Climat : l’appel de 150 entreprises pour un objectif de – 90 % d’émissions en 2040

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Publié le 27/05/2025

5 min

Publié le 27/05/2025

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  • Une centaine de grandes entreprises et groupes d’investisseurs européens, parmi lesquels EDF, Ikea, Unilever ou Leroy Merlin, ont publié mardi une lettre ouverte adressée aux dirigeants européens pour les exhorter à adopter un objectif ambitieux de réduction de 90 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040, par rapport aux niveaux de 1990. Cet appel survient à un moment clé de la négociation des futures politiques climatiques européennes, alors que la Commission européenne prévoit déjà cet objectif dans ses propositions, mais que son adoption reste un sujet de vives discussions entre les 27 États membres de l’Union.

Par la rédaction, avec AFP

 

Les signataires, qui représentent une coalition d’entreprises engagées dans la transition énergétique, ne se contentent pas de soutenir cet objectif mais insistent sur le fait qu’il ne doit pas être vu comme un plafond, mais comme une ambition minimale. Pour eux, l’Europe doit prendre l’avant-garde dans la lutte contre le réchauffement climatique, non seulement pour respecter les engagements pris lors de la COP28 à Dubaï fin 2023, mais aussi pour stimuler l’innovation et la compétitivité des entreprises européennes à l’échelle mondiale. « Un objectif robuste, soutenu par un ensemble de politiques publiques intelligentes et cohérentes, peut non seulement décarboner nos économies, mais aussi offrir des opportunités concrètes pour les entreprises de tous les secteurs« , affirment-ils. Et cette dynamique n’est pas seulement environnementale : elle est économique et sociale, soulignent les entreprises qui estiment que la transition verte pourrait améliorer la résilience de l’UE, sa sécurité énergétique et sa compétitivité sur la scène internationale.

Le calendrier de la discorde

Cet appel à l’ambition intervient alors que la Commission européenne, sous la houlette du commissaire Wopke Hoekstra, peine encore à détailler un projet concret de politique climatique pour 2040. Initialement prévu avant l’été 2025, ce projet pourrait être reporté à la rentrée. Derrière cette incertitude, se cache un désaccord politique majeur entre les États membres sur la manière de parvenir à une telle réduction d’émissions. Certains pays, comme la Pologne ou la Hongrie, plus dépendants des énergies fossiles, y sont farouchement opposés, craignant un impact négatif sur leur industrie. D’autres, comme la France, la Suède ou les Pays-Bas, soutiennent au contraire une transition plus rapide, avec des objectifs de réduction plus ambitieux. La Commission européenne, qui avait déjà annoncé l’objectif d’une neutralité carbone d’ici 2050 dans le cadre du Green Deal européen, semble en proie à des tensions internes sur la nécessité de parvenir à un compromis viable, qui soit à la fois réaliste et suffisamment ambitieux pour répondre aux urgences climatiques.

Un impératif économique et financier

Les signataires de la lettre ouverte rappellent qu’au-delà de l’aspect écologique, la crise climatique est un risque économique et financier majeur. Le coût de l’inaction serait bien plus élevé, soulignent-ils, citant l’impact des événements climatiques extrêmes, des pénuries d’énergie ou de matières premières, et la volatilité des marchés mondiaux. « Le risque climatique est un risque économique, et il faut des politiques claires pour orienter les investissements vers des solutions durables« , indique Rebecca Marmot, directrice développement durable d’Unilever. L’instabilité des politiques actuelles nuit aux investissements à long terme, indispensables à la décarbonation rapide des secteurs clés. Pour soutenir cette transition, les entreprises insistent sur la nécessité de politiques publiques ambitieuses, mais aussi de cadres réglementaires clairs, pour guider les investissements nécessaires dans la transition énergétique. Le message est simple : la visibilité et la prévisibilité sont essentielles pour assurer le financement des projets et la transformation des industries.

Le défi de l’électrification

Mais l’objectif de décarbonation ne pourra être atteint sans une refonte de l’infrastructure énergétique européenne. Un des grands défis sera l’électrification de l’économie. Ce besoin de « visibilité » et de « signal clair », régulièrement cité par le monde économique, est aussi invoqué par Gwenaelle Avice Huet, directrice générale Europe de Schneider Electric. Car la marche est haute : « Pour atteindre la neutralité carbone, le taux d’électrification devra atteindre au moins 60 % d’ici 2050. Or, celui-ci stagne autour de 23 % en Europe« , a déclaré cette dirigeante du géant français des équipements électriques.

Le message est clair pour les signataires du courrier : sans une stratégie de décarbonation ambitieuse et cohérente, l’Europe risque non seulement de perdre son leadership climatique, mais aussi de compromettre ses objectifs économiques et sociaux. L’Europe, déjà fragilisée par la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, se trouve à un carrefour crucial. Le soutien des entreprises à l’objectif de réduction de 90 % des émissions d’ici 2040 est un appel à ne pas laisser passer cette chance historique de redéfinir l’économie européenne. Un changement profond est nécessaire pour adapter les politiques publiques à l’urgence climatique. Si l’Europe veut rester compétitive dans un monde de plus en plus décarboné, elle devra se donner les moyens de ses ambitions. Et l’heure est à l’action.