Biodiversité, climat, santé… : une succession de crises imbriquées

La production agricole dépendant de la pollinisation animale a augmenté de 300 % au cours des 50 dernières années, mais les cultures dépendant des pollinisateurs affichent une croissance et une stabilité des rendements inférieures à celles des cultures qui ne dépendent pas des pollinisateurs.©Shutterstock

Publié le 03/01/2025

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Près de 75 % de la surface terrestre est dégradée et un quart des espèces sont menacées d'extinction alertaient fin décembre les experts de la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES).  Ce déclin « sans précédent » à l’échelle planétaire inquiète les scientifiques qui estiment que le cloisonnement des politiques publiques empêchent une gestion efficiente des crises et réclament une gouvernance coordonnée des crises environnementales, sociales et économiques. Par Laura Icart   Les crises environnementales, sociales et économiques - telles que la perte de biodiversité, l'insécurité hydrique et alimentaire, les risques sanitaires et le changement climatique – « sont toutes interconnectées » rappelle la plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques IPBES. « Elles interagissent, se répercutent en cascade et s'aggravent mutuellement, de sorte que les efforts déployés séparément pour y remédier sont inefficaces et contre-productifs » rappelle l’organisme international chargé d’éclairer les politiques publiques. « L’heure n’est donc plus au constat, elle est résolument à l’action » souligne la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher qui souligne que « la lutte contre dérèglement climatique ne peut être dissociée de la lutte contre l’effondrement du vivant, et inversement ». Ne pas cloisonner les politiques publiques, c’est l’esprit de ce rapport mené par plus de 150 experts internationaux.« Nous devons faire en sorte que les décisions et les actions ne soient plus cloisonnées afin de mieux gérer, gouverner et améliorer l'impact des actions menées dans un élément du nexus sur d'autres éléments », a déclaré le professeur Paula Harrison (Royaume-Uni), coprésidente de l'évaluation avec le professeur Pamela McElwee (États-Unis). La biodiversité en déclin Se dirige-t-on tout droit vers une sixième extension d’espèces animales et végétales sur Terre ? C’est la crainte des scientifiques de l’IPBES qui pointent sans surprise l’activité humaine. L’Homme, un prédateur qui colonise l’espace et monopolise les ressources est responsable « en grande partie » du déclin continu de la nature, y compris du changement climatique, avec des répercussions sur la sécurité alimentaire et la santé des populations humaines, animales et végétales. Le déclin de la biodiversité par décennie pour tous les indicateurs évalués dans le rapport (une cinquantaine environ) au cours des 30 à 50 dernières années est évalué entre 2 et 6 %. La perte de biodiversité est due à différents facteurs directs - le changement d'affectation des terres et des mers, l'exploitation non durable, les espèces exotiques envahissantes et la pollution - mais aussi indirects : l'augmentation des déchets, la surconsommation et la croissance démographique… De plus, le rapport de l’IPBES note que près de 41 % de la population mondiale vit dans les zones les plus touchées par le déclin de la biodiversité et en subit toutes les répercussions, qu’il s’agisse de sécurité alimentaire, des impacts du changement climatique ou des crises sanitaires souvent liées à des pandémies d’origine animale. Entre 2000 et 2010, 9 % dans des zones qui ont connu des problèmes de santé très importants et 5 % dans des zones où les niveaux de malnutrition sont élevés. 50 % du PIB mondial « dépendant » de la nature 58 000 milliards de dollars : c'est la valeur en 2023 de l'activité économique annuelle mondiale générée dans les secteurs modérément à fortement dépendants de la nature, « c'est-à-dire plus de 50 % du PIB mondial » précise le rapport. « Mais le processus décisionnel actuel a donné la priorité aux rendements financiers à court terme tout en ignorant les coûts pour la nature, et n'a pas réussi à obliger les acteurs à rendre compte des pressions économiques négatives exercées sur le monde naturel ». L’IPBES estime que les coûts non comptabilisés des approches actuelles de l'activité économique reflétant les impacts sur la biodiversité, l'eau, la santé et le changement climatique, y compris la production alimentaire « peuvent aller jusqu’à 25 000 milliards de dollars par an [dans les secteurs des combustibles fossiles, de l'agriculture et de la pêche, NDLR] », a déclaré le professeur McElwee. L'existence de ces coûts non comptabilisés, parallèlement aux subventions publiques directes accordées aux activités économiques ayant un impact négatif sur la biodiversité, environ 1 700 milliards de dollars par an, « renforce les incitations financières privées à investir dans des activités économiques qui causent des dommages directs à la nature », environ 5 300 milliards de dollars chaque année, indique le rapport. Un investissement massif nécessaire « Un autre message clé du rapport est que les effets de plus en plus négatifs des crises mondiales qui s'entremêlent ont des impacts très inégaux, affectant de manière disproportionnée certaines personnes plus que d'autres », a déclaré le professeur Harrison. Par exemple, l'approche « priorité à l'alimentation » donne la priorité à la production alimentaire avec des effets positifs sur la santé nutritionnelle, résultant d'une intensification non durable de la production et d'une augmentation de la consommation par habitant. Cette approche a « des répercussions négatives » sur la biodiversité, l'eau et le changement climatique. « Le fait de se concentrer exclusivement sur le changement climatique peut avoir des conséquences négatives sur la biodiversité et l'alimentation, en raison de la concurrence pour les terres » estime les experts qui mettent également en avant la faiblesse de la réglementation environnementale dans le monde. L'exposition aux risques liés au changement climatique devrait doubler entre les niveaux de réchauffement de 5 °C et de 2 °C et doubler à nouveau entre un monde à 2 °C et à 3 °C, dans de multiples secteurs. Chaque année, il faudrait investir plus de 1 000 milliards de dollars pour répondre aux besoins mondiaux en ressources juste pour la biodiversité contre 200 milliards actuellement et près de 4 000 milliards de dollars pour tenir l’ensemble des 17 objectifs de développement durable définis par l’ONU.

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