Climat : Paris veut inclure le gaz dans les investissements « verts » de l’UE

Publié le 02/11/2021

4 min

Publié le 02/11/2021

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La France soutient l’inclusion du gaz naturel dans la liste des investissements considérés comme « durables » élaborée par l’UE, au grand dam des ONG environnementales, selon un document obtenu par l’AFP. Mais Paris a assuré ce 2 novembre réclamer des « conditions strictes ».

Par la rédaction de Gaz d’aujourd’hui, avec AFP

 

La publication de cette taxonomie qui établit selon des critères précis une liste d’activités respectueuses de l’environnement afin de stimuler les investissements durables est tout sauf un long fleuve tranquille pour l’exécutif bruxellois. Et cela principalement parce que les États membres sont divisés sur la question du nucléaire et du gaz. Preuve en est : en mars, dans une version révisée publiée par Contexte, la Commission avait ouvert la porte à la réintégration du gaz dans des situations spécifiques, à savoir quand il se substitue à une énergie plus émettrice de gaz à effet de serre, comme le charbon. Cette classification, que Bruxelles doit finaliser d’ici la fin de l’année, ouvrira l’accès à la finance verte et donnera un avantage compétitif aux filières reconnues, enjeu crucial pour le coûteux renouvellement du parc nucléaire français, mais aussi pour les pays de l’Est qui misent sur les infrastructures gazières pour réduire leur dépendance au charbon.

Inclure gaz et nucléaire dans la taxonomie 

Selon une source européenne, ce document obtenu par l’AFP émanant de Paris est soutenu par au moins sept autres États (République tchèque, Croatie, Hongrie, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie). Il propose que la construction, l’exploitation et la prolongation des centrales nucléaires soient déclarées éligibles pour les financements dits « verts », tout comme le stockage de déchets radioactifs ou l’extraction d’uranium. Il soutient également l’inclusion des centrales électriques au gaz, sous un certain seuil d’émissions annuelles de gaz à effet de serre, mais avec des critères assouplis jusqu’en 2030. La potentielle intégration du gaz et du nucléaire (sous conditions) dans la taxonomie a fait son chemin à Bruxelles. Comme le soulignait récemment la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen : « L’Europe a besoin du nucléaire et du gaz comme sources d’énergie stables. » 

Paris cherche le compromis 

Interrogé par l’AFP, le gouvernement français ne confirme pas être à l’origine du document, mais se dit prêt à accepter l’inclusion du gaz avec « des conditions strictes » et rappelle que la Commission elle-même l’a qualifié d’indispensable énergie « de transition« . « Concrètement, ne pourraient être éligibles à la taxonomie que les centrales gaz les plus efficaces, à condition de ne fonctionner qu’en pointe, c’est-à-dire un nombre d’heures réduit dans l’année, en soutien aux énergies renouvelables intermittentes, et uniquement pendant une période de transition, pas au-delà de 2030« , a insisté mardi le ministère de la Transition énergétique. Dix États de l’UE emmenés par la France avaient publié mi-octobre une tribune soutenant le nucléaire. D’autres pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou le Luxembourg se disent opposés, mais Berlin a ouvert mi-octobre la voie à un compromis.

La taxonomie établie par la Commission pourra être rejetée par les eurodéputés ou une majorité d’États membres, ce qui peut encourager l’alliance de circonstance des pro-nucléaires et des défenseurs du gaz. « En pleine COP26, la France noue une alliance mortifère en faveur du gaz pour sauver le nucléaire », s’est indignée mardi l’ONG Réseau action climat, qui accuse Paris de « jouer le jeu des énergies fossiles » en « tournant définitivement le dos au climat ». « Si ce travail de sape aboutit, l’Europe se doterait d’une taxonomie + verte + en trompe-l’oeil », signant « l’arrêt de mort d’une pièce maîtresse de la finance durable dans l’UE », au risque de « détruire la réputation française en matière climatique », accuse pour sa part l’ONG Reclaim Finance.

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