Biométhane : une « chance » à saisir

Publié le 16/06/2020

8 min

Publié le 16/06/2020

Temps de lecture : 8 min 8 min

Le potentiel de production du biogaz et du biométhane est « énorme » déclarait en mars l’Agence internationale de l’énergie (AIE). En Europe , il est vu par le consortium Gas for Climate comme une opportunité pour décarboner le secteur gazier et permettre à l’UE d’atteindre ses objectifs climatiques. En France, il poursuit sa croissance, très dynamique en la matière. Par Laura Icart   « Le biogaz et le biométhane peuvent jouer un rôle majeur dans un avenir énergétique durable, pourtant ils sont encore largement inexploités » déclarait Fatih Birol, directeur exécutif de l'AIE, lors de la présentation du rapport « Outlook for biogas and biomethane : Prospects for organic growth ». Si sa production se développe, elle reste minime par rapport au gisement disponible.  Un potentiel « énorme » Les arguments pour développer la production du biogaz et du biométhane se situent à « l'intersection de deux défis critiques de la vie moderne » selon l’AIE : faire face à la quantité croissante de déchets organiques produits par nos économies modernes et la nécessité impérieuse de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES). Selon l’AIE, biogaz et biométhane seraient déjà en mesure de couvrir environ 20 % de la demande mondiale de gaz si le gisement disponible (à l’exclusion des terres agricoles dédiées aux cultures vivrières) était « pleinement exploité ». Les chiffres sont éloquents : en 2018, la production mondiale de biogaz et de biométhane est évaluée à 35 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep), dont 3,5 Mtep pour le biométhane, or l’AIE estime que le potentiel de production avoisine les 730 Mtep par an, dont 570 Mtep par an pour le biogaz. + 40 % du volume de gisement mobilisable d’ici 2040 L’AIE considère que le biogaz et le biométhane incarnent cette logique d’économie circulaire qui offre de « nombreux services environnementaux » aux territoires et qu’à ce titre les gaz verts joueront « un rôle prépondérant dans un mix énergétique plus durable ».  Chaque partie du monde dispose d'un potentiel important pour produire du biogaz et ou du biométhane et « la disponibilité de volume de matières premières devrait croître rapidement au cours des deux prochaines décennies, de l’ordre de 40 % ». « Les plus grandes opportunités se trouvent dans la région Asie-Pacifique. » Le biogaz, « une chance » pour les pays en voie de développement pour lesquels il offre une source locale d'électricité et de chaleur pour les communautés rurales, mais aussi de cuisson propre pour les ménages fortement dépendants à la biomasse solide traditionnelle, comme c’est le cas notamment en Afrique. Le biométhane coche de nombreuses cases Le biométhane, qu’il soit produit par valorisation du biogaz ou par gazéification de la biomasse solide, est extrêmement « pertinent » dans le cadre de la transition énergétique indique l’AIE. Il permet aux pays de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques dans des secteurs fortement émetteurs comme l’industrie lourde et les transports et contribue également à décarboner le secteur gazier. L’agence estime que le développement du biométhane pourrait permettre d’« éviter l’émission d’environ 1 000 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2040 ». L’AIE a appelé les gouvernements à reconnaître les externalités positives associées à sa production et à favoriser des politiques publiques ambitieuses pour soutenir son essor.   Une voie de décarbonation du secteur gazier Le consortium Gas for Climate a publié en avril une nouvelle étude, « Gas Decarbonisation Pathway 2020-2050 », qui explicite les différentes voies de décarbonisation du secteur gazier pour aller vers un système climatiquement neutre et économiquement viable d’ici 2050. Une décarbonation qui passe par une plus grande place donnée au biométhane et à l’hydrogène dans les politiques climatiques et énergétiques européennes. Or les mesures réglementaires actuelles ne facilitent pas un accès au marché et ce malgré un gros potentiel de production. Le collectif émet une série de recommandations à destination de la Commission européenne. Parmi elles, l’adaptation du cadre réglementaire de l’UE pour rendre l’infrastructure gazière plus résiliente dans un système énergétique intégré « où la production à grande échelle de biométhane et d’hydrogène  transporté, stocké et distribué via les infrastructures gazières existantes » serait un vecteur important pour arriver à une baisse des émissions de 55 % d’ici 2030 « dans une combinaison intelligente avec de l’électricité renouvelable », tout comme le serait « le couplage des secteurs de l’électricité, du gaz et de la chaleur ». Stimuler la production de biométhane et d’hydrogène « est essentielle » selon les auteurs. Le Green Deal, note l’étude, « peut accélérer la transition en rendant obligatoire la fourniture de 10 % de gaz provenant de sources renouvelables d’ici 2030 », en permettant le commerce et le transport de biométhane et d’hydrogène à l’échelle transfrontalière et en renforçant le système communautaire d’échange de quotas d’émissions. En France, la filière affiche une dynamique exponentielle Le cabinet Sia Partners a publié en mai son 5e Observatoire du biométhane. Avec 47 unités de méthanisation raccordées en 2019, soit une hausse de 62 % par rapport à 2018, la filière française est considérée comme la plus dynamique d’Europe. Si les conséquences liées à la crise du coronavirus restent encore incertaines, la dynamique devrait se poursuivre en 2020, avec une ambition de 200 unités raccordées aux réseaux d’ici la fin de l’année. « La filière biométhane constitue une vraie réponse à la transition énergétique sur nos territoires et elle représente un vrai booster pour le monde agricole » confie à Gaz d’aujourd’hui Charlotte de Lorgeril, associée du cabinet Sia Partners et co-auteure de l’observatoire. Et fort est de constater que la croissance des unités de méthanisation injectant du biométhane dans les réseaux gaziers est exponentielle depuis cinq ans : 17 méthaniseurs en 2015 et près de 123 à la fin de l’année dernière. Une dynamique qui devrait se poursuivre en 2020 avec un parc qui affiche 149 unités de méthanisation au compteur, dont 26 mises en service au premier trimestre. 149 unités injectent du biométhane, principalement d’origine agricole Totalisant une capacité d’injection de plus 2,5 TWh par an, le parc de 149 unités est majoritairement composé d’installations agricoles, avec 98 sites représentant une capacité totale de 1 775 GWh par an de biométhane. « Le parc français rassemble majoritairement des unités agricoles de faible à moyenne capacité [capacité moyenne d’environ 17 GWh par an, NDLR] par rapport autres pays européens », note Sia Partners dans son étude. Une spécificité française qui est loin d’être une surprise puisque 90 % du gisement mobilisable se trouve dans le secteur agricole et que la filière agricole possède « un tarif d’achat avec des primes spécifiques avantageuses », souligne Sia. En 2019, sur une capacité installée de 2,2 TWh par an, les unités installées ont injecté 1,2 TWh. Le registre de capacité comptabilise aujourd’hui 1 134 projets, pour une capacité totale réservée de plus de 25 TWh par an. Là aussi une progression importante est à relever : le nombre de projets a quasi quadruplé en trois ans. La France sur le podium européen Si l’on comptabilise uniquement le nombre d’unités installées, la France était à la fin de l’année 2018 le 3e producteur européen de biométhane avec 76 sites en service, loin derrière l’Allemagne (216) et le Royaume-Uni (88). En revanche, elle se place au 6e rang en termes de capacité installée, ce qui s’explique par notre modèle de méthanisation, bien différent par exemple de nos voisins allemands qui comporte une majorité d’installations agricoles autonomes. Un modèle français qui assure selon Sia  « un complément de revenu stable sur 15 ans aux agriculteurs qui se lancent dans un projet de méthanisation », auquel il faut ajouter les nombreuses externalités positives générées sur nos territoires : création d’emplois locaux dans les unités de méthanisation (entre trois et quatre), amélioration des pratiques de gestion des déchets, réduction de près de 50 % des engrais chimiques grâce à la valorisation des digestats… « La fraction mobilisable à horizon 2030 du gisement potentiel brut méthanisable est estimée à 132 millions de tonnes pour 56 TWh par an » indique Sia Partners. Un potentiel technique essentiellement basé sur des ressources agricoles qui devraient permettre à la filière d’atteindre sereinement les objectifs nationaux fixés par la programmation pluriannuelle de l’énergie, à savoir entre 21 et 30 TWh de biométhane injectés dans les réseaux de gaz. Crédit : Shutterstock.

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