « contrat ferme« , a indiqué vendredi le groupe électricien. Ces lettres d’intention représentent un volume de fourniture d’électricité de plus de 12 térawattheures (TWh) annuels pour des « partenariats de long terme » adossés au parc nucléaire d’EDF, intitulés « contrats d’allocation de production nucléaire (CAPN) », d’une durée de plus de 10 ans. Ces contrats, pour prise d’effet à partir de 2026, sont une innovation commerciale du groupe lancée fin 2023 : EDF propose aux industriels dits « électro-intensifs », c’est-à-dire gros consommateurs d’électricité, comme la sidérurgie, la verrerie ou la chimie, un tarif préférentiel en échange d’une prise de risque sur la production du parc nucléaire en exploitation. EDF a évalué le gisement pour ces contrats à 20 TWh par an, soit la moitié de la consommation annuelle des 150 entreprises les plus énergivores estimée à 40 TWh. « Nous continuons d’avoir des discussions détaillées, intenses avec un nombre important de ces industriels dont j’ai confiance dans le fait qu’à court terme, nous allons les finaliser« , a déclaré Luc Rémont lors de la présentation des résultats annuels. Mais depuis des mois, les industriels ont fait état de discussions difficiles avec EDF à qui ils reprochent des prix trop élevés pour assurer leur compétitivité. « Les régions qui nous concurrencent le plus sont les régions où l’électricité n’est pas chère« , avait notamment déclaré Guillaume de Goÿs, le PDG d’Aluminium Dunkerque, premier consommateur d’électricité du pays sur un seul site. Il citait par exemple le Moyen-Orient « qui produit de l’électricité en brûlant du gaz à des prix inférieurs à 20 dollars le mégawattheure  » ou la Norvège, dont « les prix de marché de l’électricité sont 20 à 30 euros inférieurs à ceux que nous avons en France« .

EDF a par ailleurs indiqué avoir signé 6 000 contrats de fournitures de moyen terme (environ 22 TWh pour 2028 et 12 TWh pour 2029) avec des entreprises principalement, et des collectivités. Le géant français a également précisé avoir passé une dépréciation de 900 millions d’euros sur sa coentreprise d’éolien en mer avec Shell aux États-Unis, Atlantic Shores, au vu de l’opposition du président américain à cette forme d’énergie renouvelable.