Bâtir une économie intégrée et transfrontalière de l’hydrogène

Publié le 28/10/2021

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Publié le 28/10/2021

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Des industriels français, allemands et luxembourgeois, Creos Deutschland, Encevo, GazelEnergie, GRTgaz, H2V, Hydrogène de France, SHS – Stahl Holding-Saar GmbH et Steag GmbH ont annoncé le 26 octobre se réunir pour former un groupement européen d’intérêt économique (GEIE) baptisé « Grande Région Hydrogen ».

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui

 

Mettre en place un système intégré transfrontalier de l’hydrogène dans « la Grande Région », comprenez à l’est, en reliant des projets transversaux de décarbonisation de l’industrie et du transport, c’est l’ambition de la France, de l’Allemagne et du Luxembourg, sur le land de Sarre (Allemagne), en Lorraine dans la région Grand-Est (France) et le Grand-Duché de Luxembourg. Des territoires dynamiques où de nombreux projets sont annoncés sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène (production, transport et consommation) et qui pourrait bénéficier dans le cadre de ce GEIE de davantage de synergies. Un GEIE pour répondre en premier lieu au potentiel de développement issu de ces trois territoires, avec l’idée de mettre en adéquation offre et demande mais aussi de manière plus transversale à l’optimisation d’une économie européenne de l’hydrogène voulue par la Commission dans sa stratégie, permettant in fine une meilleure compétitivité de l’hydrogène renouvelable et bas carbone.

Ouvrir un nouveau chapitre industriel « post charbon »

La décarbonation du secteur industriel et de celui des transports revêt un caractère majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique et la baisse des émissions de gaz à effet de serre. Deux secteurs où l’hydrogène apparaît comme un vecteur énergétique de premier plan pour accompagner cette réduction, notamment pour réduire les émissions des process de l’industrie sidérurgique. Dans cette « Grande Région » au fort caractère industriel, les projets autour de l’hydrogène se multiplient. Six annoncés pour le moment dont trois (Hypower Moselle, H2VWN et MosaHYC) sont situés sur le territoire français. « L’écosystème devrait réduire les émissions de CO2 de plus de 980 000 tonnes par an d’ici 2030 » indique le communiqué commun. Rendre ces territoires plus attractifs en accompagnant une transformation « plus verte » de son outil industriel, c’est aussi à la clé un fort potentiel d’emplois ou de reconversions qui s’annonce. La « Grande Region Hydrogen », en permettant par exemple la mutation des plateformes pétrochimiques de Carling-Saint-Avold (Lorraine) et Völklingen (Sarre) en site de production d’hydrogène par électrolyseur, pourrait créer « plus de 140 nouveaux emplois directs et 230 emplois indirects « .

Jusqu’à 61 000 tonnes d’hydrogène produites annuellement

Les projets de la « Grande Région Hydrogen » pourraient permettre de produire jusqu’à 61 000 tonnes d’hydrogène par an et représenteraient selon le GEIE près de 600 millions d’euros d’investissements. Tous participeront à la décarbonation de l’industrie et alloueront une partie de l’hydrogène produit pour alimenter différents types de transport (camions, bus, trains, ports et aéroports…). C’est par exemple le cas du projet H2VWN porté par les françaises H2V et GazelEnergie qui souhaitent implanter une usine de production d’hydrogène renouvelable à grande échelle sur le site de la centrale Émile Huchet à Saint-Avold, dont l’unité de production d’électricité à partir de charbon sera arrêtée en 2022 par décision de l’État. L’usine, qui sera alimentée par de l’énergie renouvelable et fonctionnera par électrolyse, alimentera industriels et transporteurs français, allemands et luxembourgeois. L’hydrogène renouvelable produit sera utilisé à l’échelle locale et exporté par gazoduc. « La première unité de 100 MW sera mise en service en 2026 et la quatrième (et dernière) sera installée en 2030 » précise les deux énergéticiens. De l’autre côté de la frontière en Sarre, le projet H2SYNgas doit permettre via une technologie innovante aux entreprises Dillinger et Saarstahl, piliers de l’industrie sidérurgique sarroise, de réduire massivement leurs émissions de CO2 et d’envisager à long terme une production d’acier neutre en CO2. En 2020, Dillinger et Saarstahl ont déjà mis en service une installation de production d’acier basée sur l’hydrogène – le système dit d’injection de gaz de coke – dans les deux hauts fourneaux. La technologie développée dans le cadre de ce projet doit permettre d’utiliser les propres gaz des process de l’entreprise et, en outre, d’importantes quantités d’hydrogène pour le processus du haut fourneau. « Le gaz de synthèse généré à partir des gaz de procédé de l’entreprise sera enrichi en hydrogène. Ce gaz mixte riche en hydrogène sera ensuite utilisé comme agent réducteur pour la réduction du minerai de fer, remplaçant le coke dans le processus du haut fourneau et évitant ainsi les émissions de CO2 » précise les industriels allemands. Autre projet phare, le projet de réseau transfrontalier MosaHYc (Moselle Sarre HYdrogène Conversion), porté par GRTgaz, Creos et Encevo, qui permettra en 2026 de mettre en service 100 km de canalisations hydrogène, dont 80 reconverties permettant d’économiser « 895 000 tonnes de CO2 par an sur les trois pays ». Un projet qui participe d’ailleurs à la « dorsale hydrogène » qui pourrait atteindre 40 000 kilomètres à l’horizon 2040, alors qu’en 2050, la demande en hydrogène pourrait représenter près d’un quart de la demande énergétique de l’Union européenne.