Chèque énergie : les associations s’inquiètent des « trous dans la raquette »

Les associations estiment près d’un million de personnes éligibles au chèque énergie n’avaient pas pu le percevoir en 2024 suite à la disparition du fichier sur la taxe d’habitation qui était le référentiel utilisé. ©Guillaume Marc

Publié le 06/06/2025

4 min

Publié le 06/06/2025

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La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) et le Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal) alertent sur un dispositif « désoptimisé », qui risque d’exclure une partie importante des ménages modestes. Censée simplifier l’attribution du chèque énergie, la réforme adoptée dans le cadre de la dernière loi de finances soulève de vives inquiétudes. 

Par la rédaction, avec AFP

 

La campagne 2025 du chèque énergie « va entraîner des trous dans la raquette importants« , ont alerté la FNCCR et le Cnafal, lors d’une conférence de presse. Selon eux, la réforme qui entrera pleinement en vigueur en 2025 pourrait réduire drastiquement le nombre des bénéficiares. En cause : un changement de critères d’éligibilité, une complexification administrative et un gel du barème qui ne tient pas compte de l’inflation énergétique.

20 % des ménages français

La précarité énergétique touche 12 % des Français. Depuis plusieurs années, environ 20 % des ménages sont éligibles au dispositif du chèque énergie mais le contexte économique difficile inquiète les associations qui luttent contre la précarité énergétique alors que la France a davantage froid qu’il y a 10 ans. Distribué depuis 2018, le chèque énergie permet d’aider des citoyens très modestes à payer leurs factures d’énergie et certains travaux de rénovation énergétique. Ce dispositif bénéficie, selon les années, à environ 5,7 millions de foyers, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Si les montants des chèques ont varié entre 48 et 277 euros en 2024, le montant moyen selon le ministère s’établit à 150 euros.

« Des trous dans la raquette »

La réforme proposée par le gouvernement pour « simplifier et sécuriser l’accès au chèque énergie », repose sur un basculement vers une logique fiscale plus étroite. Désormais, c’est la composition du foyer fiscal du titulaire du contrat d’énergie, et non celle du ménage, qui déterminera l’attribution du chèque. Cette nuance, en apparence technique, aura des effets très concrets. « De nombreux ménages ne seront pas repérés automatiquement« , a mis en garde Violaine Lanneau, secrétaire générale des services de la FNCCR. En 2024, la suppression du repérage automatique, liée à la disparition de la taxe d’habitation, avait déjà réduit le nombre de bénéficiaires. Selon les associations, près d’un million de personnes éligibles ne l’avaient pas perçu. Un guichet en ligne avait été ouvert tardivement, mais moins de 18 % des nouveaux ayants droit s’en sont saisis, selon la FNCCR. « Cette réforme passe à côté de la réalité des foyers français », déplore le vice-président de la fédération. « En prenant uniquement en compte le foyer fiscal du titulaire du contrat, on exclut de fait les ménages recomposés, les colocations ou les familles élargies. C’est une vision très administrative de la solidarité. » Autre problème pointé du doigt : un délai d’envoi allongé. Habituellement distribué entre mars et avril, le chèque ne sera envoyé qu’entre novembre 2025, soit huit mois après la période habituelle, et le guichet restera ouvert jusqu’en février 2026, un délai jugé « trop court » par les associations.

Un soutien qui s’érode face à l’envolée des prix

La colère des acteurs de terrain est également alimentée par l’immobilisme du barème du chèque, inchangé depuis 2019. Mais le barème est jugé obsolète : « Ce n’est pas de l’argent de poche, c’est une mesure de justice sociale », a martelé Éric Pérez, président du Syndicat de gestion des énergies de la région lyonnaise (Sigerly) et membre de la FNCCR. Pendant ce temps, le tarif réglementé de vente d’électricité (TRVE) a bondi de 40 %, un écart que les acteurs jugent « inacceptable » Dans une note conjointe, la FNCCR et le Cnafal demandent une revalorisation du chèque calée sur cette hausse du TRVE. Ils appellent également à une simplification de l’identification des bénéficiaires, notamment via un recours élargi aux fichiers de la direction générale des finances publiques, avec croisement des données pour éviter les ruptures de droits. « Ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les familles modestes, les retraités isolés, les jeunes précaires », s’indigne un acteur du secteur.

Dans ce contexte, la FNCCR et le Cnafal appellent à une révision du dispositif avant son entrée en vigueur complète, avec notamment un élargissement des critères d’éligibilité. Ils plaident pour une ouverture élargie du guichet de demande – au-delà de la période prévue entre septembre 2025 et février 2026 – et pour l’inscription dans le droit d’une date d’envoi fixe, en mars ou avril, alignée sur la fin de la trêve hivernale.