Climatisation : une demande mondiale qui va tripler d’ici 2050

Climat
12/11/2025
6 min
La croissance la plus rapide en matière de refroidissement est attendue en Afrique, où le marché sera multiplié par sept, et en Asie du Sud, où sa taille sera quadruplée selon un rapport du PNUE. ©Shutterstock

La demande mondiale en climatisation pourrait plus que tripler d’ici 2050, une perspective qui entraîne une augmentation dramatique des émissions de gaz à effet de serre et des coûts énergétiques, selon l’édition 2025 du rapport « Global Cooling Watch » publié le 11 novembre par le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) à l’occasion de la COP30 à Belém, au Brésil. Si les tendances actuelles se maintiennent, les émissions liées à la climatisation pourraient doubler d’ici 2050, atteignant 7,2 milliards de tonnes de CO₂ supplémentaires par an.

Par la rédaction, avec AFP

Selon l’étude, cette explosion de la demande en climatisation est alimentée par une combinaison de plusieurs facteurs : la croissance démographique, l’augmentation des revenus, la multiplication des épisodes de chaleur extrême et l’accès croissant des ménages à des équipements de refroidissement de plus en plus polluants, notamment dans les pays en développement.

Une demande et des émissions exponentielles

 En 2022, la climatisation représentait environ 2,5 milliards de tonnes de CO₂, soit environ 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. D’ici 2050, selon le Pnue, ce chiffre pourrait bondir de plus de 100 %, pour atteindre 7,2 milliards de tonnes de CO₂. Cette estimation repose sur un modèle économique où la population mondiale continuera de croître, particulièrement dans les zones chaudes et en développement, et où les revenus des ménages augmenteront, facilitant l’accès à des systèmes de climatisation. Cette projection ne tient même pas compte de l’extension des effets de la crise climatique, qui pourrait accélérer la demande. In fine, plus de 3 milliards de climatiseurs devraient être vendus d’ici 2050, selon les prévisions de la fondation ClimateWorks, une organisation de recherche sur le climat. L’essentiel de cette demande proviendra des pays du Sud, où la climatologie rend la vie quotidienne insoutenable sans climatiseur et où les populations accèdent progressivement à des systèmes de refroidissement à bas prix, mais aussi à faible efficacité énergétique et hautement polluants.

17 000 milliards de dollars d’ici 2050 potentiellement évitables ?

Le rapport met également en lumière les conséquences économiques de cette croissance fulgurante. Selon l’organisation, une transition vers des solutions de refroidissement plus écologiques et efficaces « permettrait d’éviter des coûts énergétiques d’environ 17 000 milliards de dollars d’ici 2050 », une somme colossale que les consommateurs, ainsi que les gouvernements et les entreprises, risquent de devoir supporter si aucune solution durable n’est mise en place. En effet, la demande accrue en climatisation entraînera une pression gigantesque sur les infrastructures énergétiques, avec des pics de consommation susceptibles de perturber les réseaux électriques et d’augmenter les risques de pannes dans de nombreuses régions du monde. Cette surcharge des réseaux est un problème déjà identifié, avec des coupures de courant fréquentes dans de nombreuses régions chaudes du monde, y compris en Europe et en Asie. Une étude de la Banque mondiale a récemment estimé que les coûts mondiaux des pannes de courant liées à des températures extrêmes pourraient atteindre 2 000 milliards de dollars d’ici 2030. L’augmentation de la demande en climatiseurs ne fait donc qu’aggraver cette situation, entraînant un cercle vicieux où la climatisation, loin de constituer une solution, devient elle-même un facteur de crise.

Des réseaux électriques sous pression ?

La demande d’air conditionné, en particulier, devient un facteur clé de pression sur les réseaux, notamment dans les économies émergentes et en développement qui devraient représenter la majeure partie de cette augmentation. D’ici 2035, l’augmentation de la demande liée à la climatisation pourrait ajouter 500 GW à la demande de pointe mondiale. « Le climat plus chaud et l’augmentation des revenus favorisent l’essor de la climatisation, qui devient un consommateur incontournable d’énergie« , observe l’Agence internationale de l’énergie dans son « World Energy Outlook 2025 » publié ce matin.

Généraliser  les technologies passives

Pour éviter ce scénario catastrophe, le Pnue appelle à une adoption généralisée de solutions passives et à faible consommation d’énergie. Ces solutions, qui vont des techniques de ventilation manuelle à la végétalisation des villes, en passant par une meilleure isolation thermique des bâtiments, représentent des alternatives viables et bien moins polluantes que la climatisation traditionnelle. Le rapport souligne que près de deux tiers des réductions d’émissions de la climatisation pourraient provenir de ces stratégies passives, ce qui montre à quel point elles sont essentielles pour limiter l’impact de la demande croissante en refroidissement. D’un point de vue économique, ces solutions passives sont également largement plus accessibles que la climatisation. En effet, leur coût d’implantation est relativement faible et leur entretien minimal. Par ailleurs, elles permettent de générer des économies considérables à long terme en réduisant la dépendance à l’énergie et en prévenant la surcharge des réseaux électriques.

Le rapport du Pnue appelle à une réforme profonde des politiques climatiques mondiales. Aujourd’hui, seulement 54 pays ont intégré des politiques complètes de gestion de la demande en climatisation, dont l’activation de codes de construction énergétiques plus stricts, l’instauration de normes minimales d’efficacité énergétique et la transition vers des réfrigérants moins polluants. Le Pnue insiste sur l’urgence d’inclure ces solutions passives dans la planification urbaine et les stratégies de développement national.

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