« Demain le besoin de la France en électricité va s’accroître et nous aurons besoin de davantage de flexibilité dans notre production d’énergie »

Publié le 07/12/2022

5 min

Publié le 07/12/2022

Temps de lecture : 5 min 5 min

Les députés ont débuté le 5 décembre l’examen en séance publique du projet de loi d’accélération des énergies  en séance publique. Nous avons demandé à Cécile Féedéricq, déléguée générale de France gaz renouvelables, de faire un point sur les attentes de la filière pour le développement du biogaz dans les territoires.

Propos recueillis par Laura Icart 

 

Quelles sont les attentes de la filière biogaz dans le cadre projet de loi de simplification et d’accélération des énergies renouvelables (AER) ?

Nous sommes satisfaits du travail réalisé par les sénateurs, qui a donné un vraie place à la filière biogaz dans le projet de loi mais aussi du travail des commissions du développement durable et des affaires économiques de l’Assemblée [le texte a été examiné du 22 au 27 novembre, NDLR] qui ont conforté l’intérêt d’accélérer la production de biogaz dans notre pays. C’est un signal positif envoyé par les parlementaires à notre filière, signe qu’à quelques mois de l’examen au Parlement de la programmation pluriannuelle de l’énergie, ils comprennent les enjeux et la place que peuvent avoir les gaz renouvelables dans notre mix énergétique. Plusieurs amendements que nous portions ont été adoptés, comme la mise en compatibilité du code de l’urbanisme et du code rural qui va permettre de réduire le nombre de recours lorsqu’il s’agira de reconnaître le caractère agricole d’une installation. Nous souhaitions la suppression de l’autorisation de mélanger des boues d’épuration et des biodéchets et nous l’avons obtenue. Nous estimons que le risque est trop grand puisque nous parlons ici de retour au sol. Une disposition qui est de toute façon contraire à la réglementation européenne en vigueur. Une autre mesure, non retenue à ce stade, nous semble importante, c’est l’introduction dans la loi de la création d’un fonds de garantie pour les coûts échoués avec une contribution des porteurs de projets. Si elle ne concerne aujourd’hui que EnR électriques, nous souhaiterions que la méthanisation puisse en bénéficier et que ce fonds soit garanti par l’État. Enfin, comme notre filière a déjà dépassé les objectifs de l’actuelle PPE et que cette loi vise à accélérer les EnR, nous aimerions relever l’objectif réaliste fixé à notre filière à 20 % de gaz renouvelables dans notre consommation de gaz en 2030. [Cet amendement a été rejeté par le gouvernement le 5 décembre NDLR.]

La filière espère aussi de nouvelles mesures réglementaires, notamment pour massifier la production et faire face à la crise énergétique ?

Les mesures réglementaire annoncées par le gouvernement ces dernières semaines vont dans le bon sens [allongement du délai des trois ans pour la mise en service des installations en cas de circonstances exceptionnelles et l’indexation sur le tarif 2020 et 2021 sur l’inflation en modifiant le coefficient K, NDLR] ainsi que les nouveaux objectifs régionaux de déploiement des EnR donnés aux préfets. Mais pour massifier et rassurer les acteurs de la filière, nous avons besoin d’avoir de la visibilité sur le déploiement des certificats de production de biogaz (CPB) qui sera un outil important dans les années à venir, notamment pour les unités en cogénération dont une partie ne sera plus éligible au tarif dès 2025. Nous souhaitons également que l’indexation du tarif à l’inflation soit révisée plus régulièrement, au moins une fois par semestre et un gel de la dégressivité tarifaire afin de tenir compte de l’augmentation des coûts énergétiques et des matières premières. Nous aimerions également ouvrir la discussion sur la méthode de calcul de la pénalité sur le tarif d’achat (coefficient « Rai ») en cas de subvention apportée par l’Ademe et avoir des délais d’obtention de l’autorisation ICPE harmonisés et uniformisés entre les régions afin de mettre tous les porteurs de projets sur un pied d’équité.

Demain, davantage de besoins en flexibilité c’est aussi développer l’autoconsommation et la double valorisation ?

Demain, le besoin de la France en électricité va s’accroître et nous aurons besoin de davantage de flexibilité dans notre production d’énergie. Aujourd’hui, un méthaniseur producteur d’électricité ne peut pas vendre son électricité au-delà de son contrat et son autoconsommation est limitée à ses seuls auxiliaires de production [épuration, digesteur…, NDLR]. Les unités sont en réalité  bridées en termes de flexibilité alors que l’autoconsommation pourrait réduire l’appel sur le réseau électrique. Par exemple, un site de méthanisation ne peut pas consommer l’électricité qui serait produite par un moteur de cogénération s’il veut pouvoir la vendre, il devra installer une source photovoltaïque pour autoconsommer. Cette possibilité serait d’autant plus intéressante pour nos unités en cogénération en fin de contrat qui pourront basculer si elles le souhaitent vers l’injection en conservant le moteur en cogénération et en l’utilisant si besoin pour alimenter le réseau électrique. Le sujet de la double valorisation [biométhane-électricité ou encore électricité-bioGNV, NDLR] est particulièrement pertinent pour répondre à la flexibilité et diversifier les usages. C’est un chantier important pour les mois à venir.