Quatre points à retenir du conseil européen de l’énergie

Robert HABECK (Federal Minister for Economic Affairs and Climate Action, Germany), Rossen HRISTOV (Acting Minister for Energy, Bulgaria), Agnès PANNIER-RUNACHER (Minister for the Energy Transition, France), Anna MOSKWA (Minister for Climate and Environment, Poland), Rob JETTEN (Minister for Climate and Energy Policy, Netherlands), Kadri SIMSON (European Commissioner for Energy)

Publié le 20/12/2022

8 min

Publié le 20/12/2022

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Les ministres européens de l’Énergie se sont réunis une nouvelle fois le 19 décembre. Objectif : s’accorder sur plusieurs textes majeurs pour faire face à la crise énergétique et préparer les prochains hivers. L’accord trouvé après plusieurs semaines d’intenses négociations dans les couloirs bruxellois permet également l’adoption formelle de deux autres textes d’urgence destinés à amortir l’impact de la crise énergétique, celui sur les achats groupés de gaz et celui sur la montée en puissance des énergies renouvelables.

Par la rédaction, avec AFP

 

Après des négociations « difficiles » selon l’entourage de la ministre de la Transition énergétique française, Agnès Pannier-Runacher, l’accord trouvé le 19 décembre lors du conseil européen de l’énergie, va permettre « de préparer les défis énergétiques de l’hiver prochain ». Pour rappel, l’Agence internationale de l’énergie estime que l’UE recevra environ 60 milliards de m3 de gaz par gazoduc en 2022, contre 140 milliards de m3 en 2021. Selon la Commission européenne l’approvisionnement en provenance de Russie cet automne était inférieur de 80 % à celui de la même époque en 2021.

Le prix de gros du gaz plafonné à 180 euros le MWh à partir du 15 février

Les États membres de l’UE ont approuvé lundi un mécanisme permettant de plafonner les prix de gros du gaz dès qu’ils dépasseront 180 euros/MWh trois jours consécutifs. Ce mécanisme de plafonnement, adopté par les Vingt-Sept après plusieurs semaines d’âpres discussions, sera activé à « deux conditions » précise le cabinet de la ministre française : « dès lors que ce seuil est atteint pendant trois jours consécutifs »  et lorsqu’un « écart de 35 euros sur la même durée de trois jours entre les prix du TTF (indice de référence pour le prix du gaz en Europe) et le prix international moyen du gaz naturel liquéfié (GNL) » est observé. Concrètement, lorsque ces deux seuils sont atteints, le mécanisme s’enclenche et toutes les transactions présentant 35 euros d’écart du mégawatheure entre le prix du TTF et le prix moyen du GNL sont prohibées. La Commission européenne avait initialement proposé de plafonner les contrats mensuels sur le marché de référence TTF dès lors qu’ils dépassaient 275 euros/MWh pendant deux semaines consécutives, entre autres conditions – des facteurs jamais réunis, même au plus fort de la flambée des cours en août dernier. Après s’être déchirés autour de cette proposition, les États membres se sont finalement accordés sur un seuil très en-deçà, qui devra être atteint durant une période nettement réduite. Le contrat pour livraison dans un mois s’échangeait lundi sur le TTF autour de 110 euros/MWh. Plusieurs États (Espagne, Pologne, Grèce, Italie…) avaient réclamé un net assouplissement des conditions d’activation du mécanisme. Au contraire, rétifs à toute intervention, d’autres États (Allemagne, Pays-Bas, Autriche…) exigeaient des « garde-fous » drastiques pour éviter qu’un plafonnement menace les approvisionnements européens. Le risque étant que les fournisseurs de gaz naturel liquéfié (GNL) délaissent l’Europe au profit de clients asiatiques payant leur gaz à des prix plus attractifs. Plusieurs clauses de sauvegarde et de protection ont été mises en place : par exemple, en cas d’urgence sur l’approvisionnement décrétée par la Commission, celle-ci a le pouvoir de suspendre le mécanisme, tout comme s’il y a une baisse des volumes de transactions de gaz observée sur le TTF, une hausse de consommation ou encore une baisse des importations de GNL. Ce sont tous des motifs « valables » pour suspendre le mécanisme précise le cabinet. La France souhaitait notamment que la hausse de la prise en compte des appels de marges (montant financier avancé par les entreprises pour couvrir leurs transactions) puisse être considérée comme une clause suspensive du mécanisme, « une demande largement soutenue par les autres États » selon l’entourage de la ministre et une entrée en vigueur différée du mécanisme pour laisser le temps à une étude menée conjointement par l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) et l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (Acer) d’être réalisée. Elle sera publiée le 23 janvier. Le 1er février marque l’entrée en vigueur juridique du texte et le 15 février ce sera l’entrée officielle du mécanisme. La Commission proposera d’ici le 31 mars 2023, des modifications visant à exclure du règlement les plateformes autres que le TTF au cas où leur inclusion aurait des effets négatifs sur le fonctionnement du mécanisme. Au plus tard le 1er novembre 2023, la Commission procédera à un réexamen du règlement au vu de la situation générale de l’approvisionnement en gaz et, sur la base de ce rapport, elle pourra proposer de prolonger sa validité.

Objectif de 40 % de renouvelables non réhaussé

Les États de l’UE ont maintenu lundi à 40 % l’objectif de renouvelables dans leur mix énergétique d’ici 2030, malgré l’appel de la Commission européenne à le relever davantage, à la lumière de la guerre en Ukraine. Après avoir proposé dans son plan climat, mi-2021, de viser 40 % de renouvelables dans le bouquet énergétique de l’UE d’ici 2030 (contre une cible actuelle de 32 %), Bruxelles avait demandé en mai dernier de rehausser l’objectif à 45 % pour réduire plus rapidement la dépendance européenne aux importations d’hydrocarbures. 

Accélérer le déploiement des permis

« Accélérer le déploiement des renouvelables est le meilleur moyen de devenir indépendant des hydrocarbures russes et de contribuer aux objectifs climatiques », a jugé le ministre tchèque Jozef Sikela, dont le pays assure la présidence tournante de l’UE. Le compromis adopté par les États prévoit la création dans chaque pays de zones « d’accélération des énergies renouvelables » (go-to areas), territoires propices aux énergies vertes et présentant « des risques moindres » pour l’environnement. Dans ces zones, le délai maximal d’approbation de nouvelles installations d’énergies renouvelables serait ramené à un an (à deux ans s’il s’agit de projets offshore), sauf « circonstances extraordinaires », et les exigences d’études d’impact drastiquement limitées. Les États pourront toutefois y exclure les nouvelles centrales à biomasse et hydroélectriques. En-dehors de ces zones, les procédures d’autorisation d’installations renouvelables seraient aussi accélérées, ramenées à deux ans maximum (trois ans pour les projets offshore). Pour tous les équipements solaires, la procédure ne devrait pas dépasser trois mois. En revanche, alors que Bruxelles prévoyait « un accord tacite » en cas d’absence de réponse dans les délais impartis, les États ont plaidé pour n’appliquer ce principe qu’aux « étapes intermédiaires » du processus, en conservant la nécessité d’une « décision explicite » pour l’autorisation finale. Le Parlement européen avait, lui, adopté sa position mi-décembre, réclamant que le délai maximal d’approbation de nouvelles installations renouvelables soit réduit à neuf mois pour les zones « go-to » et à dix-huit mois en dehors. En attendant l’issue, courant 2023, des négociations entre États et eurodéputés, la Commission a proposé début novembre une mesure d’urgence, d’une durée d’un an, pour raccourcir dès à présent les délais d’autorisation pour l’installation de pompes à chaleur et de panneaux solaires sur bâtiments, à respectivement trois mois et un mois, sans évaluation d’impact environnemental. Les ministres ont donné leur feu vert lundi à cette mesure temporaire, ce qui suffit à la faire entrer en vigueur. Les États membres ont également convenu, afin de faciliter l’intégration des énergies renouvelables dans les réseaux de distribution et de transport, que l’examen préalable ou l’évaluation des dommages sur l’environnement pour le renforcement des réseaux devrait être limité aux « dommages potentiels découlant de la modification de l’infrastructure du réseau « .

Un premier appel pour des achats communs à la fin du premier trimestre 2023

Formellement adopté, le texte qui prévoit la création d’une plateforme d’achats groupés de gaz, auxquels pourront également participer des consortiums d’entreprises de manière volontaire, a été évoqué pour la première fois en mars 2022. En regroupant les demandes, Bruxelles entend aussi faciliter les contacts avec les fournisseurs internationaux afin de diversifier les sources d’approvisionnement et obtenir également des prix plus compétitifs. Un premier appel devrait avoir lieu d’ici mars 2023 soulignait il y a quelques jours la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.

Et si la ministre Agnès Pannier-Runacher a salué des textes qui protègent à la fois la sécurité d’approvisionnement et la stabilité financière de l’UE, elle a néanmoins rappelé à l’issue du conseil que si ces mesures conjoncturelles étaient indispensables pour protéger les consommateurs européens pour les prochains hiver, ce sont bien des « mesures structurelles », avec en premier lieu le découplage du prix du gaz et du prix de l’électricité, qui seront nécessaires dans les mois qui viennent. La Commission européenne a esquissé une première proposition en ce sens.

Crédit : Union européenne.