À Belfort, l’industrie au cœur

FORVIA ( ex Faurecia) a démarré en juin les livraisons de réservoirs d’hydrogène depuis son site d’Allenjoie (Doubs). Objectif à terme : la production de 100 000 réservoirs par an. ©Forvia

Publié le 05/10/2023

8 min

Publié le 05/10/2023

Temps de lecture : 8 min 8 min

Labellisée « Territoire hydrogène » depuis 2016, la région Bourgogne-Franche-Comté et plus particulièrement le Nord-Franche-Comté misent sur le vecteur hydrogène et le développement d’un écosystème industriel dédié pour accompagner la transformation de cette terre marquée par l’industrie du textile et de la métallurgie vers le développement d’une technologie d’avenir à forte valeur ajoutée pour le territoire.

Par Laura Icart

 

Préparer l’industrie de demain, anticiper l’avenir, réenchanter le secteur industriel notamment pour la jeunesse, innover : pendant deux jours à Belfort s’est tenue la troisième édition du Forum Hydrogen Business for Climate. L’occasion pour ce territoire qui travaille depuis plus de 30 ans sur l’hydrogène via notamment ses structures de recherche académique de réaffirmer sa volonté de se positionner sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène, vecteur énergétique devenu incontournable aujourd’hui pour tenir les ambitions françaises en matière de transition énergétique.

Un terreau fertile pour l’hydrogène

Pour la présidente de la région Bourgogne Franche-Comté, Marie-Guite Dufay, son territoire est un véritable « terreau » pour l’hydrogène, bâti sur une recherche académique reconnue, notamment sur la pile à combustible et sur le stockage d’hydrogène, et sur une ADN industrielle qui attirent les entreprises du secteur. Ces derniers mois, plusieurs entreprises importantes comme Forvia (ex-Faurecia), McPhy ou encore Inocel ont choisi d’y implanter leur gigafactories, et de nombreuses start-ups viennent enrichir ce tissu innovant comme Inthy, Genhy, Sundyne ou encore Mincatec. La force du territoire, selon les acteurs croisés sur le forum, tient dans la synergie de start-ups et de PME prometteuses autour de grands groupes industriels français et internationaux comme Alstom, Forvia ou Engie. « Nous ne sommes pas sur des effets d’annonces, des effets d’aubaine, nous construisons les fondations d’un écosystème durable » précise la présidente de la Bourgogne-Franche-Comté, alors que l’hydrogène est aujourd’hui l’alpha et l’oméga de toutes les politiques publiques de décarbonation. « Je suis sur une stratégie d’anticipation de l’avenir. » Aujourd’hui, « les usages ne seront pas rentables mais c’est maintenant qu’il faut y aller » souligne Marie-Guite Dufay, reconnaissant que « la barre est très haute » alors que la France produit environ 13 MW par an (fin 2022) sur les 6,5 GW attendus en 2030.

Une dynamique territoriale forte

Devenir une place forte de l’hydrogène, c’est donc l’ambition de ce territoire qui a vécu au rythme de la désindustrialisation mais où 24 % de la population qui vit en Nord-Franche-Comté travaille toujours dans le secteur industriel contre 13 % en moyenne France et 17 % dans la région Bourgogne-Franche-Comté et qui voit aujourd’hui dans le vecteur hydrogène la possibilité de maintenir son ADN industrielle, de reconvertir son outil industriel et de former une nouvelle génération aux métiers de la transition énergétique. Et, depuis quelques mois, les annonces d’implantations d’usines, d’arrivées de start-ups ou encore la mise en service en juillet des premiers bus à hydrogène rendent ce territoire particulièrement attractif. Au premier semestre 2024, la gigafactory de McPhy destinée à la conception d’électrolyseurs de grande taille, avec une montée en charge progressive afin d’atteindre une capacité annuelle de production de 1 GW, sera mise en service. En juin dernier, l’entreprise Forvia a inauguré sa nouvelle usine à Allenjoie et livré ses premiers réservoirs d’hydrogène à ses clients. Parmi eux : Stellantis, Man ou encore Hyvia (co-entreprise Renault et Plug Power). Lauréat de plusieurs appels à projets dans le cadre de France relance, de France 2030, des appels à manifestation d’intérêt de l’Ademe ou encore l’octroi d’un financement de plus de 300 millions d’euros pour le Nord-Franche-Comté, dans le cadre du projet important d’intérêt européen commun (PIIEC) dédié à l’hydrogène, la région s’avère particulièrement attractive pour accueillir de nouvelles entreprises. Parmi elles, il y a Inocel, fondée par Mauro Ricci, fondateur d’Akka Technologies, et l’aventurier Mike Horn qui conçoit des piles à combustible de grande puissance (300 kW), une première mondiale et dont la gigafactory sera mise en service à Belfort en septembre 2024. « Beaucoup de régions se positionnent sur les usages, nous nous voulons  surtout développer une filière industrielle de l’hydrogène avec une fabrication locale » précise Marie-Guite Dufay.

Une recherche académique pointue

Depuis plus de 20 ans (les premiers travaux ont débuté en 1999), l’université de technologie de Belfort-Montbéliard (UTBM) et à l’université de Franche-Comté en lien avec Femto ST, l’institut de recherche du CNRS, travaillent sur l’hydrogène et plus spécifiquement sur la technologie de l’intégration des piles à combustible. Installée au Techn’hom à Belfort, le FC Lab est une structure unique en Europe combinant une recherche et une ingénierie de haut niveau sur l’hydrogène et plus spécifiquement sur les piles à combustible, le stockage solide d’hydrogène, et l’expertise de 150 chercheurs, enseignants et contractuels sous la tutelle de 10 établissements, dont le CNRS, l’université Franche-Comté ou encore l’Insa Lyon. Cette combinaison allie recherche et mise en application via une plateforme d’équipements et bancs d’essai dédiés au test des composants et systèmes hydrogène. Le FC Lab est un « vecteur d’accélération de la filière notamment pour ses applications industrielles » souligne Marie-Cécile Péra, directrice du FC Lab. Trois chaires reconnues au niveau européen ont également été créées, l’UTBM et l’UFC. Au programme : de la recherche, des démonstrateurs mais aussi des offres de formation alors que l’on connait déjà le besoin en recrutement tant sur des compétences spécifiques en ingénierie dédiée que sur des métiers existants mais déjà en tension comme les soudeurs ou les techniciens électromécaniques.  

La région candidate pour accueillir une école nationale de l’hydrogène

Le 14 septembre, France Hydrogène a présenté son étude « Def’Hy » qui faisait le point sur les besoins en recrutement dans les années à venir. Alors que la filière compte près de 5 800 emplois directs en 2022, elle pourrait embaucher près de 100 000 personnes d’ici 2030 avec une difficulté majeure que connaissent toutes les filières industrielles de France : la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. À Belfort, les offres d’emplois autour de l’écosystème hydrogène sont déjà nombreuses. En 2022, près de 2 000 offres directes ou indirectes ont été proposées, « en augmentation de 77 % » selon Raphaël Rodriguez, vice-président du Grand-Belfort. Un besoin en main-d’œuvre qualifiée qui va s’accroître alors que 1 500 emplois directs et indirects seront créés d’ici 2026 pour répondre aux seuls besoin des entreprises qui vont ouvrir leurs usines. Si de nombreuses formations du cycle secondaire et de l’enseignement supérieur sont déjà proposées, des diplômes spécifiques ont été créés. C’est notamment le cas du master spécialisé hydrogène énergie qui a effectué sa troisième rentrée à l’UTBM et qui promet une formation théorique et pratique au plus proche des besoins des acteurs de terrain. Autre parcours unique, celui d’un diplôme d’ingénieur spécifiquement dédié aux bâtiments intelligents et à l’efficacité énergétique créé il y a plus de 10 ans. Un sujet majeur pour la décarbonation du secteur du bâtiment. « Il faut redonner de l’attractivité aux métiers du bâtiment dans toutes ses composantes » indique à Gaz d’aujourd’hui Brigitte Vu, enseignante chercheur au département énergie de l’UTBM, responsable du master, dont les travaux sur les usages stationnaires de l’hydrogène dans le bâtiment sont reconnus jusqu’au plus haut sommet de l’État. « Ils sont essentiels pour accompagner les politiques publiques de décarbonation » souligne-t-elle. Former davantage pour répondre aux besoins locaux mais aussi nationaux, c’est notamment la volonté de la région qui a annoncé déposer sa candidature à un appel à manifestation d’intérêt de l’État pour créer une école nationale de l’hydrogène qui rassemblerait l’intégralité des formations autour des métiers de l’hydrogène, du CAP au doctorat. « Un beau projet » pour le député européen et élu du territoire de Belfort, Christophe Grudler, qui « viendrait concrétiser une offre académique et une appétence industrielle de haut niveau sur ce territoire ».