Climat : la Cour des comptes de l’UE appelle à taxer davantage les énergies fossiles

Publié le 01/02/2022

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Publié le 01/02/2022

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Les politiques fiscales des Européens, qui continuent de soutenir les énergies fossiles en les taxant moins et en les subventionnant davantage que les renouvelables, « ne cadrent pas avec leurs objectifs climatiques », estime lundi 31 janvier la Cour des comptes de l’UE. « Si les subventions aux énergies renouvelables ont presque quadruplé entre 2008 et 2019, passant à de 20 milliards d’euros à 78 milliards, celles en faveur des combustibles fossiles sont restées relativement stables, malgré l’engagement de la Commission européenne et de certains États membres de les supprimer progressivement », observent les responsables du rapport.

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui, avec AFP

 

Si l’UE entend réduire d’ici 2030 de 55 % ses émissions carbone par rapport à 1990, le charbon reste en moyenne moins taxé que le gaz naturel et les combustibles fossiles sont parfois « considérablement moins imposés que l’électricité », tandis que certains pays maintiennent les taxes sur les carburants « à un niveau proche des minima établis » par la réglementation européenne, regrette la Cour des comptes européenne qui, dans ce nouveau rapport, cherche à évaluer dans quelle mesure les taxes sur l’énergie, la tarification du carbone et les subventions à l’énergie sont en adéquation avec les objectifs climatiques de l’UE. « La taxation de l’énergie peut appuyer les efforts en faveur du climat, mais les niveaux d’imposition actuels ne tiennent pas compte du degré de pollution des différentes sources d’énergie » regrettent les experts.

Quinze pays financent davantage les combustibles fossiles que les EnR

Les subventions aux énergies renouvelables ont presque quadruplé entre 2008 et 2019, alors que celles pour les combustibles fossiles sont restées stables. Les subventions aux combustibles fossiles accordées par les États membres ont représenté entre 55 et 58 milliards d’euros par an entre 2008 et 2019, dont environ deux tiers en exonérations fiscales. Quinze États membres dont la Finlande, l’Irlande, la France et la Belgique consacrent davantage de dépenses aux subventions pour les combustibles fossiles qu’à celles pour les énergies renouvelables. A contrario, Allemagne, République tchèque, Espagne et Italie favorisent davantage les renouvelables que les fossiles. Ces subventions aux énergies fossiles (crédits ou réductions d’impôt, aides aux revenus, soutien des prix, transferts directs…) profitent aux fournisseurs d’énergie, aux industriels, au secteur des transports, aux agriculteurs et directement aux ménages. Mais cela peut « compromettre l’efficacité du marché carbone et freiner la transition énergétique », contribuer à affecter la santé publique en maintenant des émissions polluantes et « accroître les risques de continuer à financer des infrastructures polluantes ». Dans les États membres, deux tiers de ces subventions (35 milliards d’euros en 2018) ont pris la forme d’exonérations fiscales ou de réductions d’impôts et un tiers (8,5 milliards d’euros) comportait des tarifs et primes de rachat, des obligations relatives aux énergies renouvelables et des régimes de soutien des prix pour les producteurs d’électricité issue d’une combinaison de chaleur et d’électricité au moyen de combustibles fossiles.

Une fiscalité qui impacte le développement des EnR

Cette fiscalité « rend l’énergie propre et les technologies à faible consommation d’énergie relativement plus onéreuses », déplore la Cour. Les auteurs reconnaissent la sensibilité du sujet en pleine crise de l’énergie, qui voit flamber les cours du gaz et de l’électricité. « L’élimination progressive des subventions aux fossiles d’ici à 2025, engagement pris par la Commission et les États, s’annonce délicate sur les plans économique et social (…). Les répercussions de la taxation de l’énergie peuvent entraîner un rejet de ces taxes ». La Commission a constaté que les montants déboursés par les ménages pour l’énergie (y compris le chauffage et le transport) varient considérablement. Les ménages les plus pauvres (dans le décile le plus bas de la répartition des revenus) du Luxembourg, de Malte, de la Finlande et de la Suède consacrent moins de 5 % de leurs revenus à l’énergie. En République tchèque et en Slovaquie, ces ménages déboursent plus de 20 % de leurs revenus pour leurs besoins énergétiques. L’institution recommande « la réduction de taxes » sur d’autres dépenses des ménages et la mise en place de « mesures de redistribution » en leur faveur. Elle cite notamment l’exemple de la France et de la Cour des comptes française qui, dans un rapport publié en 2019, a recommandé de reprendre la trajectoire prévue d’une hausse de la fiscalité carbone, gelée depuis 2018 suite au mouvement des « gilets jaunes » et de l’accompagner d’autres mesures telles qu’une compensation en direction des ménages les plus affectés.

Développer une fiscalité plus incitative 

Si les subventions aux énergies renouvelables ont été multipliées par 3,9 entre 2008 et 2019, les experts de la Cour estiment que l’UE doit aller beaucoup plus loin pour déployer ses capacités d’énergie renouvelable et cela même si elle a réussi à dépasser ses objectifs de production fixés à 20 % pour 2020. Ils invitent les États à utiliser les subventions aux énergies renouvelables pour « favoriser la réalisation de leurs objectifs climatiques » en subventionnant des financements destinés « aux investissements initiaux nécessaires à l’utilisation d’énergies renouvelables, ou encore de garanties de prix, de tarifs de rachat et d’exonérations fiscales ». Des subventions qui peuvent aussi être utilisées pour encourager les améliorations de l’efficacité énergétique. Les subventions en faveur de l’efficacité énergétique ont plus que doublé depuis 2008, passant de 7 milliards en 2008 à 15 milliards d’euros en 2018. En 2018 d’ailleurs, environ « 9 % du total des subventions à l’énergie de l’UE ont été consacrés à l’efficacité énergétique et les ménages en étaient les principaux bénéficiaires » note la Cour, qui estime que les subventions sous la forme d’incitations fiscales et de mécanismes de financement contribuent « à hauteur d’environ 20 % au total des économies d’énergie » déclarées par les États membres.

Crédit : Shutterstock.