De l’hydrogène vert décentralisé

Publié le 05/10/2020

5 min

Publié le 05/10/2020

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L’hydrogène a le vent en poupe en France et en Europe et ce n’est pas Lhyfe, jeune start-up nantaise créée en 2017 qui dira le contraire. En septembre dernier, elle a lancé en Vendée, un territoire pleinement mobilisé dans la production d’énergies vertes, le chantier de la première unité de production d’hydrogène vert à partir d’une source d’énergie renouvelable, marquant le coup d’envoi d’un projet industriel pionnier en Europe.

Par Laura Icart

 

Développer un modèle de production local d’hydrogène vert compétitif, c’est bien l’ambition qui a conduit Matthieu Guesné à créer Lhyfe il y a trois ans. À cette époque, « tout le monde parlait déjà de l’hydrogène pour la mobilité » confie-t-il, alors « qu’il n’existait pourtant aucune production d’hydrogène vert à une échelle locale ». Ce projet, le fondateur de Lhyfe l’a partagé dès 2017 avec Alain Leboeuf, conseiller départemental et président du Sydev, le syndicat de la distribution des énergies vendéennes, fervent partisan du développement de l’hydrogène.

Un territoire pionnier et engagé

Le Sydev dispose de la première société mixte (SEM dont il est l’actionnaire majoritaire) productrice d’EnR en France, soit 58 MW de puissance éolienne, 29 MWc de centrales solaires photovoltaïques , 2 unités de méthanisation et 4 stations de GNV. La politique volontariste pour le développement d’une énergie décarbonée et d’une mobilité plus vertueuse, menée tambour battant par Alain Leboeuf, a conduit dès les années 2000 la Vendée – « territoire complétement dépendant dans sa consommation énergétique » – a investir dans le vent, le soleil et la méthanisation, en somme dans tout ce que le territoire pouvait offrir en termes de ressources. Pour l’élu local et ancien député de Vendée à l’origine de la création du club des élus hydrogène, ce vecteur énergétique est incontestablement « l’énergie de l’avenir ». En 2016, le Sydev anticipe la fin de l’obligation des tarifs d’achats avec EDF énergies nouvelles prévue en 2018 et répond à un appel à projet de l’Ademe. « J’ai vu l’opportunité de nous lancer sur ce marché pionnier de la production d’hydrogène vert par électrolyse de l’eau » confie le président du syndicat. Sa rencontre avec Matthieu Guesné vient matérialiser ce potentiel autour d’un projet commun pour lequel le Sydev apportera les électrons du parc éolien de Bouin et Lhyfe son savoir-faire.

Créer un circuit court

Produire une énergie locale pour une consommation locale, c’est le pari vert de Lhyfe en Vendée et la philosophie de cette jeune pousse dont la particularité est de produire de l’hydrogène vert à partir du gisement énergétique disponible sur le territoire. En Vendée « ce sera donc le vent, à Bordeaux le soleil et la biomasse » nous confie Matthieu Guesné. Dans le sud de l’Allemagne, au pied des Alpes, ce sera l’hydraulique. « Notre chance c’est de pouvoir faire de la dentelle en investissant territoire par territoire », à l’inverse des grandes productions centralisées.

300 kilos quotidiens d’hydrogène à Bouin

L’unité de Bouin, un bâtiment industriel de 700 m² dédié à la production d’hydrogène vert et directement connecté aux éoliennes, produira à partir de juin 2021, 300 kilos par jour d’hydrogène à partir d’eau de mer, avec « une possibilité infinie » de monter rapidement en charge, souligne Matthieu Guesné. « Notre production sera vraiment significative, ce sera d’ailleurs une première à l’échelle industrielle. » Car la prouesse technologique de Lhyfe est bien de réaliser une production d’hydrogène conséquente à partir d’une énergie intermittente via un électrolyseur de grande taille. Si Lhyfe a investi 6 millions d’euros dans ce projet, c’est un écosystème à plus de 30 millions d’euros regroupant distributeurs et consommateurs qui verra le jour à Bouin, comprenant un centre de R&D consacré aux potentialités de production d’hydrogène offshore. L’usine de Bouin fournira en hydrogène les stations de Challans, de La Roche-sur-Yon et du Mans, principalement pour alimenter bus et bennes à ordures mais également l’état-major des pompiers de la Roche-sur-Yon.

Les transports, cible prioritaire

L’objectif pour le fondateur de Lhyfe est de déployer rapidement la douzaine d’unités (dont les deux tiers prévues en Allemagne) pour atteindre une production de 60 MW, soit quelques dizaines de tonnes d’hydrogène produites quotidiennement pour décarboner la mobilité, cible principale du projet : « Dans l’industrie, un kilo d’hydrogène va permettre d’économiser 10 kilos de CO2, dans la mobilité c’est 30 kilos de CO2 qui seront économisés. » Et s’il faudra attendre une massification de l’offre en véhicules lourds « le potentiel de décarbonation est nettement plus important que celui de l’industrie » souligne Matthieu Guesné en pied de nez au choix gouvernemental d’axer les efforts sur la décarbonation de l’industrie, même s’il reconnaît que jamais la France et l’Europe ne se sont dotées d’autant de moyens pour devenir des championnes de l’hydrogène.